revue finissante - Les âmes d'Atala
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Ian Geay<br />
termes, la fellation écrite n’est pas celle décrite.<br />
L’irrumation n’est pas seulement un thème littéraire émergeant à la<br />
fi n du dix-neuvième siècle, elle apparaît également comme un dispositif<br />
d’écriture visant à réconcilier l’art et la vie.<br />
En pleine crise esthétique, l’écrivain décadent refuse, non pas dans<br />
son discours, mais dans son écriture, de se résigner à la décapitation de<br />
l’art idéaliste, privé de corps ou de matière.<br />
Il se sent à la fois dépossédé de son langage et de sa parole, car<br />
confronté, entre autres, à l’irréductibilité du vivant à la transcription<br />
scripturale. L’écriture est vécue comme la désincarnation du monde<br />
par le signe, et comme un échappement du réel désirable à travers la<br />
métamorphose des mots.<br />
C’est en cela que l’écriture s’apparente à la fellation, car cette<br />
dernière n’est jamais une possession du corps, de la même manière que<br />
l’écrit, lui, n’est jamais une assimilation réelle des choses. Tout deux<br />
sont des politiques du fragment et du démembrement rappelant ce que<br />
Barthes disait du langage : « Etant analytique, le langage n’a pas de prise<br />
sur le corps que s’il le morcelle ; le corps total est hors du langage, seuls<br />
arrivent à l’écriture des morceaux de corps ».<br />
Mais la fellation n’a pas seulement en commun avec l’écriture cette<br />
disjonction, ce démembrement du corps : elle partage également avec<br />
l’écrit une réelle jouissance de la trace dont nous percevons le pouvoir<br />
de recouvrement.<br />
Le pornogramme, en tant que trace écrite de l’acte érotique, est<br />
également la communion du discours érotique et de la rhétorique en acte.<br />
La fellation s’accomplit hors du langage ; elle n’est que borborygmes,<br />
ou silences, même si elle utilise les instruments privilégiés du dire : la<br />
bouche et la langue. Ecrire la fellation revient alors à dé-boucher le réel<br />
en se substituant à cette parole interdite ; c’est réintroduire du sens dans<br />
les rapports humains, là où il s’est évanoui.<br />
La littérature réside, en somme, quelque part entre la langue et le<br />
corps, entre l’ordre du dire et l’ordre de l’être, entre la linguistique et le<br />
réel recouvrant l’impossibilité du rapport sexuel comme appropriation<br />
de l’autre et l’impossibilité du verbe comme appréhension du monde.<br />
Au fi nal, l’embouchement, c’est-à-dire l’irrumation, vient sauver du<br />
démembrement, c’est-à-dire de la fellation en tant qu’avatar décadent de<br />
la castration, de la désagrégation sociale et de la stérilité artistique.<br />
L’écrivain est obnubilé par la fellation, comme objet de disjonction,<br />
rappelant les affres de la création littéraire, mais il écrit l’irrumation,<br />
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