Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
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Eugène Revert, <strong>Les</strong> <strong>Antilles</strong> (1954) 76<br />
Dominique apparaît d'autant plus belle qu'elle est encore en maints endroits<br />
couverte d'une luxuriante végétation que l'homme n'a pas encore eu le temps de<br />
détruire. La forêt humide domine sur les moyennes pentes pour faire place, au delà<br />
de 1 200 m et parfois moins, à une savane trempée où brillent les gran<strong>des</strong> fleurs<br />
rouges et jaunes <strong>des</strong> « ananas » sauvages. Et il est bien <strong>des</strong> torrents cascadants que<br />
l'on ne franchit encore que sur de pittoresques et brinquebalants ponts de lianes.<br />
L'activité interne demeure très forte. L'éruption de 1889 a fait disparaître, à peu<br />
près entièrement les anciennes manifestations geysériennes. Il reste un très grand<br />
nombre de sources thermales. On a l'impression, en survolant cette haute terre<br />
volcanique, d'un paysage en grande partie demeuré intact et qui n'est encore<br />
égratigné que par le pourtour.<br />
Et par le pourtour occidental d'abord, sous le vent, où il fait moins humide et<br />
où les communications par mer sont relativement faciles. <strong>Les</strong> routes sont encore<br />
très insuffisantes. La Dominique n'en compte guère que 121 milles, soit environ<br />
200 km, dont les principales se trouvent également sur le versant caraïbe. Il en<br />
existe quelques-unes dans le Nord, tandis qu'au contraire le district oriental n'en<br />
compte que deux. Le manque de fonds a fait interrompre, au moins<br />
provisoirement, la construction de la voie ferrée Roseau-Portsmouth, à laquelle il<br />
ne manque plus que 10 km.<br />
La Dominique nous apparaît aussi pleine de souvenirs que riche de fraîcheur.<br />
Elle est le dernier refuge, dans les îles, <strong>des</strong> Caraïbes auxquels on a consenti une<br />
réserve sur la côte orientale, dans un district peu facile à atteindre et où ils<br />
continuent, plus ou moins, à vivre suivant leurs traditions ancestrales. L'influence<br />
du métissage a cependant été très forte, mais il demeure encore beaucoup <strong>des</strong><br />
anciennes coutumes que le P. Delawarde est allé étudier sur place.<br />
D'autre part, la Dominique est restée longtemps sous la domination française.<br />
Après bien <strong>des</strong> vicissitu<strong>des</strong>, elle a fini par devenir anglaise, mais se trouve située<br />
entre la Martinique et la Guadeloupe définitivement assimilées aux départements<br />
de la France métropolitaine. Beaucoup de vieilles familles créoles y ont toujours<br />
<strong>des</strong> parents ou <strong>des</strong> amis. Daniel Thaly, le meilleur poète contemporain de nos<br />
<strong>Antilles</strong>, y a longtemps vécu. Nombreux sont les noms de villages ou de lieux-dits<br />
qui viennent de chez nous : Colinaut, Délices, Giraudel, Grand Fonds, La Plaine,<br />
Marigot, Pointe Michael et Vieille Case, par exemple. Et dans l'administration ou<br />
le commerce d'aujourd'hui on rencontre <strong>des</strong> Baron, <strong>des</strong> Boyer, <strong>des</strong> Agard, <strong>des</strong><br />
Charles, <strong>des</strong> Dupigny et <strong>des</strong> Beausoleil, pour n'en citer que quelques-uns. Il faut<br />
pourtant bien se convaincre que ce ne sont plus que les représentants d'une époque<br />
de plus en plus révolue. Tous les journaux sont anglais, l'enseignement se fait en<br />
anglais et les relations avec les îles françaises voisines ne sont pas suffisamment<br />
étroites pour amener un changement dans cet état de choses. Seuls les petits<br />
vapeurs côtiers entre la Guadeloupe et la Martinique font escale en pleine nuit<br />
devant Roseau. Disons, si l'on veut bien, qu'il faut un certain courage pour passer