EX ACTIS SUMMI PONTIFICIS 29croissance permanente, tant pour son activitéque pour son être même.Il est important, par ailleurs, que la lecturepersonnelle et communautaire des Constitutionsse fasse à la lumière des signes des tempset des changements à l’oeuvre dans l’Eglise etdans le monde. De là la nécessité de ne pasexclure la possibilité de leur mise à jour. Lavie consacrée est chaque jour confrontée àdes changements toujours plus rapides. Lesnouveaux défis du monde actuel exigent queles membres des Instituts s’impliquent davantageet qu’ils recherchent de nouvelles modalitéspour affronter les problèmes, à travers ledialogue avec les supérieurs responsables et lacommunauté. «Les Instituts doivent apprendrel’art de discerner les modalités adéquates pourgarder et rendre actuel, dans les diverses situationshistoriques et culturelles, le patrimoineecclésial propre et pour évaluer la nécessité demodifier les normes juridiques face aux problèmesnombreux et urgents qui semblent parfoisaccabler la vie consacrée» 23 . Donc, chaqueInstitut peut, selon les besoins et en suivant laprocédure prévue, revoir et adapter les normesconstitutionnelles, ainsi que les normes particulières,pourvu que soit conservées une compréhensiondroite et adéquate du charisme defondation ainsi que les exigences propres deslieux et des temps. Il peut arriver en fait que desConstitutions peu claires ou rédigées sans unesuffisante épaisseur théologique et juridiquesoient causes d’incertitude lorsqu’elles sontconfrontées aux influences extérieures et à lamultiplication et à la complexité des exigencesapostoliques. «L’Eglise souligne surtout unélément important: les normes contenues dansles Constitutions des Instituts de vie consacréedoivent viser toujours la fidélité au patrimoinede l’Institut; elles doivent en outre être revuesopportunément selon les exigences de l’Eglise,universelle et locale, et de la société dans laquelleles Instituts sont appelés à vivre» 24 .ConclusionEn conclusion, les Constitutions, aujourd’huicomme par le passé, sont faites pourêtre observées dans une fidélité persévérante.Tout religieux, selon sa propre mesure, est garantdu charisme du Fondateur, du patrimoinede l’Institut. La force de la Règle et des Constitutionsn’est pas dans leur beauté littéraire,même si celle-ci ne doit pas être négligée, maisdans la façon dont elles sont traduites dans lavie de chaque membre et dans celle du Corpstout entier, c’est-à-dire de l’Institut.Les Constitutions indiquent à chaque consacrécomment se configurer au mode de vie duChrist et annoncer son Evangile dans la fidélitéau charisme de l’Institut. Sur ce chemin,elles constituent pour lui un guide sûr vers lasainteté et une aide appropriée pour vivre lavocation reçue de Dieu. Les assumer avec foi,en approfondir constamment le contenu et lavaleur, tant au niveau personnel que communautaire,les observer avec fidélité et liberté decœur, tel est l’engagement quotidien auquelchaque consacré ne peut se soustraire.Sans une telle conscience, une telle intimeconviction, le risque est grand de manquer àla parole donnée, mais également de vider deson sens l’adhésion à un projet communautairepartagé et à un chemin commun de sainteté.Cette conviction nous conduit, à la suitede l’œuvre engagée par le Concile Vatican IIen termes de renouveau de la vie religieuse,à réaffirmer la valeur permanente et centraledes Règles et Constitutions. Celles-ci sont lelieu, idéal et réel en même temps, dans lequelest exprimé le charisme originaire d’un Institutafin de conduire au renouveau radical de la viede ses membres.Qu’il me soit permis d’achever cet exposéavec les paroles que Saint François lui-mêmea laissé à l’Ordre tout entier:«Ecoutez, fils du Seigneur, mes frères;prêtez l’oreille à mes paroles;tendez l’oreille de votre cœuret obéissez à la voix du Fils de Dieu.Gardez de tout votre cœur sescommandementset accomplissez parfaitement ses conseils.Proclamez qu’il est bon;tout ce que vous faites,faites-le à sa louange.Car s’il vous a envoyé dansle monde entier,c’est pour que, de parole et d’action,vous rendiez témoignage à sa paroleet que vous fassiez savoir à tousqu’il n’y a de tout-puissant que lui.Persévérez dans la discipline etdans la sainte obéissance;ce que vous lui avez promis,observez-le avec fidélité et générosité» 25 .Cardinal Franc Rodé, C.M.Préfet de la Congrégationpour les IVC et les SVA
30 AN. CXXIX – IANUARII-APRILIS <strong>2010</strong> – N. 11 Tout en étant conscient des différences existantentre Règle et Constitutions, au cours de cetteprésente intervention, nous emploierons par commoditél’expression Constitutions, ainsi que l’indiquele Code en vigueur. Le terme et la notionde Règle se réfère de façon plus particulière à lavie monastique, née en Orient à la fin du IIIèmesiècle. Quand les Pères de l’Eglise de l’Empireromain d’Occident en parlent dans leurs écrits, ilsutilisent à ce sujet le terme regula, tant au singulierqu’au pluriel, sans que pour eux cela traduisenécessairement le terme canón. Jean Cassien,dans ses Institutiones, au début du Vème siècle,utilise le terme regula, dans le sens de « mode devie des moines ». Pendant les premiers siècles, telest le sens qui prévaudra: regula signifie « idéal devie », sans en donner de définition particulière. Cen’est que dans un second temps, avec la référenceaux paroles et écrits laissés à leurs disciples parles maîtres spirituels du monachisme antique, quele mot regula en viendra à définir non tant l’idéalde vie du moine que l’ensemble des normes, spirituellesou pratiques, relatives aux obligations de lavie monastique. Le canon 13 du Concile de LatranIV (1215), en obligeant tous les nouveaux Ordresfondés au cours du XIIème siècle à prendre unedes quatre Règles approuvées, ajoutera la Règlede Saint François à celles de Saint Basile, SaintAugustin et Saint Benoît. Le mot Constitutionesest emprunté au langage du droit romain et entrédans l’usage ecclésiastique comme synonyme deloi générale écrite en référence à des limites sectoriellesdéfinies, comme les diocèses, les institutsreligieux, les chapitres, etc. Il entre dans l’usageà partir des XIIème et XIIIème siècles, avec unesignification qui ira en se technicisant toujoursplus. Si, dans les Ordres antiques (bénédictins, augustins,franciscains, etc), Règle et Constitutionssont profondément distincts, dans ceux qui sontnés après le Concile de Latran IV et spécialementà l’époque moderne, les Constitutions comprennentle droit constitutif et spécifique de l’Institut.Dans les plus récents d’entre eux, en particulierdans les Instituts religieux apostoliques (XIXème,XXème siècles), le terme «Constitutions» devientd’usage universel et indique la législation proprede l’Institut. Le terme «Règle», quant à lui, estréservé à la législation fondamentale des Ordresantiques (ainsi en est-il dans le Code de 1917). LeCode en vigueur, pour sa part, emploie les termes«code fondamental ou constitutions» (c. 587).Dans l’usage actuel, les deux termes sont parfoisutilisés ensemble: «Règle et Constitutions . Dansce cas, Règle indique le plus souvent ou un texteécrit du fondateur qui est conservé à la lettre ouune des grandes Règles antiques (par exemple, laRègle de Saint François), assumée et accueilliecomme telle par l’Eglise et considérée comme immuable,alors que les Constitutions indiquent undocument qui contient les normes fondamentalesrelatives à la vie, au gouvernement et à la disciplinedes membres, en dépendance de la Règle.2 Jean-Paul II, exhortation apostolique Vita consecrata,25 mars 1996, 37.3 Ibid.4 Saint François était profondément convaincude cette vérité: «(…) le Très-Haut lui-même merévéla que je devais vivre selon le Saint Evangile»,2° Testament ( 1226), 14: Les écrits deSaint François et de Sainte Claire, Ed. franciscaines,Paris, 1979. Comment ne pas se rappelerle trouble vécu par François à la fin de sa vie, à lapensée d’écrire une Règle pour son Ordre, analogueà celles en vigueur dans les autres Ordres? Ilest écrit qu’il aurait dit: “Fratelli, fratelli miei, Diomi ha chiamato a camminare la via della semplicitàe me l’ha mostrata. Non voglio quindi che minominiate altre regole, né quella di S. Agostino,né quella di S. Bernardo o di S. Benedetto. Il Signoremi ha rivelato essere suo volere che io fossipazzo nel mondo”. Legenda perugina, 114: FF1673.5 «Vivre selon le Saint Evangile» fut le charismeparticulier révélé par le Seigneur à François. Cetteintuition fut au fondement de son choix de vie etde celui de ses compagnons. Dans l’Evangile,François a trouvé l’inspiration, l’orientation etle sens, mais, de façon particulière, il a rencontréDieu lui-même qui l’appelait à une «sequela» radicale.Se réjouissant de sa découverte, Françoisa proposé à ses frères l’Evangile comme normeessentielle de la fraternité et chemin qui conduit àla vie.6 Concile Vatican II, constitution dogmatique Lumengentium, 21 novembre 1964, 44.7 L’approbation des Constitutions et des modificationsqui y ont légitiment introduites est de lacompétence de l’Evêque pour les Instituts de vieconsacrée de droit diocésain (c. 595, §1) et duSaint Siège pour les Instituts de droit pontifical (c.587, §2 ; voyez également Jean-Paul II, constitutionapostolique Pastor bonus, 28 juin 1988, art.105-106).8 Jean-Paul II, exhortation apostolique Vita consecrata,5-12.9 Jean-Paul II, exhortation apostolique Vita consecrata,1.10 Sur ce thème, nous renvoyons à l’excellent articlede M. Dortel-Claudot, «Révisions des Constitutionsdans les Instituts de vie consacrée», in R. Latourelle(éd.), Vatican II. Bilan et perspectivesvingt-cinq ans après (1962-1987), Montréal, Ed.Bellarmin, Paris, Ed. du Cerf, coll. « RecherchesNouvelle Série », n° 15-17, 1988, vol. II. L’auteury procède à une analyse soignée des travaux de révisiondes Constitutions dans les Instituts au coursde la période 1966-1987.11 Concile Vatican II, décret Perfectae caritatis, 28octobre 1965, 3c et 4d.12 Paul VI, lettre apostolique établissant les règlesd’application de certains décrets du Concile VaticanII Ecclesiae sanctae, 6 août 1966. La secondepartie (II), reprenant certains points du décretconciliaire, consacre quelques articles au travailde révision des Constitutions. Les numéros 12-14en particulier soulignent que, pour chaque Institut,les lois générales doivent embrasser les principesévangéliques et théologiques et les normes