revue finissante - Les âmes d'Atala
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Ian Geay<br />
surnommé Marguerite Steinheil la « Pompe Funèbre»… La crise<br />
d’apoplexie, qui frappe Félix Faure, illustre, pour ses contemporains, le<br />
rôle destructeur de la femme dans le champ de la politique. L’oralité, en<br />
d’autres termes l’accès des femmes à la parole, est accusée d’encourager<br />
l’Anarchie au détriment de la hiérarchie et de l’ordre patriarcal représentés<br />
par la République et son chef d’état. Mais la fellation est aussi devenue, au<br />
cours du dix-neuvième siècle, un thème littéraire à part entière, à travers<br />
notamment la dérivation cannibalique de l’oralité et le succès du thème<br />
vampirique qui n’aura trompé personne quant à sa dimension sexuelle.<br />
Révélatrice des angoisses de castration des artistes et des littérateurs de<br />
l’époque, la fellation n’est pourtant pas seulement un avatar de ce que<br />
la psychanalyse appellera quelques années plus tard le premier stade<br />
du sadisme infantile, le sadisme oral, mais aussi un enjeu littéraire et<br />
esthétique au regard de l’histoire des formes et des représentations.<br />
Irrumer ou phénicianiser<br />
Le viol en réunion que connaît Lucy Westerna, dans Dracula, de<br />
Bram Stoker, est un acte commis avec violence et pénétration. L’issue<br />
de ce drame est d’abord l’éjaculation de la semence qui représente la<br />
neutralisation biologique du coït avec le vampire (et qui se répercute<br />
dans la maternité de Mina), puis l’exécution de la victime en vue de<br />
l’expiation de ses péchés. Van Helsing et ses amis scient la tête de la<br />
malheureuse (rappelant le poncif misogyne selon lequel la femme n’est<br />
pas un cerveau mais un sexe), puis coupent à ras le pieu-phallus que son<br />
amant lui a enfoncé dans le cœur. Enfi n ils remplissent sa bouche d’ail,<br />
l’orifi ce buccal étant devenu chez le vampire le succédané de l’orifi ce<br />
génital. Par ce geste, ils fi nissent de suturer tous les orifi ces de la jeune<br />
femme et rappellent cette hantise de la maternité monstrueuse à la fi n<br />
du dix-neuvième siècle. Il faut empêcher Lucy de procréer, car elle est<br />
celle qui engendre des monstres, mais son meurtre rituel permet surtout<br />
à l’autre femme, Mina, la bonne mère, celle qui fait preuve d’un instinct<br />
maternel intact 1 , de perpétuer la race en enfantant le digne représentant<br />
de la lignée, celui qui, symboliquement, vient remplacer le croisé<br />
Quincey Morris 2 .<br />
Le viol vampirique, lui, se caractérise par l’oralité de l’agression,<br />
l’absence de pénétration génitale et la survie de la victime suite à<br />
la morsure. C’est-à-dire que Dracula porte atteinte au système de<br />
reproduction en déviant la sexualité purement génitale vers une sexualité<br />
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