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revue finissante - Les âmes d'Atala

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Byzance copronyme<br />

contraint à vivre un éternel veuvage. Et la malheureuse jeune fi lle,<br />

vestale sacrifi ée à la mémoire de son amant disparu, ne sort plus de sa<br />

villa que pour se rendre au cimetière où est inhumé lord Herald.<br />

Et en vérité il est bien diffi cile de ne pas reconnaître dans toutes ces<br />

mères excessivement possessives madame Pauline Duval, la mère de<br />

Jean dont on dit que ce fut elle qui choisit le pseudonyme de l'écrivain.<br />

Comme sa famille, honorablement connue à Fécamp !, ne voulait pas<br />

que le nom de Duval fût compromis par les douteuses publications du<br />

fi ls, il fut décidé par le conseil de famille qu'il prendrait un pseudonyme.<br />

Et alors alors que Jean rêvait déjà à des noms ronfl ants, moyenâgeux,<br />

spectaculaires, la mère aurait choisi le premier nom trouvé dans un livre<br />

ouvert au hasard : Lorrain. Quelle affi rmation d'un souverain pouvoir<br />

que de choisir le nom d'écrivain du fi ls! En fait il suffi t de lire l'effrayant<br />

éloge que fait Georges Normandy de Madame Duval, en préface aux<br />

Lettres à ma Mère de Lorrain, pour comprendre qu'il ne fut pas aisé - et<br />

sans doute même impossible - d'échapper à cette étouffante «incarnation<br />

de l'Amour maternel dans ce qu'il a de plus absolu, de plus admirable<br />

et presque de divin 54 » : «C'est elle qui le ravit, enfant, à la Mort, -<br />

allant jusqu'à remplir son petit lit de pollen de sapins, anxieuse depuis<br />

toujours et sans cesse jusqu'à son dernier soupir, pour cet enfant, car cet<br />

homme ne fut jamais, en dernière analyse, qu'un grand enfant terrible,<br />

terriblement doué, terriblement énergique et terriblement fragile à la<br />

fois; - c'est elle qui lui choisit le pseudonyme de Jean Lorrain devenu<br />

célèbre; c'est elle qui le sauva lorsqu'il fut devenu éthéromane pour<br />

exiger de son corps et de son esprit une activité surhumaine; - c'est elle<br />

qui, depuis lors, veilla sur lui sans répit, écrivit sous sa dictée la plupart<br />

de ses livres; - c'est elle qui lui épargna les soucis, les menuailles de<br />

la vie courante desquels son talent et sa sensibilité eussent pâti; - c'est<br />

elle qui fut sa seule compagne de voyage; - c'est elle enfi n qui, avec un<br />

courage inouï, n'ignorant rien du dénouement fatal imminent, lui adoucit<br />

ses heures d'agonie - pendant lesquelles il passait le bras autour du cou<br />

de sa "maman" 55 ». Elle, rien qu'elle, encore et toujours elle. Et lui? Et<br />

lui? L'analyse de Normandy, on ne peut plus symptomatique dans sa<br />

naïveté même, pourrait faire sourire si elle ne révélait à quel point cette<br />

présence maternelle dut être prégnante et oppressante. Tant et si bien<br />

que cette analité, si insistante chez Jean Lorrain, vaut sans doute tout à<br />

la fois, en double bande en somme, comme tentative d'expulsion de ce<br />

qui psychiquement fait blocage et occlusion et comme retour régressif à<br />

cette période où l'excrémentiel est don à la mère.<br />

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