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revue finissante - Les âmes d'Atala

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Irrumations fin-de-siècle<br />

orale non-procréatrice. La succion vampirique vient rompre à la fois<br />

l’épiderme et le relationnel, ce qu’Ana Gonzalez-Salvador résume par<br />

l’interruption simultanée de la circulation du sang et du sens. La morsure<br />

mine la communication au sein de la relation amoureuse en éloignant<br />

la femme séduite des hommes dont elle est proche, à l’instar de Mina<br />

qui, une fois contaminée par Dracula, se voit totalement exclue des<br />

discussions au sein du groupe. En déplaçant la sexualité du génital vers<br />

l’oral, le vampire détourne l’ordre naturel et par extension, l’ensemble<br />

de l’organisation sociale. A quoi servirait donc la sexualité si ce n’est à<br />

procréer ? Le fait que les victimes restent en vie après l’agression vient<br />

corroborer l’autosuffi sance sexuelle des vampires. Exit la procréation,<br />

la gestation et les accouchements ! S’il n’y a plus de mort, il n’y a plus<br />

de naissance ! La morsure, comme coït, est une atteinte au système de<br />

reproduction sur lequel se fi ge la dichotomie des sexes, et représente la<br />

menace principale qui pèse sur l’Occident : l’indifférenciation sexuelle<br />

caractérisée par Dracula.<br />

Dans un cas, le viol vient réaffi rmer la différence des sexes en<br />

rétablissant la hiérarchie entre l’homme et la femme ainsi que la<br />

spécialisation des tâches au sein du couple et de la famille. Dans l’autre,<br />

il vise à détourner la femme de son rôle de génitrice par le biais de la<br />

corruption sexuelle. L’épisode de l’attaque vampirique relatée par Mina,<br />

dans son journal intime, est à ce titre exemplaire :<br />

Il déboutonna le plastron de sa chemise, et, de ses longs ongles<br />

pointus, s’ouvrit une veine de la poitrine. Lorsque le sang<br />

commença à jaillir, d’une main il saisit les deux miennes de<br />

façon à me rendre tout geste impossible, et de l’autre, il me<br />

prit la nuque, et de force, m’appliqua la bouche contre sa veine<br />

déchirée : je devais donc, soit étouffer, soit avaler un peu de…<br />

Oh ! mon Dieu, qu’ai-je fait pour devoir endurer tout cela, moi<br />

qui ai pourtant toujours essayé de marcher humblement dans le<br />

droit chemin ? 3<br />

De très nombreux critiques, dont Berkley, Alain Pozzuoli ou Jean<br />

Marigny pour ne citer qu’eux, ont interprété ce passage comme la<br />

description à peine imagée d’une fellation. Or, d’après l’interprétation<br />

de Freud dans Totem et Tabou, la fellation répond à une volonté<br />

masculine de punir. Dracula l’affi rme d’ailleurs très explicitement :<br />

« (…) vous méritez la punition de votre complicité 4 . » En lui faisant<br />

sucer son propre sang, métaphore de son sperme, il la contamine et fait<br />

d’elle sa maîtresse. Mais ce coït contre-nature vaut à Mina l’opprobre<br />

des défenseurs du bien qui lui imposent le déshonneur de son sexe en<br />

9

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