revue finissante - Les âmes d'Atala
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Johan Grzelczyk<br />
plus tard, s’attaquant alors à la conception de ce qui deviendra Par-delà<br />
bien et mal, Nietzsche semble songer à y consacrer un chapitre spécifi que<br />
portant plus précisément sur « l’histoire de l’assombrissement moderne »<br />
(« Zur Geschichte der modernen Verdüsterung » 7 ). Enfi n, de nombreux<br />
fragments posthumes de 1888 8 prouvent que Nietzsche considère le<br />
thème de la modernité comme devant être traité dans le grand ouvrage<br />
qu’il projette alors toujours de rédiger, La volonté de puissance. Le fait<br />
est confi rmé dans le fragment de cette même période numéroté 14<br />
[136] puisque, alors qu’il pense diviser cet essai en quatre grands<br />
chapitres, le troisième est censé être consacré au « Problème de la<br />
valeur de notre monde moderne » 9 .<br />
Indubitablement Nietzsche tient à mettre le thème de la modernité au<br />
cœur de sa philosophie. Il n’hésite d’ailleurs pas, à l’occasion, à qualifi er<br />
celle-ci de « théorie de la modernité » (Theorie der Modernität » 10 ),<br />
cette qualifi cation étant sous-tendue par l’exigence qu’il prononçait<br />
un an auparavant en ces termes : « Mon œuvre doit contenir un aperçu<br />
d’ensemble sur notre siècle, sur toute la modernité, sur le degré atteint<br />
de « civilisation » » 11 .<br />
De ce point de vue, si ses premiers écrits se voulaient être<br />
« inactuels » (« unzeitgemäß») et qu’un chapitre de son Crépuscule<br />
des idoles rédigé, au terme de sa vie consciente, revendique encore<br />
cette inactualité (« Divagations d’un « inactuel » », « Streifzüge eines<br />
Unzeitgemässen »), cette revendication n’est pas, à elle seule, à même<br />
d’indiquer quel est le sentiment exact de Nietzsche à l’égard de son<br />
temps. En effet, comme il l’affi rme dans Par-delà bien et mal, « le<br />
philosophe, qui est nécessairement l’homme de demain et d’après<br />
demain » doit, par défi nition, toujours « se trouver à n’importe quelle<br />
époque en contradiction avec le présent » 12 , être « la mauvaise conscience<br />
de [son] temps » 13 . Pour penser son temps, pour en déterminer la valeur,<br />
le philosophe se doit d’être en replis par rapport au monde dans lequel il<br />
évolue et sur lequel il a la prétention de réfl échir 14 . C’est là une exigence<br />
méthodologique qui ne présume en rien de ce que ce même philosophe<br />
conclura quant à la valeur de cette époque.<br />
Pourtant, dans le cas de Nietzsche, l’inactualité dont il se réclame<br />
pourrait tout aussi bien être perçue comme étant la marque de son<br />
mépris pour son époque tant il est vrai qu’il n’a de cesse de la critiquer<br />
et de la condamner :<br />
Le XIXème siècle, surtout à son déclin, est-il autre chose qu’un<br />
XVIIIème siècle aux traits plus grossiers, plus brutaux, bref un<br />
siècle de décadence ? 15<br />
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