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Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC

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Eugène Revert, <strong>Les</strong> <strong>Antilles</strong> (1954) 111<br />

dans quelles conditions. Il vaut d'abord la peine de faire une remarque : la<br />

Martinique est occupée de manière beaucoup plus dense que la Guadeloupe et le<br />

problème a besoin d'y trouver une solution imminente. Je partage, en ce qui<br />

concerne l'île sœur l'opinion d'après laquelle il resterait encore de vingt à trente ans<br />

de grâce. Pour qui connaît la Martinique, les campagnes guadeloupéennes<br />

paraissent souvent vi<strong>des</strong> d'hommes ou presque. Je possède dans mes papiers le<br />

rapport d'un forestier qui proposait tout de go d'installer, dans la Basse-Terre,<br />

quelques centaines de colons européens aux confins exploitables de la grande<br />

silve. À la Martinique, au contraire, le problème exige une solution urgente et j'ai<br />

entendu les autorités les plus éminentes au point de vue social comme religieux<br />

l'exposer avec une émotion qui n'était pas feinte. À chaque jour qui passe, <strong>des</strong><br />

jeunes gens viennent solliciter un travail qu'on ne peut leur donner. Ils sont prêts à<br />

n'importe quoi pour subsister et faire subsister les leurs. On peut se demander<br />

pourquoi.<br />

L'augmentation de la population, maintenant indéniable, coïncide<br />

malheureusement avec les progrès rapi<strong>des</strong> de la mécanisation dans les cultures de<br />

cannes et celles-ci demeurent à beaucoup près les principales de l'île. J'ai vu les<br />

nouvelles plantations en lignes qui permettent ensuite d'opérer les sarclages,<br />

lesquels demeurent longtemps indispensables, avec de petits tracteurs, et non plus<br />

à la main. Il me paraît non moins certain que la pression <strong>des</strong> faits économiques<br />

conduira tôt ou tard Martiniquais et Guadeloupéens à renoncer au mode habituel<br />

de récolte qui consiste à tronçonner, sans aucune utilité, les cannes recueillies en<br />

bouts de 1 m, que l'amarreuse attache ensuite par paquets de dix. Il y a un énorme<br />

avantage au point de vue rendement à jeter les cannes entières tronçonnées à leur<br />

base, et débarrassées du « bout blanc », sur un camion de tare connue et dont la<br />

pesée permet ensuite de donner à chacun la part qui lui revient. Dans ce système<br />

cependant l'amarreuse disparaît. Mais on peut aller beaucoup plus loin.<br />

L'introduction <strong>des</strong> fameuses « moissonneuses pour cannes » est possible dans les<br />

plantations de plaine ou de pays légèrement ondulés. Déjà, en 1951, de gros<br />

industriels, qui n'étaient absolument pas <strong>des</strong> gens sans entrailles, m'expliquaient en<br />

toute liberté d'allure que le jour arriverait bientôt où ils seraient obligés de<br />

mécaniser complètement ou presque leurs exploitations devant l'augmentation<br />

constante <strong>des</strong> prix de revient. Or chacune <strong>des</strong> moissonneuses actuellement en<br />

usage en Louisiane fait le travail de cinquante travailleurs au minimum. D'où le<br />

terrible problème qui se pose.<br />

En fait, l'assimilation a entraîné une effroyable augmentation du coût de la vie.<br />

<strong>Les</strong> ouvriers agricoles et autres sont payés maintenant aux prix de France : ils<br />

touchaient de 10 à 15 francs au grand maximum en 1939. Et il est certain que, dans<br />

l'ensemble, leur rendement demeure très inférieur. Non qu'il faille, en quoi que ce<br />

soit, leur jeter la pierre. Il y a le climat, les conditions mêmes de logement, de<br />

nourriture, d'habillement, et celui qui aurait envie de protester n'a qu'à s'en aller<br />

faire la coupe de cannes, sous le grand soleil, dans la plaine du Lamentin, à moins<br />

qu'il ne préfère celle du François. Mais il reste les faits économiques généraux,

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