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revue finissante - Les âmes d'Atala

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Johan Grzelczyk<br />

instincts de vie qui ne peuvent que tarauder son organisme… le portrait<br />

de l’homme moderne tel qu’il est dépeint par Nietzsche sera complet<br />

lorsque nous aurons ajouté que plongé dans un état de surexcitation<br />

permanente il ne cesse par conséquent de poursuivre ce que Nietzsche<br />

nomme des plaisirs narcotiques.<br />

Dès l’époque de sa quatrième Considération intempestive, Nietzsche<br />

analyse le goût contemporain pour certaines formes d’art à la lumière<br />

de la compréhension qu’il a de l’homme moderne. Face à sa mauvaise<br />

conscience, ce dernier a besoin d’un art narcotique capable de lui faire<br />

oublier sa triste réalité :<br />

Et soudain la tâche de l’art moderne apparaît distinctement :<br />

l’abrutissement ou l’ivresse ! Endormir ou étourdir ! Amener<br />

la conscience, d’une manière ou d’une autre, à l’inconscience !<br />

Aider l’âme moderne à se débarrasser de son sentiment de<br />

culpabilité et non de retrouver celui de son innocence ! 45<br />

C’est dire qu’à l’inverse de l’art antique grecque qui, s’adressant<br />

à un public capable de supporter la réalité de l’existence, n’hésitait<br />

pas à en offrir le spectacle transfi guré, l’art moderne (principalement<br />

la musique moderne 46 ) s’emploie quant à lui à divertir et à produire<br />

un effet purement narcotique sur des hommes qui, « haïss[ant] la<br />

lumière… qui se fait sur eux-mêmes », « ne veulent pas la lumière,<br />

mais l’aveuglement » 47 :<br />

il est deux catégories d’êtres souffrants, ceux qui souffrent de<br />

la surabondance de vie, qui désirent un art dionysiaque et qui<br />

ont également une vision et une compréhension tragiques de la<br />

vie – et ceux qui souffrent de l’appauvrissement de la vie, qui<br />

cherchent dans l’art et la connaissance le repos, le silence, la mer<br />

étale, la délivrance de soi, ou au contraire l’ivresse, la crispation,<br />

la stupéfaction, le délire. 48<br />

Il ne s’agit donc pas pour l’art moderne de tendre à l’homme le<br />

miroir de ce qu’il est et de lui montrer ce qu’il est devenu incapable<br />

de devenir mais bien, « en tant que moyen de divertissement et de<br />

dissipation toujours à portée de main, qui sait inépuisablement varier les<br />

effets excitants et piquants », de « justifi er le genre de vie moderne » 49 et<br />

surtout d’en alléger le poids.<br />

A cet égard, Richard Wagner constitue « un fait capital dans l’histoire de<br />

l’« esprit européen », de l’« âme moderne » » 50 :<br />

C’est justement parce que rien n’est plus moderne que cette<br />

universelle morbidité, que cette machine nerveuse surexcitée<br />

52

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