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revue finissante - Les âmes d'Atala

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Alain Buisine<br />

À Vanves un élève est mort d'une envie rentrée. On n'a pas<br />

voulu le laisser aller aux lieux. Ses boyaux se sont pourris ; il<br />

est mort 2 .<br />

Voilà l'épouvantable histoire que raconte en 1864, alors qu'il n'a encore<br />

que neuf ans, le petit Paul Duval dans une lettre à ses «chers parents». Le<br />

matin du 28 juin 1906, Moullard, le secrétaire de Jean Lorrain, retrouve<br />

l'écrivain inanimé sur le sol ensanglanté de son cabinet de toilette. Parce<br />

qu'il souffrait continuellement de ses cicatrices intestinales, il avait<br />

l'habitude de s'administrer des lavements. Syncope ou maladresse?<br />

Toujours est-il que l'instrument avait glissé et perforé le colon. À la<br />

clinique du docteur Prat-Dumas, 19, rue d'Armaillé, où le malade a été<br />

transporté d'urgence, on appelle en consultation le Dr Samuel Pozzi<br />

qui, en juin 1893, lui avait enlevé neuf ulcérations à l'intestin avant<br />

de l'opérer à nouveau, deux ans plus tard, pour les mêmes raisons. Et<br />

Edmond de Goncourt dont la cancanière médisance ne pouvait pas rester<br />

indifférente à une aussi ignoble pathologie intestinale et anale, avait noté<br />

en juillet 1895 dans son journal:<br />

Il a souffert horriblement pendant quatorze nuits, où se<br />

renouvelait chez lui la souffrance de l'opération, de manière<br />

qu'il a dû être morphiné tout le temps. Maintenant qu'il est sorti,<br />

deux fois par jour, un interne, après des lavages d'eau bouillante<br />

et d'alcool, lui introduit dans le corps de gros tuyaux, des tuyaux<br />

semblables à des tuyaux d'arrosage de jardin 3 .<br />

Mais cette fois le docteur Pozzi n'y peut strictement plus rien. <strong>Les</strong><br />

intestins de Lorrain sont tellement abîmés, délabrés, ulcérés par les<br />

vieilles infections syphilitiques ou rongés par les drogues, l'éther en<br />

particulier, qu'il est impossible de l'opérer. Il ne reste plus qu'à le laisser<br />

mourir de cette perforation intestinale en le bourrant de morphine pour<br />

atténuer les lancinantes douleurs de la longue agonie. Veillé par sa mère<br />

accourue en catastrophe de Nice, Jean Lorrain s'éteint quarante-huit<br />

heures plus tard, le samedi 30 juin 1906.<br />

D'un quelconque racontar épistolaire pendant l'enfance à propos<br />

d'une mortelle occlusion intestinale à la mort par perforation du<br />

colon, des risques de la constipation à ceux des lavements, voilà<br />

un audacieux raccourci biographique qui, dans sa simplicité et sa<br />

trivialité physiologiques, pourra sembler pour le moins réducteur aux<br />

nombreux admirateurs de Jean Lorrain ! Et pourtant dans son cas<br />

l'énergie, le désir du sujet et de l'écrivain sont aussi une question de<br />

viscères, plus fondamentalement l'écriture sera directement liée à un<br />

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