Thèse Sciences Cognitives - Olivier Nerot
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Mémorisation par forçage des dynamiques chaotiques dans les modèles connexionnistes récurrents<br />
afin de pouvoir se poser une question annexe à la première :<br />
16<br />
A quel niveau se produit la rupture système pensant / système non-pensant ?<br />
Le but de cette thèse n’est pas de répondre à cette question, mais il fut impossible, durant<br />
cette recherche, de l’éluder totalement. En effet, l’un des buts de ces travaux ci-dessus était de<br />
voir émerger, dans les systèmes artificiels étudiés, des comportements similaires à ceux qui<br />
caractérisent certains systèmes naturels (comportements dynamiques, spécialisation neuronale,<br />
modularité des réseaux, oubli...), avec les contraintes de ceux-ci (connectivité locale, absence de<br />
superviseur, auto-organisation,... ) Cette tentative de modélisation demandait de rapprocher deux<br />
types de systèmes situés de part et d’autre de la frontière située entre système artificiel<br />
et système naturel. Autant dire que cette approche fut limitée par de nombreux obstacles qui nous<br />
confrontèrent à la question : y a t-il rupture et si oui, peut-on la transgresser ? Mais y a-t-il<br />
réellement deux classes distinctes ? 2 L’un des intérêts des sciences cognitives est de tendre à<br />
réduire cette faille conceptuelle entre les systèmes naturels et les systèmes artificiels, en se fixant<br />
plusieurs buts.<br />
Tout d’abord en tentant de modéliser les systèmes naturels. Cette approche matérialiste,<br />
confortée par les récentes découvertes neurophysiologiques, nous permet d’espérer un jour<br />
reproduire par simulation le comportement de la plupart des systèmes naturels : les premières<br />
expériences de forçage des dynamiques du cerveau d’un rat ont déjà été réalisées [[171]], les<br />
premières rétines artificielles voient le jour [[194]], et les neurones du système gastrique du<br />
homard sont modélisés [[162]]. Il y a peu de raisons pour que de telles avancées dans la<br />
connaissance et la modélisation des systèmes naturels s’arrêtent, ou alors la science progressera<br />
jusqu’à savoir pourquoi existe une telle impossibilité. Dans les deux cas, une telle recherche<br />
présente un réel intérêt.<br />
Une autre approche minimise l’intérêt d’une recherche de similarité fonctionnelle du<br />
modèle développé, en accentuant l’importance du comportement et des propriétés du système :<br />
peu importe qu’un avion ne batte pas des ailes si le but fixé était de le faire voler. Cette approche<br />
pousse à l’étude des phénomènes émergents, considérant que la richesse de comportement d’un<br />
système peut être plus grande que la somme des comportements de ses sous-parties. Cette idée<br />
est l’un des fondements du connexionnisme : l’information est distribuée, et seule l’organisation du<br />
système autour de cette distribution possède du sens. Il est vrai que, si l’on ne doit retenir que<br />
deux choses de l’approche connexionniste, il s’agira de son auto-organisation et de la distribution<br />
de l’information mémorisée. L’aspect neuromimétique est accessoire.<br />
Une autre méthode des sciences cognitives, pour réduire la faille entre systèmes artificiels<br />
et naturels, en tentant de les rendre fonctionnellement plus proches de l’utilisateur humain : il<br />
s’agit de l’ergonomie, qui adapte les systèmes artificiels aux contraintes des systèmes naturels.<br />
Cette approche n’est pas l’objet de cette thèse mais il est intéressant de remarquer qu’elle<br />
contribue elle aussi à la réduction de la frontière artificiel / naturel.<br />
Alors, quels espoirs fonder quant aux chances de succès du projet de connaître, modéliser<br />
et simuler le fonctionnement de la pensée ? Nous ne sommes pas à même de pouvoir répondre à<br />
2 Ce problème de classe peut se poser à partir de propriétés simples, par exemple celle qui consiste à<br />
‘possèder de la vitesse’. Si l’on envisage un système composé de deux billes, l’une allant à 100km/h et<br />
l’autre immobile, il est facile de les ranger en deux groupes. Mais si l’on prend maintenant comme<br />
référence de vitesse la première bille, c’est alors la bille qui était immobile qui possède de la vitesse. Peutêtre<br />
faut-il voir le même phénomène avec les propriétés ‘est pensant’, ou ‘est naturel’ : il n’existerait pas de<br />
classement absolu, car il est possible de modifier tout classement en fonction de la référence prise.<br />
PREMIERE PARTIE : ANALYSE