revue finissante - Les âmes d'Atala
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Nietzsche et la modernité décadente<br />
à apaiser sa mauvaise conscience dans les plaisirs narcotiques, l’homme<br />
moderne, bien loin de participer à une quelconque forme de progrès,<br />
n’est que l’acteur d’une époque d’affaiblissement et de décadence. Pour<br />
le dire autrement, l’homme moderne est la preuve vivante de l’invalidité<br />
de sa croyance en la nécessité du progrès.<br />
Modernité et décadence<br />
La chose est maintenant entendue : loin de constituer une époque de<br />
progrès, la modernité du XIXème siècle fi nissant est, pour Nietzsche,<br />
synonyme de décadence. <strong>Les</strong> occurrences d’une corrélation stricte entre<br />
l’idée de modernité et celle de décadence ne manquent d’ailleurs pas<br />
dans l’œuvre de Nietzsche pour étayer notre propos. On peut citer à titre<br />
d’exemples ce fragment de 1885 exposant le « principe » selon lequel<br />
« il y a de la décadence dans tout ce qui caractérise l’homme moderne » 60<br />
ou encore cette formule lapidaire issue du Crépuscule des idoles : « la<br />
décadence […] c’est là ma défi nition du « progrès » moderne » 61 .<br />
Cette défi nition de la modernité en terme de décadence ne saurait<br />
bien entendu nous étonner. Pour qui comprend la décadence dans son<br />
acception la plus générale, à savoir comme dynamique de régression, la<br />
modernité telle qu’elle est décrite par Nietzsche et telle que nous venons<br />
de la présenter semble en effet pleinement mériter sa caractérisation<br />
comme époque de décadence.<br />
Cependant, loin de limiter son propos à cette vulgate décadentielle<br />
si chère à son époque (tout comme à la nôtre d’ailleurs), Nietzsche<br />
s’enorgueillit de proposer une véritable théorie de la décadence, tentant<br />
de donner une défi nition toujours plus rigoureuse du phénomène, d’en<br />
discerner les motifs et d’en dresser une « symptomatologie » 62 . A nous<br />
donc de déterminer dans quelle mesure et de quelle façon l’idée de<br />
modernité s’inscrit dans cette théorie.<br />
Une première défi nition générale de la décadence telle qu’elle est<br />
conçue par Nietzsche suppose une défi nition préalable de la santé des<br />
individus comme des époques dont ils sont les protagonistes. Pour ce<br />
faire, il convient de nous arrêter quelques instants sur un des concepts<br />
majeurs de la philosophie nietzschéenne, la volonté de puissance (« Wille<br />
zur Macht »), concept qui apparaît dans cette formulation précise pour la<br />
première fois dans un texte publié du vivant de Nietzsche à l’aphorisme<br />
349 du Gai savoir 63 . La conception nietzschéenne de la vie et, partant,<br />
de son attribut principal qu’est la santé, s’articule en effet autour de ce<br />
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