18.11.2012 Views

comment-le-peuple-juif-fut-invente

comment-le-peuple-juif-fut-invente

comment-le-peuple-juif-fut-invente

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

130 COMMENT LE PEUPLE JUIF FUT INVENTÉ<br />

détermination des frontières de la col<strong>le</strong>ctivité), et il prit de Herder<br />

et de Fichte <strong>le</strong>ur romantisme ethnico-spirituel débordant. La race,<br />

à ses yeux, ne constituait qu'une première étape dans <strong>le</strong> devenir<br />

de la nation, amenée plus tard à se développer <strong>le</strong>ntement pour se<br />

transformer en une unité historico-culturel<strong>le</strong> unique. Ni la race, ni<br />

la langue, ni <strong>le</strong> territoire ne sont <strong>le</strong>s facteurs déterminants de la<br />

représentation de la nation dans l'histoire. Les nations se caractérisent<br />

par <strong>le</strong> fait qu'el<strong>le</strong>s sont porteuses d'une longue culture spirituel<strong>le</strong>,<br />

reproduite et transmise de génération en génération.<br />

Existe-t-il, cependant, une supraculture laïque commune à<br />

toutes <strong>le</strong>s communautés du « peup<strong>le</strong>-monde » (concept choisi par<br />

Doubnov pour désigner l'ensemb<strong>le</strong> des communautés juives) ?<br />

L'historien <strong>juif</strong> russe éprouva des difficultés à répondre à cette<br />

question. Malgré sa laïcité profonde et sa critique sévère de la foi,<br />

il dut donc se prononcer en faveur de la préservation de la religion<br />

juive comme condition vita<strong>le</strong> de l'existence de la « culture de la<br />

nation » laïque l<br />

. La tendance pragmatique, qui, plus tard, transformerait,<br />

dans l'historiographie sioniste, la foi religieuse en instrument<br />

de la définition de l'identité nationa<strong>le</strong>, trouvait en Doubnov<br />

son premier historien caractérisé.<br />

Dans la mesure où Doubnov éprouvait un certain inconfort à<br />

s'appuyer sur la culture religieuse pour définir la nation moderne,<br />

il suivit <strong>le</strong>s traces du romantisme al<strong>le</strong>mand dans la recherche<br />

d'une « spiritualité » sans frontière ni définition, par-delà <strong>le</strong> temps<br />

et l'espace, retentissant en écho depuis une antique et lointaine<br />

origine. En tant que sujet du grand Empire russe, qui peinait à<br />

devenir un État-nation, il ne comprit jamais complètement la fonction<br />

de l'État moderne dans la formation de la culture nationa<strong>le</strong>.<br />

Il pouvait donc se définir comme « autonomiste » en se référant<br />

explicitement au célèbre essentialisme populiste de Herder : « Il<br />

nous faut comprendre une fois pour toutes que l'État est une union<br />

socia<strong>le</strong> et léga<strong>le</strong> formel<strong>le</strong> dont l'objectif est de protéger <strong>le</strong>s intérêts<br />

de ses membres, tandis que la nation est une union interne, psychique,<br />

existentiel<strong>le</strong>. Le premier est par essence transformab<strong>le</strong>, <strong>le</strong><br />

1. Doubnov souligne : « Si nous voulons préserver <strong>le</strong> judaïsme en tant que<br />

nation culturel<strong>le</strong> et historique, nous ne devons pas oublier que la religion juive<br />

est l'un des fondements <strong>le</strong>s plus importants de notre culture nationa<strong>le</strong> et que<br />

l'éliminer signifierait miner par là même ce fondement de notre existence. »<br />

Simon Doubnov, Lettres sur <strong>le</strong> judaïsme ancien et nouveau (1907), Paris, Le<br />

Cerf, 1989, p. 98.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!