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revue finissante - Les âmes d'Atala

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Johan Grzelczyk<br />

« l’égalité des droits » et « la pitié pour tous ceux qui souffrent » » 33 .<br />

C’est là, aux yeux de Nietzsche, une autre caractéristique de la<br />

modernité concrète (et non plus simplement idéologique) : l’« égalité<br />

même » 34 , l’égalité réalisée dont le XIXème siècle offre le spectacle.<br />

Visiblement incapable de distinguer égalité de droit et égalité de fait,<br />

voire même égalité de droit et identité, Nietzsche note en effet avec<br />

amertume que l’égalisation à laquelle la doctrine de l’égalité a abouti<br />

ne s’est pas faite par le haut mais qu’elle a au contraire donné lieu à un<br />

nivellement par le bas (« die Nivellierung »), à une « médiocrisation » 35 .<br />

L’égalitarisme démocratique a rendu tout le monde identique en prenant<br />

pour étalon le niveau le plus bas de l’humanité, c’est-à-dire le « brave<br />

homme » 36 , celui qui n’a d’autre ambition que de ne pas souffrir de la vie<br />

pour laquelle il est si peu fait. Nietzsche, qui n’a de cesse de condamner<br />

« la bassesse plébéienne des idées modernes » 37 , est ainsi contraint de<br />

constater leur victoire qui n’est autre que celle du « troupeau » et de ses<br />

« instincts grégaires » 38 .<br />

De ce point de vue l’époque moderne peut être considérée comme<br />

l’aboutissement du « renversement des valeurs » (« Umwerthung aller<br />

Werthe ») entrepris par la morale judéo-chrétienne qui osa<br />

retourner l’équation des valeurs aristocratiques (bon = noble<br />

= beau = heureux = aimé des dieux) et qui [a] maintenu ce<br />

retournement avec la ténacité d’une haine sans fond […],<br />

affi rmant « les misérables seuls sont les bons, les pauvres, les<br />

impuissants, les hommes bas seuls sont les bons, les souffrants,<br />

les nécessiteux, les malades, les difformes sont aussi les seuls<br />

pieux, les seuls bénis des dieux, pour eux seuls il y a une félicité,<br />

tandis que vous, les nobles et les puissants, vous êtes de toute<br />

éternité les méchants, les cruels, les lubriques, les insatiables, les<br />

impies, vous serez éternellement aussi les réprouvés, les maudits<br />

et les damnés ! » 39<br />

Et Nietzsche de conclure, dans un de ses carnets de 1888 : « Sur la<br />

modernité […] C’est ce que l’on méprisait le plus jusqu’ici qui est passé<br />

au premier plan » 40 .<br />

Cette adhésion de l’homme moderne aux valeurs inversées fait de<br />

celui-ci, aux yeux de Nietzsche, un véritable « monstre de fausseté » 41 .<br />

Comment en effet défi nir autrement cet homme qui, après s’être rendu<br />

coupable de la mort de Dieu afi n d’assurer son propre confort (la<br />

recherche du bien-être terrestre immédiat s’accorde mal, il est vrai,<br />

avec la croyance en un Dieu capable de juger et de punir), continue à<br />

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