revue finissante - Les âmes d'Atala

Ian Geay
l’anniversaire de ses noces, Simonetta danse devant un public ébahi.
La danse terminée, elle découvre avec stupeur que gisent à ses pieds les
trois têtes coupées d’Hérode, de Saint Jean et du bourreau, que le duc
Andréa Salvati, enfant du premier mariage du Marquis de Spolète, a fait
réellement exécuter par vengeance. La jolie marquise est alors incarcérée
dans une petite cellule capitonnée où elle est condamnée à fi nir ses jours.
Et à ses pieds, trois têtes sanglantes entassées sur un plat, « trois têtes de
jeunes hommes aux prunelles révulsées, aux cheveux hérissés demeurés
droits d’effroi, trois têtes livides sous leur fard 14 ». L’identifi cation de la
marquise à la princesse juive cause ainsi la mort de trois hommes, mais
surtout de trois artistes. Jean de Palacio voit dans l’issue de la nouvelle
un effet de contrapasso d’inspiration dantesque, un effet de châtiment
en retour qui répète de manière amplifi ée et inversée le crime premier.
La punition de Simonetta par l’intermédiaire de la décapitation de ses
trois amants est liée à la dépossession du génie créateur de l’artiste par la
femme volage et autoritaire qui représente le discrédit d’un règne.
Dans une autre nouvelle, la princesse Ottilia, jeune princesse sourde
et muette, s’éprend d’un poète musicien. Un matin, elle reçoit la tête de
Beppo de Fiesoles, coupée sur les ordres de son frère, dans un coffret de
Venise richement décoré. Une fois encore, le génie artistique est victime
de l’acéphalisation et quelque soient les commanditaires de ce meurtre
par décollation, le frère, le père ou la maîtresse du dauphin, la duchesse
Catarina d’Aydagues, le drame est directement lié à Ottilia, cette fi gure
féminine sourde et muette qui caractérise la Femme devant l’Art. Le
spectre de la décollation renvoie chez Lorrain à l’essentielle stérilité
de la femme et à sa vocation à appauvrir et détruire, tant sur le plan
artistique que politique, l’ouvrage masculin. On voit là une occurrence
supplémentaire de cette « protestation du cerveau contre la matrice »
chère à Flaubert 15 et qui nous fait penser que la fellation, au même
titre que la décapitation, n’est pas seulement, dans ces conditions, une
atteinte à l’ordre naturel de la reproduction, mais qu’elle est également
un acte profane qui attente à l’indivisible en isolant les parties basses de
la tête et du cerveau.
Géographie de la fellation
« Têtes sans corps ou corps sans têtes », le résultat est le même : la
disjonction 16 . Le corps est séparé en deux parties distinctes : les parties
basses représentées par le ventre et le sexe d’une part, les sphères élevées
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