Les Antilles - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
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Eugène Revert, <strong>Les</strong> <strong>Antilles</strong> (1954) 132<br />
et surtout, par le seul fait de son existence et <strong>des</strong> réunions qu'elle a organisées, la<br />
Commission prend chaque jour une importance grandissante. Elle devient petit à<br />
petit le grand centre intellectuel et scientifique de la région. Il y a encore beaucoup<br />
de fatras dans ses publications, mais elles s'améliorent à chaque jour qui passe et il<br />
est déjà quelques rapports de tenue vraiment internationale. Par ailleurs, les<br />
personnalités les plus éminentes <strong>des</strong> îles dites « dépendantes » s'y réunissent<br />
régulièrement et discutent en séance ou hors de séance les questions qui les<br />
intéressent. <strong>Les</strong> « conférences » se tiennent alternativement dans les principales<br />
îles et les gens qu'on y envoie prennent l'habitude de se rencontrer, de discuter les<br />
intérêts généraux de la région, ce qu'on ne faisait guère auparavant. <strong>Les</strong><br />
Républiques indépendantes se font maintenant représenter de manière régulière<br />
aux diverses sessions. Rappelons enfin que le domaine de la Commission s'étend<br />
jusqu'aux Guyanes. Et, petit à petit, dans toute la région, on s'adresse de plus en<br />
plus à elle pour trouver une solution aux problèmes qui se posent.<br />
Il est facile d'extrapoler et de voir dans la Commission l'organisme <strong>des</strong>tiné à<br />
préparer la future Confédération Caraïbe. Rappelons ici d'un mot la souplesse et<br />
l'astuce <strong>des</strong> solutions anglaises : un dominion pourrait devenir le centre d'une<br />
fédération élargie à laquelle sans doute les îles hollandaises se rattacheraient plus<br />
ou moins vite. Du côté français, les résistances seraient vives, encore que l'on en<br />
reviendrait de la sorte et par une voie détournée à ce projet pittoresque, distribué<br />
clan<strong>des</strong>tinement il y a quelques années aux conseillers généraux de la Martinique<br />
et de la Guadeloupe, et qui réduisait le rôle <strong>des</strong> puissances protectrices à une<br />
surveillance lointaine, aussi lointaine et inefficace que celle <strong>des</strong> Dieux d'Épicure.<br />
Avouerai-je que je n'y crois pas beaucoup, hormis un seul cas sur lequel il me<br />
paraît inutile d'insister ? Il est trop évident qu'à l'occasion d'une troisième guerre<br />
mondiale les États-Unis américains prendraient d'autorité les mesures qui leur<br />
paraîtraient utiles ou indispensables dans la zone caraïbe et qu'il serait ensuite trop<br />
tard pour élever la moindre récrimination. Si on ne l'envisage que sous l'angle <strong>des</strong><br />
rapports de force, il suffit donc que les nations américaines le veuillent ou en<br />
éprouvent la nécessité pour nous chasser à jamais de la région. Il y a là une<br />
hypothèque qu'on n'a pas le droit d'oublier en l'espèce.<br />
D'autant qu'il est fort vraisemblable en pareil cas que la Commission Caraïbe,<br />
d'organisme purement consultatif qu'elle est maintenant, serait automatiquement<br />
promue au rôle de conseil de gouvernement avec toutes les prérogatives que cela<br />
comporte. Et c'est ce qui peut expliquer la faveur qui lui est conservée du côté<br />
américain, encore que l'évolution même de la Commission n'ait pas toujours été ce<br />
que ses promoteurs en avaient espéré.<br />
Car, si la paix se maintient, il n'est pas certain, loin de là, que l'évolution du<br />
monde antillais se fasse exactement dans le sens désiré par les États-Unis ou telle<br />
république de l'Amérique du Sud. Il n'est nullement certain en tout cas qu'il évolue<br />
de manière décisive vers une unité totale.