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revue finissante - Les âmes d'Atala

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Alain Buisine<br />

ridiculisée. Mais il suffi t. On ne peut quand même pas consacrer toute<br />

une analyse littéraire à répéter ces triviales questions organiques que<br />

prête trop complaisamment à ses curistes petites-bourgeoises Jean<br />

Lorrain, dans Quelques sources, quelques plages :<br />

« Avez-vous obtenu ce matin ? - Moi, pas encore, et vous? -<br />

Oh ! moi, les eaux me font un effet ! Trois fois depuis hier soir !<br />

- Oh ! moi, seulement une fois, vous pouvez être fi ère. - Et cette<br />

pauvre madame de Champclos qui n'en a pas eu depuis trois<br />

jours ! 26 ».<br />

C'est insupportablement vulgaire, mais il faut néanmoins en retenir<br />

que toute une oeuvre vient ainsi trouver son dérisoire aboutissement<br />

dans le fondement. Quand Henri de Roperce prétend faire de son roman<br />

une étude de cette grande maladie des temps modernes que serait la<br />

constipation, sans doute plaisante-t-il pour choquer la pudibonderie de<br />

la petite-bourgeoisie locale. Mais, malheureusement, cette provocation<br />

devient en grande partie réalité dans le roman de Jean Lorrain.<br />

Que d'horreurs psychologiques et physiologiques ! Quel affreux<br />

monde féminin ! Aussi répugnant que sont consternants des romans tels<br />

que Madame Monpalou et Hélie, Garçon d'Hôtel ! Et on comprend<br />

aisément que pareils textes, aussi indigents que grossiers, soient évacués<br />

par la critique qui préfère ne pas s'attarder sur de telles catastrophes<br />

littéraires (et qui de toute façon, en règle générale, va chez Jean Lorrain<br />

comme un aristocrate se rend dans un claque de banlieue ou dans le<br />

pire des beuglants, pour délicieusement s'encanailler sans quand même<br />

prendre trop de risques). Il est vrai que ces deux romans (dont l'un,<br />

27 Hélie, Garçon d'Hôtel publié en 1908, est posthume ) fi gurent parmi<br />

les tout derniers textes écrits par Lorrain, qu'on peut donc être tenté de<br />

mettre leur insigne médiocrité sur le compte de l'épuisement de son<br />

génie. En fait tout se passe comme si l'incontestable usure de l'écriture,<br />

l'affaissement, l'effacement de ses fastes symbolistes, révélaient,<br />

montraient à nu la trame même de son imaginaire.<br />

Qu'on est donc loin des pures et transparentes créatures boticelliennes,<br />

des femmes préraphaélites. Où sont donc passées les « sveltes<br />

Salomés »? Que sont donc devenues les Princesses d'ivoire et d'ivresse?<br />

Car tant que les femmes sont barbares, maléfi ques, fatales, vicieuses,<br />

vénéneuses, luxurieuses, cruelles, terrifi antes, on est encore dans le<br />

domaine de l'esthétique, d'un symbolisme exacerbé. L'outrance même<br />

est un geste d'artiste. La monstruosité serait une modalité paradoxale de<br />

la pureté, son exacerbation à en croire Jean Lorrain lui-même comme il<br />

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