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revue finissante - Les âmes d'Atala

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t’avait poussé à simuler le crime. Appropriation absolue du corps et de<br />

la vie. Tu pourrais tuer pour jouir de l’instant, tandis que je me laisserais<br />

mourir pour que tu y parviennes. Nous voilà acteurs du mime infernal<br />

de l’extrême péché : ne pas accorder plus de sens à nos existences que<br />

le plaisir d’une chatte et d’une queue. Ici, la chatte noire de la sorcière<br />

et la queue rouge du diable s’accordent tellement merveilleusement que<br />

l’éternité leur semble à portée de main. Le moment cruel de ton départ<br />

vient pourtant. Trop tôt comme toujours nous nous arrachons l’un à<br />

l’autre. Je feins d’y être indifférente et tu feins de ne pas t’ apercevoir<br />

que la force du vide me pousse à m’agripper dangereusement à toi.<br />

Tu pars et je ne veux pas en rester là, je veux tenter de faire durer la<br />

félicité bien qu’elle soit rarement soeur de la solitude. J’ai aujourd’hui<br />

ce qu’il me faut. Quelques gouttes de toi récoltées, plastifi ées, sauveront<br />

pour ce soir mon insatiable appétit. Du bout de l’index, je les porte à<br />

ma bouche et m’imagine les recevoir directement d’un jet puissant. Je<br />

te vole ce que tu n’as pas osé laisser au creux de mon ventre, refus de<br />

la vie plus que peur de la mort oblige. Peut-être aurait-il fallu le boire<br />

plus tôt : son goût est plus que sur et sa couleur grisâtre. Son odeur est<br />

intacte, plus forte même, et suffi t à elle seule à me rappeler le délice de<br />

ta queue sous ma langue.<br />

En un rituel clandestin, goutte par goutte je te savoure. La première<br />

lapée n’est que curiosité, la seconde expérimentation, la troisième<br />

dégustation. Et toutes les autres sont le plaisir de te dévorer. Tu as déjà<br />

constaté comme j’aime avaler ce que ma bouche réussit à t’extraire mais<br />

je ne t’avouerai pas cette nouvelle lubie : peut-être serais-tu effrayé de<br />

me savoir aussi gourmande. Non pas que le vice t’étonne mais peut-être<br />

ma passion te semblerait excessive.<br />

Je m’inquiète. J’étais pourtant parvenue à me défaire un peu de toi.<br />

Voilà maintenant que je savoure ces restes d’une jouissance précieuse<br />

et m’émeus d’en être capable. Je ne serai jamais la seule à entendre tes<br />

râles de plaisir, ni même la seule à connaître le goût de ce liquide devenu<br />

sacré. Mais sans aucun doute je resterai la seule à rechercher dans ces<br />

déchets ce qui pourrait illusoirement te faire vivre en moi.<br />

Parfois je suis prise d’une envie irraisonnée de te laisser coloniser ce<br />

ventre. Je t’ai déjà signifi é que son accès t’était libre. Tu y entres et<br />

en sors à ta guise, sans avoir à t’embarrasser de mon consentement, et<br />

l’expropriation est paradoxalement plaisante. Tu sais que, tant que rien<br />

n’est dit sur cette procuration, jamais je ne te refuserai une place en<br />

cet endroit. Mais voilà parfois que je veux davantage que ces allers et<br />

venues : je veux que quelque chose de toi réside au plus profond.<br />

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