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revue finissante - Les âmes d'Atala

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Byzance copronyme<br />

le soutient dans une lettre à Charles Buet :<br />

Mes rêves ont fait naufrage dans la bataille et je sors de la<br />

lutte ruiné physiquement, mais moralement affi né, délisé,<br />

vaporisé, avec des aspirations bleuâtres vers des sveltesses et<br />

les longues, les fi nes, les émaciées de la beauté spiritualiste ;<br />

des amours d'archange avec des chérubins monstrueux à force<br />

d'être purs... 28<br />

Après tout l'art peut sauver les androgynes, les insexuées, les<br />

nymphomanes, les éthéromanes, les morphinées, les buveuses d'absinthe,<br />

les hystériques et les déséquilibrées, les perverses et les démoniaques<br />

puisqu'« il y a dans le vice une fatalité et une tristesse qui peuvent<br />

émouvoir; et [que] dans l'ardeur aveugle de certains aberrés à courir à<br />

leur perte apparaît parfois le grandiose des destinées inévitables, toute la<br />

détresse des tares héréditaires 29 », mais par contre on ne peut strictement<br />

rien faire pour celles dont les entrailles sont dérangées. Pire que tout,<br />

les trivialités et les misères de l'incarnation physiologique. Il est quand<br />

même trop facile de ne conserver de Lorrain que ses plus fascinantes<br />

sublimations et éthérisations esthétiques, d'en faire le dandy de la fange<br />

en oubliant au passage ladite fange. Quand un certain Fleishmann publie<br />

en 1904 un pamphlet contre Lorrain « intitulé, Massacre d'une amazone,<br />

avec en exergue "la plus notoire des latrines", et en conclusion "c'est<br />

une mesure de salubrité publique que de débarrasser la littérature de tels<br />

cloaques-potins" 30 », il ne fait pas pire après tout que Lorrain lui-même<br />

qui à propos de femmes très décolletées à l'opéra s'écrie: « Quarante<br />

siècles nous contemplent», en ajoutant ce lamentable distique :<br />

Ce souvenir des pyramides<br />

Exaspère l'hémorroïde 31 .<br />

Et un jour qu'une femme de lettres qui l'agaçait prodigieusement par<br />

l'exagération de son enthousiasme, l'avait énervé plus que de coutume<br />

en lui demandant des nouvelles conjointes de ses travaux littéraires et<br />

de sa santé, exaspéré et furieux Lorrain avait répondu en détachant les<br />

mots :<br />

Le Maître, aujourd'hui, Madame, i's'a purgé ! 32<br />

« Bibliothèque-bidet » dit très méchamment Fleishmann de toute<br />

l’œuvre de Lorrain, mais d'un point de vue plus analytique qu'esthétique,<br />

il est loin d'avoir tort. Car l'essentielle question n'est certes ni de<br />

condamner ni de sauver Lorrain, ni de refuser ni de partager ses<br />

admirations et ses fascinations, mais de comprendre quelle irrémédiable<br />

blessure psychique a pu le conduire à une aussi éprouvante expérience<br />

esthétique.<br />

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