revue finissante - Les âmes d'Atala

Ian Geay
Le sentiment émancipé des étroitesses, prohibitions, disciplines
que lui imposait sa symbiose avec la matière, le sentiment est
pris de frénésie passionnelle ; le sentiment s’en donne à cœur
joie. La chose signifi ée, cette fois, s’impose au signe par une
sorte de violence lyrique, par sa volonté passionnée de faire
vibrer, chanter, hurler les formes impassibles22 .
La fellation entraîne tantôt l’acéphalisation, tantôt la stricte
intellection, c’est-à-dire la castration. Nous passerions dès lors de
celle qui subit la pénétration orale à celle qui parvient à s’extraire de
la soumission dans laquelle l’irrumé la place pour devenir la
fellatrice,
celle qui ensorcelle l’homme qui risque de s’abandonner et de perdre
la tête! La femme s’abaisse pour triompher alors que l’homme s’élève
pour s’abîmer.
La fellation, c’est le triomphe des parties basses sur le reste du corps,
la victoire des instincts primaires et contre-productifs au détriment de
l’amour et de la reproduction. C’est en somme le triomphe de l’anarchie
sur la hiérarchie, à travers la disjonction et l’éparpillement, caractérisant
la littérature décadence qui, comme Dracula, évolue dans l’interstice des
membres disjoints, dans le morcellement des textes, la fragmentation
des mythes et la putréfaction des corps désintégrés.
L’irrumation permet aux hommes de conjurer la dispersion qui
menace le corps masculin en contraignant la femme à avaler la semence,
comme Van Helsing et ses amis obligent Lucy à boire le sang-sperme à
travers la quadruple transfusion sanguine. Il s’agit d’empêcher que les
formes se vident de leurs contenus car l’acte de vampirisation ne vise
pas seulement à priver la victime de sa vitalité (le sang comme fl uide
vital), mais également à lui ravir son identité (la moelle comme essence
de l’être) 23 .
Mais ce fût la noyée qui me suça les moelles du fond d’un
cauchemar atroce, ce fut la noyée du vieux qui m’eut tout entier,
corps et âmes24 .
Il faut d’autre part éviter à tout prix la déliquescence de la forme à
travers l’éparpillement et la dépense à perte du fl uide vital :
Le fou –il n’avait pas l’air fou- était étendu sur une table très
basse, les membres et le corps liés par de solides cordes…
la bouche bâillonnée… de façon à ce qu’il ne pût faire un
mouvement, ni pousser un cri… Une femme, pas belle, pas
jeune, au masque grave, entièrement vêtue de noir, le bras nu
cerclé d’un large anneau d’or, vint s’agenouiller auprès du
fou… Elle empoigna sa verge… et elle offi cia… Oh ! Chéri !…
Chéri !… Si tu avais vu !… Cela dura quatre heures, quatre
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