revue finissante - Les âmes d'Atala
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Byzance copronyme<br />
imaginaire viscéral et anal. N'est-ce pas Lorrain lui-même qui « se<br />
plaint en riant que la charcuterie de Pozzi dans son corps y a apporté une<br />
phosphorescence, qu'il a un besoin enragé de coït et que tous les excès<br />
qu'il fait dans le moment, au lieu de le faire maigrir, l'engraissent 4 »?<br />
Et ne déclare-t-il pas la même chose pas à Samuel Pozzi lui-même,<br />
dans une lettre envoyée depuis le Midi où le chirurgien l'a envoyé pour<br />
parfaire sa convalescence? «J'ai encore plus belle mine si c'est possible<br />
et quel phosphore vous m'avez mis dans le sang. Je brûle et je fl ambe<br />
comme toute la Provence 5 ». Certes personne n'ira nier que le célèbre<br />
docteur Pozzi a des doigts de fée pour découper et recoudre ses patients<br />
- et surtout ses patientes sans laisser ces traces qui pourraient à l'avenir<br />
dégoûter un mari ou un amant, mais de là à faire phosphorer un de ses<br />
opérés pour lui avoir rafi stolé les intestins, il y a quand même loin.<br />
D'autant plus loin qu'habituellement c'est le cerveau et non les viscères<br />
qui phosphorent. Peut-être cette curieuse association des intestins et d'une<br />
phosphorescence en règle générale réservée aux activités intellectuelles<br />
commencera-t-elle à devenir plus compréhensible si on rappelle que le<br />
professeur Samuel Pozzi, dont Robert Proust fut l'assistant à l'hôpital<br />
Broca de 1904 à 1914, est non seulement le médecin réputé du tout<br />
Paris, qui compte parmi ses client les Montesquiou-Fezensac, les<br />
Rothschild, les Bizet, mais aussi un fi n lettré qui fréquente les salons<br />
de l'époque. N'a-t-il pas été l'amant de la célèbre Madame Strauss et<br />
ne dit-on pas qu'il avait invité au Ritz le tout jeune Marcel Proust qui<br />
n'avait pas encore quinze ans? Etre opéré par Samuel Pozzi, ne serait-ce<br />
pas subir une sorte d'opération littéraire, d'autant plus littéraire dans le<br />
cas de Lorrain qu'elle porte sur les intestins? S'il est vrai tout au moins<br />
qu'il peut arriver que la création romanesque soit liée, d'une façon ou<br />
d'une autre, au transit intestinal, et dans le cas de Jean Lorrain, elle l'est<br />
incontestablement.<br />
Structure classique d'un récit de Jean Lorrain : quelqu'un qui est<br />
particulièrement bien placé par son métier et ses relations pour<br />
connaître les turpitudes et les honteux secrets de la haute société les<br />
révèle au narrateur. Et en vérité qui pourrait être mieux au courant des<br />
sordides histoires des maîtres qu'Hélie, «tour à tour plongeur, serveur,<br />
garçon d'hôtel, garçon de café, extra, gardien, homme de peine et même<br />
pisteur 6 », autant de fonctions qui l'amènent à tout savoir de ceux qu'il<br />
sert et espionne? Quand le narrateur tombe par hasard sur Hélie qu'il<br />
connaît de fort longue date, le garçon d'hôtel, ivrogne invétéré, a sombré<br />
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