revue finissante - Les âmes d'Atala
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Irrumations fin-de-siècle<br />
ou lorsque le décadent taille sa plume !<br />
par Ian Geay<br />
Ne sois pas trop doux, on t’avalerait ;<br />
Ne sois pas trop amer, on te cracherait.<br />
Proverbe araméen<br />
Le 16 février 1899, Félix Faure meurt accidentellement<br />
dans les bras de sa maîtresse, Marguerite Stenheil. Selon<br />
Hugues Le Roux, journaliste et ami du président, ce<br />
dernier est mort d’un arrêt cardiaque. L’un des médecins<br />
chargés d’expliquer sa mort confi rme le diagnostique<br />
en concluant au surmenage, professionnel, alimentaire<br />
ou quelconque. Mais Maurice Paléologue, chargé des<br />
affaires réservées au Quai d’Orsay, offre, à travers<br />
quelques détails relatifs à la découverte du cadavre, une<br />
version différente du récit offi ciel :<br />
Et que voit-il ? Le président évanoui, foudroyé,<br />
dans le dévêtement le plus signifi catif ; près<br />
de lui, toute nue, Mme Steinheil, hurlante,<br />
délirante, convulsée par une crise de nerfs.<br />
Avant d’appeler au secours, il veut rétablir un<br />
peu d’ordre. Mais outre que Mme Steinheil se<br />
débat dans les spasmes et les contorsions, le<br />
président lui tient les cheveux entre ses doigts<br />
crispés.<br />
Nous ne savons pas quelle caution apporter à ce<br />
témoignage, mais la charge imaginaire est indéniable : la<br />
position, décrite par Paléologue, indique que Félix Faure<br />
s’est éteint entre les lèvres de sa maîtresse, révélant, en<br />
cette queue de siècle, le rôle symbolique et criminel<br />
de la fellation. Et Clémenceau d’accréditer le pouvoir<br />
dissolvant de la caresse en déclarant à propos de l’heureux<br />
défunt : « Il voulait être César, il ne fut que Pompée. » Le<br />
caractère grivois de l’attaque n’aura échappé à personne<br />
si l’on se souvient qu’à l’époque, le tout-Paris avait