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revue finissante - Les âmes d'Atala

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Nietzsche et la modernité décadente<br />

responsabilité de l’homme moderne. En effet, s’il n’est pas en<br />

son pouvoir de concilier l’inconciliable (instincts de vie et valeurs<br />

décadentes), il devrait cependant lui être possible de jouir de la diversité<br />

des instincts et des affects qui le composent plutôt que d’en pâtir. Il est<br />

en effet tout à fait normal, aux yeux de Nietzsche, d’être le siège d’une<br />

multitude d’affects et d’instincts - c’est même là la condition nécessaire<br />

à une santé supérieure 79 -, ce qui est pathologique c’est l’incapacité à<br />

les discriminer et à les hiérarchiser de façon à ce qu’ils aillent tous dans<br />

le même sens, à ce qu’ils soient en cohérence les uns avec les autres.<br />

Nietzsche observe ainsi l’incapacité de l’homme moderne à s’organiser<br />

lui-même en faisant valoir un système d’instincts sur les autres et en<br />

faisant de la sorte œuvrer une foule d’instincts les plus variés à un même<br />

but : l’extension de la vie de l’organisme où ils se meuvent.<br />

L’homme moderne n’a pour ainsi dire plus de noyau interne autour<br />

duquel faire graviter ses différents instincts, il n’a plus la force ni la<br />

volonté de les fusionner. Il se contente donc de les emmagasiner, de les<br />

additionner, et souffre en conséquence de ce désordre interne synonyme<br />

de cas de conscience et de paralysie comprise comme incapacité à<br />

agir sur soi et sur le monde. Pour reprendre une métaphore fort goûtée<br />

de Nietzsche, celle de la digestion, l’homme moderne se montre<br />

pareillement incapable de choisir ses aliments (il les ingurgite tous sans<br />

distinction 80 ) et de les digérer 81 .<br />

Ce qui est vrai à l’échelle de l’individu l’est aussi, en l’occurrence, à<br />

celle des sociétés et des civilisations :<br />

La civilisation, c’est avant tout l’unité du style artistique à<br />

travers toutes les manifestations de la vie d’un peuple […] son<br />

contraire, la barbarie, [c’est] l’absence de style ou le mélange<br />

chaotique de tous les styles. Or c’est justement ce mélange<br />

chaotique de tous les styles que vit l’Allemand de nos jours […]<br />

L’Allemand entasse autour de lui les formes, les couleurs, les<br />

produits et les curiosités de tous les temps et de tous les climats,<br />

et crée ainsi ce carnavalesque bariolage que ses intellectuels<br />

sont ensuite chargés d’étudier et de défi nir comme l’« essence<br />

du moderne », tandis que lui-même reste tranquillement assis au<br />

milieu de ce tumulte de tous les styles. 82<br />

Le schème de l’unité contradictoire a, aux yeux de Nietzsche, valeur<br />

universelle et permet de déceler la décadence de l’homme moderne<br />

comme de ses créations. Ainsi en est-il notamment des productions<br />

artistiques que Nietzsche aime à considérer comme autant de symptômes<br />

de la maladie de l’homme moderne, ces symptômes ayant la particularité<br />

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