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revue finissante - Les âmes d'Atala

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Nietzsche et la modernité décadente<br />

n’est pas diffi cile à trancher.<br />

Je vais donner ma conception de la modernité. Chaque époque<br />

possède, dans la part de force qui lui échoit, le critère des vertus<br />

qui lui sont permises et de celles qui lui sont défendues. Ou bien<br />

elle a les vertus de la vie montante ; alors, pour des raisons très<br />

profondes, elle résiste de toutes ses forces aux vertus de la vie<br />

déclinante. Ou bien elle est elle-même vie déclinante – elle a<br />

alors besoin des vertus du déclin, et déteste tout ce qui ne se<br />

justifi e que par la plénitude, par la surabondance de forces. 70<br />

De même, dans le Crépuscule des idoles, Nietzsche écrit que « le<br />

déclin des instincts hostiles, des instincts qui tiennent la méfi ance en<br />

éveil – et c’est en cela que consisterait notre « progrès » - ne constitue<br />

qu’une des conséquences du déclin plus général de notre vitalité » 71 .<br />

C’est dire que l’époque moderne, l’époque des « idées modernes »<br />

n’est rien d’autre qu’ « un stade décadent où l’homme s’amoindrit,<br />

tombe dans la médiocrité et se déprécie », une époque de « déchéance<br />

générale de « l’homme » même », de « dégénérescence générale de<br />

l’humanité » 72 .<br />

L’argument de la perte de l’énergie vitale vient ainsi rendre compte<br />

du constat de régression évoqué précédemment. Cependant, en allant<br />

plus avant encore dans la défi nition nietzschéenne de la décadence, en<br />

remontant à son schème explicatif, il est possible de déceler un dernier<br />

argument de poids en faveur de la caractérisation de la modernité<br />

comme époque de décadence.<br />

Dans le Cas Wagner, Nietzsche défi nit la décadence comme suit :<br />

A quoi distingue-t-on toute décadence littéraire ? A ce que<br />

la vie n’anime plus l’ensemble. Le mot devient souverain et fait<br />

irruption hors de la phrase, la phrase déborde et obscurcit le sens<br />

de la page, la page prend vie au détriment de l’ensemble : - le<br />

tout ne forme plus un tout. Mais cette image vaut pour tous les<br />

styles de la décadence : c’est, chaque fois, anarchie des atomes,<br />

désagrégation de la volonté. En morale, cela donne : « liberté<br />

individuelle ». Etendu à la théorie politique : « <strong>Les</strong> mêmes<br />

droits pour tous ». La vie, la même qualité de vie, la vibration<br />

et l’exubérance de la vie comprimée dans les plus infi mes<br />

ramifi cations, tout le reste dénué de vie. Partout paralysie, peine,<br />

engourdissement, ou bien antagonisme et chaos : l’un et l’autre<br />

sautant de plus en plus aux yeux au fur et à mesure que l’on<br />

s’élève dans la hiérarchie des formes d’organisation. L’ensemble<br />

ne vit même plus : il est composite, calculé, artifi ciel, c’est un<br />

produit de synthèse. 73<br />

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