1882 - Université Libre de Bruxelles
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102 L’ATHENÆUM BELGE<br />
base <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> triangles serait chiffonnée :<br />
et c’est ce qui n ’a pas lieu. Ces considérations<br />
et beaucoup d’autres conduisent l'auteur à la<br />
conclusion intéressante et hardie que les vers<br />
<strong>de</strong> terre, « malgré l’infériorité <strong>de</strong> leur organisation,<br />
possè<strong>de</strong>nt un certain <strong>de</strong>gré d’intelligence».<br />
Les vers peuvent creuser leurs terriers <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux manières différentes : ou bien ils forent<br />
un trou au moyen <strong>de</strong> l’extrémité antérieure <strong>de</strong><br />
leur corps, ou bien ils en excavent un, en<br />
avalant <strong>de</strong> la terre. Comme on l’a dit plus haut,<br />
ils mangent aussi <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong> terre<br />
pour en extraire les composés organiques et se<br />
les assimiler.<br />
Pour quelque cause qu’ils aient absorbé <strong>de</strong> la<br />
terre, ils ne tar<strong>de</strong>nt pas à gagner la surface du<br />
sol et à la rejeter sous forme d’excrém ents.<br />
Elle est alors imbibée <strong>de</strong> leurs sucs digestifs et<br />
constitue une masse irrégulièrem ent cylindrique.<br />
De semblables déjections <strong>de</strong> vers sont<br />
très communes dans toutes les régions du<br />
globe. Relativement petites dans nos pays, elles<br />
peuvent atteindre dans le bassin <strong>de</strong> la Méditerranée<br />
ou dans l’In<strong>de</strong> une longueur <strong>de</strong> 15 centimètres<br />
et un poids <strong>de</strong> 123 grammes <strong>de</strong> substance<br />
sèche.<br />
Le troisième chapitre est consacré à l’étu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> la quantité <strong>de</strong> terre que les vers ram ènent<br />
ainsi à la surface du sol. Cette question peut se<br />
résoudre par <strong>de</strong>ux métho<strong>de</strong>s différentes, soit<br />
qu’on déterm ine la vitesse avec laquelle <strong>de</strong>s<br />
objets disséminés sur le sol sont enterrés, soit<br />
qu’on pèse la terre que les vers viennent<br />
déposer à la surface dans un temps donné. Les<br />
<strong>de</strong>ux métho<strong>de</strong>s conduisent à <strong>de</strong>s nombres suffisamment<br />
concordants, si l’on tient compte <strong>de</strong>s<br />
mille causes qui font varier le résultat observé:<br />
la prem ière métho<strong>de</strong> indique une couche<br />
annuelle <strong>de</strong> 4,5 à 5 m illim ètres en m oyenne;<br />
la secon<strong>de</strong>, une couche d’un peu plus <strong>de</strong> 3 millim<br />
ètres. Quant au poids, Darwin trouve que<br />
dans beaucoup <strong>de</strong> parties <strong>de</strong> l’Angleterre, les<br />
vers avalent et rejettent chaque année <strong>de</strong>ux et<br />
<strong>de</strong>mi millions <strong>de</strong> kilogrammes <strong>de</strong> terre par kilomètre<br />
carré, ou, ce qui revient au même, <strong>de</strong>ux<br />
kilos et <strong>de</strong>mi par m ètre carré. Ces nombres se<br />
rapportent au poids <strong>de</strong> la terre <strong>de</strong>sséchée; si<br />
l’on avait pesé la terre fraîche, humi<strong>de</strong>, on<br />
aurait donc obtenu <strong>de</strong>s chiffres encore beaucoup<br />
plus considérables. Tels qu’ils sont, ils suffisent<br />
pourtant à donner une idée du travail gigantesque<br />
que les vers accomplissent.<br />
Les vers ont beaucoup contribué ù l’affaissement<br />
et à l'ensevelissement <strong>de</strong>s anciennes constructions,<br />
comme il ressort du quatrièm e chapitre.<br />
L’auteur a surtout examiné à ce point <strong>de</strong><br />
vue les ruines romaines qui subsistent encore<br />
dans la Gran<strong>de</strong>-Bretagne. Dans bien <strong>de</strong>s cas,<br />
les terriers <strong>de</strong>s vers ont fait s’écrouler <strong>de</strong><br />
vieilles m urailles ou défoncé <strong>de</strong>s pavements<br />
précieux ; en revanche, ces animaux ont souvent<br />
conservé <strong>de</strong>s antiquités intéressantes en les<br />
recouvrant rapi<strong>de</strong>m ent d’une couche <strong>de</strong> terre<br />
protectrice qui les soustrayait aux atteintes <strong>de</strong>s<br />
agents atmosphériques. L’archéologue se doute-<br />
t-il <strong>de</strong> ce qu’il doit <strong>de</strong> reconnaissance au ver <strong>de</strong><br />
terre?<br />
Les chapitres V et VI s’occupent du röle <strong>de</strong>s<br />
vers dans le grand phénomène <strong>de</strong> la dénudation.<br />
On sait que ce nom désigne, en géologie, le<br />
transport <strong>de</strong> matière <strong>de</strong>s niveaux plus élevés<br />
vers les niveaux plus bas <strong>de</strong> la surface du globe,<br />
transport qui s’effectue constamment sous l’influence<br />
<strong>de</strong>s vents et <strong>de</strong>s eaux et qui tend à<br />
charrier peu à peu toutes les particules soli<strong>de</strong>s<br />
vers l'Océan, où elles se déposent. Il est clair<br />
que la dénudation pourra se faire d’autant plus<br />
efficacement que les roches seront plus désagrégées<br />
et les terres plus meubles. A ce point <strong>de</strong><br />
vue, l’influence <strong>de</strong>s vers est très digne d’attention.<br />
Ils triturent la terre et usent jusqu’à <strong>de</strong>s<br />
petites pierres dans leur gésier musculeux ; ils<br />
entraînent à une certaine profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>s feuilles<br />
mortes, qui se décomposent et produisent <strong>de</strong>s<br />
aci<strong>de</strong>s humiques ; ces aci<strong>de</strong>s, à leur tour, attaquent<br />
et dissolvent plus ou moins les roches<br />
sous-jacentes. D’autre part, la terre sort du<br />
canal alimentaire <strong>de</strong>s vers dans un état finement<br />
pulvérisé, pâteux, et est d’autant plus apte à<br />
glisser un peu le long <strong>de</strong> toute surface inclinée<br />
ou à être entraînée en partie par le vent et la<br />
pluie. Ce ne sont point là <strong>de</strong>s faits hypothétiques<br />
: l’auteur les établit soigneusement par<br />
<strong>de</strong>s m esures et <strong>de</strong>s pesées.<br />
Ces belles recherches <strong>de</strong> Darwin jetten t un<br />
jour nouveau sur une foule <strong>de</strong> phénomènes<br />
auxquels nous sommes portés à accor<strong>de</strong>r trop<br />
peu d’attention, parce qu’ils nous sont familiers.<br />
Ce sont les vers qui préparent la couche superficielle<br />
du sol, la « terre végétale » ; ils la<br />
tam isent à travers leur tube digestif; ils en<br />
éliminent ainsi tous les gros cailloux et amènent<br />
sans cesse <strong>de</strong> nouvelles surfaces en contact<br />
avec l’atm osphère et avec les racines <strong>de</strong>s<br />
végétaux.<br />
Plus d’une conséquence pratique se dégage<br />
aussi du livre que nous analysons. Nous en<br />
citerons une seule qui intéresse à un haut <strong>de</strong>gré<br />
l’art <strong>de</strong>s constructions. Des m urailles, en apparence<br />
très soli<strong>de</strong>s, ont souvent été minées par<br />
les trous <strong>de</strong>s vers et se sont affaissées. Si l ’on<br />
veut préserver une construction <strong>de</strong> ce danger,<br />
il faut donc que les fondations aillent à une<br />
profon<strong>de</strong>ur où les vers ne peuvent plus vivre,<br />
c’est-à-dire à 6 ou 7 pieds ( l m83 à 2m13) au<br />
moins au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la surface du sol.<br />
Léo Errera.<br />
Studiën over Cal<strong>de</strong>ron en zijn e Geschriften , door<br />
J : J. Putm an, kanunnik, <strong>de</strong>ken van Utrecht,<br />
lid van <strong>de</strong> Maatschappij <strong>de</strong>r Ne<strong>de</strong>rlandsche<br />
letterkun<strong>de</strong> te Lei<strong>de</strong>n en van het provinciaal<br />
Utrechtsch genootschap van kunsten en w e-<br />
tenschappen. Utrecht, Beyers, 1880.<br />
Ce livre volum ineux qui ne renferme pas<br />
moins <strong>de</strong> 490 pages, contient une biographie <strong>de</strong><br />
Cal<strong>de</strong>ron, une étu<strong>de</strong> très approfondie <strong>de</strong> ses<br />
œuvres et l’appréciation <strong>de</strong>s philologues allemands,<br />
anglais, français et hollandais sur le<br />
génie du grand dram aturge espagnol.<br />
Cal<strong>de</strong>ron naquit à Madrid, le Ier janvier 1600,<br />
et y m ourut le 25 mai 1681. Son père était Don<br />
Diego Cal<strong>de</strong>ron <strong>de</strong> la Barca Barreda, d’une<br />
ancienne famille noble <strong>de</strong> Burgos; sa m ère, Dona<br />
Maria De Henao y R iano, était originaire <strong>de</strong><br />
Mons, dans le Hainaut, et appartenait également<br />
à l’ancienne noblesse. Il fit ses prem ières étu<strong>de</strong>s<br />
au collège <strong>de</strong>s Jésuites, à Madrid, d'où il partit<br />
pour l’université d e Salam anque. A treize ans, il<br />
avait vu représenter son prem ier drame (qui n’a<br />
plus été retrouvé), intitulé : E l Carro <strong>de</strong>l Cielo ;<br />
à dix-neuf ans, il avait acquis la célébrité; il<br />
était le favori <strong>de</strong> Philippe IV, qui se posait en<br />
am ateur <strong>de</strong> la littérature. Cal<strong>de</strong>ron partit avec<br />
l’arm ée d’Espinola et prit part au siège <strong>de</strong> Breda,<br />
où il recueillit les matériaux pour son drame<br />
intitulé : El Sitio <strong>de</strong> Bredâ. Il fut soldat pen<br />
dant dLx ans, <strong>de</strong> 1625 à 1635, ta n tô t dans les<br />
Flandres, tantôt en Italie. Nommé chevalier <strong>de</strong><br />
St-Jacques et directeur en chef <strong>de</strong>s théâtres<br />
royaux à Madrid, il s’y fixa, mais reprit les<br />
armes en 1640, lors <strong>de</strong> l’invasion <strong>de</strong> la Catalogne<br />
par les Français. Le roi lui accorda une pension<br />
<strong>de</strong> trente écus par mois. En 1651, Cal<strong>de</strong>ron se<br />
fit prêtre. On le crut perdu pour l’art; d ’abord<br />
il cherchait <strong>de</strong>s faux-fuyants lorsque le roi lui<br />
<strong>de</strong>m andait <strong>de</strong>s comédies, ensuite il se rem it à<br />
l’œ uvre, ayant, à cet effet, reçu l’autorisation <strong>de</strong><br />
ses supérieurs ecclésiastiques. Le roi le nomma<br />
chapelain, — gardien <strong>de</strong>s tom beaux <strong>de</strong>s rois —<br />
à Tolè<strong>de</strong>; mais ne pouvant supporter l’absence<br />
<strong>de</strong> son favori, il l’éleva à la dignité <strong>de</strong> chapelain<br />
<strong>de</strong> son palais à Madrid. Philippe m ourut en 1665.<br />
Charles II le m aintint dans cette place. Cal<strong>de</strong>ron<br />
légua toute sa fortune, qui était considérable, à<br />
la Congrégation <strong>de</strong> S t-Pierre; sa sœ ur, religieuse<br />
au couvent <strong>de</strong> Ste-Claire, en eut l ’usufruit.<br />
Elle ne lui survécut qu’une année. Il avait<br />
formellement exprimé le vœu d’être enterré sans<br />
pompe, dans l’église <strong>de</strong> San Salvador, à Madrid,<br />
ce qui fut fait. Croyant par là avoir respecté sa<br />
volonté, on fit force services funèbres dans toutes<br />
les villes <strong>de</strong> l’Espagne, et même en Portugal<br />
et en Italie. En 1810, ses restes furent transportés<br />
à l’église <strong>de</strong> St-Nicolas, et en 1871 on les<br />
transféra <strong>de</strong> nouveau au couvent <strong>de</strong> St-François,<br />
érigé en Panthéon national, à Madrid.<br />
Deux portraits d’une gran<strong>de</strong> valeur artistique<br />
existent <strong>de</strong> lui: l’un, d’Alonzo Cano; est conservé<br />
à la bibliothèque nationale <strong>de</strong> M adrid; l’autre,<br />
peint par Don Juan <strong>de</strong> Alfaro, orne le tombeau<br />
du poète. Cal<strong>de</strong>ron était d’une beauté peu comm<br />
une, joyeux convive, mo<strong>de</strong>ste, bienfaisant: son<br />
caractère était à la hauteur <strong>de</strong> son génie.<br />
De Vera Tassis, contem porain <strong>de</strong> Cal<strong>de</strong>ron<br />
et son biographe, assure qu’il a écrit un nom <br />
bre considérable <strong>de</strong> petites poésies, entre autres<br />
les Discursos <strong>de</strong> los quatro Novisimos (L e s<br />
Quatre Fins <strong>de</strong> l'hom m e), qui sont perclus et<br />
font l’objet <strong>de</strong> recherches constantes <strong>de</strong> la<br />
part <strong>de</strong>s érudits en Espagne. Ce pays est sous<br />
ce rapport une m ine d’or à exploiter. Déjà<br />
on est parvenu à retrouver un opuscule intitulé<br />
: Poesias varias <strong>de</strong> varios In g en io s,<br />
im primé à Saragosse en 1657, et quelques-unes<br />
<strong>de</strong> ses Redondillas m agnifiais, ainsi que son-.<br />
Elegia en la M uer te <strong>de</strong>l Infante Don Carlos.<br />
Selon l’opinion <strong>de</strong> Don E. De Ochoa, Cal<strong>de</strong>ron<br />
n’a pas écrit moins <strong>de</strong> 320 pièces <strong>de</strong> théâtre,<br />
dont vingt-cinq, im primées s u r <strong>de</strong>ux colonnesen<br />
très petits caractères, forment un volume <strong>de</strong><br />
800 pages grand in-8°. Cal<strong>de</strong>ron ne voulait pas<br />
faire im prim er ses pièces. « Que m e im porta<br />
eso ? » disait-il lorsqu’on le lui conseillait.<br />
Après avoir écrit une pièce, il la donnait aux<br />
artistes, qui copiaient chacun leur röle et n ’y<br />
attachaient plus le moindre prix. De cette façon,<br />
plusieurs <strong>de</strong> ses comédies parurent, publiées<br />
par d’autres, complètement défigurées et tronquées.<br />
lTn <strong>de</strong> ses amis et son frère en ont sauvé<br />
quelques-unes. Il existe une liste, écrite <strong>de</strong> la<br />
m ain <strong>de</strong> Cal<strong>de</strong>ron, où il reconnaît 112 pièces<br />
comme étant <strong>de</strong> lui, mais cette liste est très<br />
incomplète ; on ignore si le poète, qui avait à<br />
cette époque quatre-vingts ans, a volontairem<br />
ent ou par oubli passé sous silence un grand<br />
nom bre <strong>de</strong> pièces, qui portent indubitablem ent<br />
l’empreinte <strong>de</strong> son génie. Qu’on ne se figure<br />
pourtant pas que Cal<strong>de</strong>ron n’attachât pas <strong>de</strong><br />
valeur à ses autres œuvres : ses Autos Sacram<br />
entales furent considérés par lui comme ses