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1882 - Université Libre de Bruxelles

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26(j L’ATHENÆUM BELGE<br />

riencc démontre combien cette disposition est<br />

protectrice.<br />

Glaucus est encore rem arquable par sa persistance<br />

à se m aintenir le dos en bas. J’en re ­<br />

tournai à différentes reprises, mais ils se débattaient<br />

avec leurs nageoires comme une tortue<br />

placée le ventre en l’air et regagnaient rapi<strong>de</strong>ment<br />

leur position. Il est assez curieux, si on en<br />

croit le docteur Ilennett. que ce mollusque se<br />

nourrit aux dépens <strong>de</strong>s Velella, qui sont bleues<br />

comme lui Il en est <strong>de</strong> même, d ’ailleurs, du<br />

bleu Ia n th in a , qui se nourrit aussi sur la<br />

bleue Velella.<br />

Quelques animaux pélagiques sont parés <strong>de</strong>s<br />

couleurs les plus brillantes. Un petit Copépo<strong>de</strong>,<br />

notamment, Sapphirrhina, a toujours excité<br />

l’admiration <strong>de</strong>s naturalistes, et ses teintes métalliques,<br />

réfléchissant toutes les couleurs du<br />

spectre avec l’éclat du diam ant, égalent en<br />

beauté celles <strong>de</strong>s Oiseaux-Mouches. La couleur<br />

est ici un caractère sexuel secondaire, étant<br />

lim itée aux mâles.<br />

Un autre fait intéressant, chez les animaux<br />

pélagiques, est que beaucoup d ’entre eux sont<br />

pourvus d’yeux énormes (c’est le cas ordinaire),<br />

tandis que certains n ’en ont pas du tout. Ainsi<br />

tous les Ptéropo<strong>de</strong>s sont aveugles ou à peu près.<br />

C’est aussi ce qu’on observé chez les Siphono-<br />

phores et les Cténophores.<br />

Inversement, les formes possédant <strong>de</strong>s yeux<br />

gigantesques en proportion <strong>de</strong> leur taille, ne<br />

sont point rares. Je citerai, comme exemple, le<br />

P hronim a se<strong>de</strong>ntaria, un Ainphipo<strong>de</strong> pélagique<br />

très rem arquable, dont les yeux composés<br />

occupent toute la partie antérieure du corps. La<br />

femelle <strong>de</strong> ce Crustacé a l’habitu<strong>de</strong> singulière <strong>de</strong><br />

vivre dans une chambre tubulaire transparente,<br />

qu’elle se prépare en perforant une jeune colonie<br />

<strong>de</strong> Pyrosoines. Entourée <strong>de</strong> sa progéniture à<br />

l’intérieur <strong>de</strong> son tube, elle entraîne celui-ci<br />

avec une rapidité considérable à travers l’Océan.<br />

J’appellerai m aintenant votre attention su r un<br />

autre Crustacé, un Copépo<strong>de</strong> du genre Corycœus.<br />

Toutes les espèces <strong>de</strong> Corycœus ont <strong>de</strong>s yeux<br />

très grands; mois dans celie dont je vous parle,<br />

l’appareil visuel est si extraordinairem ent développé,'qu’une<br />

projection du corps, en forme <strong>de</strong><br />

corne, a pris naissance sous le thorax, dans le<br />

but d’accommo<strong>de</strong>r les nerfs et d’obtenir un assez<br />

long foyer pour les cristallins J’ai eu d’abord<br />

connaissance <strong>de</strong> l’animal dont il vient d’être<br />

question, par un <strong>de</strong>ssin inédit <strong>de</strong> mon regretté<br />

collègue à bord du Challenger, Rudolph von<br />

Willemœs-Suhm, qui s’était tout spécialement<br />

consacré à l’étu<strong>de</strong> dos êtres pélagiques durant le<br />

voyage du navire. Notre Corycœus, non encore<br />

décrit jusqu’à présent, avait reçu <strong>de</strong> lui le nom<br />

<strong>de</strong> C. megalops. Ce Copépo<strong>de</strong> est d’une belle<br />

teinte bleue lorsqu’il est vivant. Les Alciopidœ ,<br />

ou Annéli<strong>de</strong>s pélagiques, sont peut-être, à l’égard<br />

<strong>de</strong>s yeux, les plus étonnants <strong>de</strong>s habitants<br />

do la pleine mer. L’organe <strong>de</strong> la vision est<br />

énorm e chez elles, et dépasse <strong>de</strong> beaucoup, au<br />

point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> sa perfection, tout ce qu’on ren ­<br />

contre chez les autres Annéli<strong>de</strong>s.<br />

Par leur cécité, ou la sorte d’hypertrophie <strong>de</strong><br />

leur appareil visuel, les êtres composant la faune<br />

pélagique se rapprochent <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>s mers profon<strong>de</strong>s<br />

et ce rapprochem ent peut s’étendre<br />

encore, notam ment en ce qui concerne la phosphorescence<br />

<strong>de</strong> bon nom bre d ’animaux apparie<br />

nant à ces <strong>de</strong>ux groupes. Le professeur Fuchs(l),<br />

dans un travail récent sur la faune et la flore<br />

pélagiques et la vie <strong>de</strong>s grands fonds, a insisté<br />

sur ces ressemblances et conclut qu'elles doivent<br />

êlre expliquées par le fait que, dans les <strong>de</strong>ux<br />

cas, nous sommes en présence d’une faune <strong>de</strong><br />

ténèbres, la lum ière du soleil n’atteignant pas<br />

les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> l’Océan et les êtres qui habitent<br />

(1) T h . Fuchs. Ueber d ie P ela g isch e F lo ra tm d F a u n a , etc.<br />

V ien n e, <strong>1882</strong>.<br />

' les couches supérieures étant <strong>de</strong> mœurs nocturnes.<br />

Ceux-oi, en effet, s’enfoncent pendant le<br />

jour à <strong>de</strong>s distances considérables et ne rem ontent<br />

que la nuit. Certains animaux pélagiques,<br />

cependant, ne sem blent pas fuir la lum ière. Les<br />

•Radiolaires peuvent être vus dans les nappes<br />

supei fïcielles, lorsque le temps est calme, exposés<br />

aux rayons du soleil. De même pour les<br />

Velella et les Ianthina. Il est vrai dé dire, en ce<br />

qui concerne ces <strong>de</strong>rniers, qu’il leur est impossible<br />

<strong>de</strong> quitter la surface. Quelques Cténophores,<br />

notamment l'E ucharis, suivant Chun,<br />

sem blentaim er le soleil. Les poissons volants se<br />

rencontrent le jour et la nuit, eU es splendi<strong>de</strong>s<br />

poissons pélagiques que l’on désigne sous le<br />

nom <strong>de</strong> dauphins (Coryphœna) m ontrent leurs<br />

brillantes couleurs en plein soleil, tout en nageant<br />

mollement autour <strong>de</strong>s navires. Les vents et<br />

la tem pête font <strong>de</strong>scendre les animaux pélagiques<br />

au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la limite à laquelle ils<br />

s’abaissent habituellement ; lorsque le temps<br />

est mauvais, on peut naviguer sur une étendue<br />

considérable sans voir aucune forme vivante et<br />

s’im aginer qu’on est dans un endroit stérile,<br />

alors qu’une nuit calme m ontrerait qu’il est<br />

fourm illant <strong>de</strong> vie.<br />

Une question im portante et toute d ’actualité, à<br />

l’égard <strong>de</strong> la vie pélagique, est <strong>de</strong> savoir à<br />

quelle profon<strong>de</strong>ur elle s’étend. Jusqu’où <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt<br />

les animaux qui rem ontent la nuit? Ce<br />

point est-il fixe? Vont-ils jamais jusqu’aux<br />

grands fonds situés au-<strong>de</strong>ssous d’eux ?<br />

U résulte <strong>de</strong>s observations du professeur<br />

W eism ann(l). sur ce qui peut être appelé la faune<br />

pélagique du lac <strong>de</strong> Constance, que les Crusta-<br />

' cés dont elle se compose s’élèvent et s’abaissent<br />

lentem ent au sein <strong>de</strong> l’eau comme les animaux<br />

habitant ia pleine mer. Ils ne s’enfoncent jamais<br />

à une profon<strong>de</strong>ur plus gran<strong>de</strong> que vingt-cinq<br />

fathoms, mais rem ontent graduellem ent le soir<br />

vers la surface, suivant dans leur mouvem ent le<br />

coucher du soleil. Le m atin .au contraire, ils<br />

disparaissent avec l’aurore. Le professeur Forel<br />

a constaté les mêmes faits- pour le lac <strong>de</strong> Genève.<br />

De plus, ce savant a m ontré que vingt-<br />

cinq fathoms étaient la limite maximum à laquelle<br />

un papier sensibilisé était im pressionné par la<br />

lum ière solaire. Au-<strong>de</strong>ssous, celle-ci ne pénètre<br />

plus. Le professeur W eismann, après avoir<br />

essayé différentes explications, conclut que si<br />

les Crustacés pélagiques oscillent perpétuellement<br />

<strong>de</strong> la curieuse manière que nous venons<br />

<strong>de</strong> dire, c’est tout simplement pour économ iser<br />

la lum ière et atin <strong>de</strong> pouvoir trouver leur nourriture<br />

pendant vingt-quatre heures dans le<br />

champ qu’ils sont à même <strong>de</strong> parcourir. S’ils<br />

restaient durant le jour à la surface, ils n’y verraient<br />

plus suffisamment la nuit pour chercher<br />

leurs alim ents dans les profon<strong>de</strong>urs. Cette ingénieuse<br />

explication est, sans aucun doute, égalem<br />

ent applicable aux animaux pélagiques <strong>de</strong> la<br />

m er qui sont pourvus d ’yeux, et qui se nour­<br />

rissent <strong>de</strong> matières végétales, à peu près slation-<br />

naires, et <strong>de</strong> débris tenus en suspension dans<br />

les couches supérieures <strong>de</strong> l’Océan. Quant aux<br />

nom breuses formes aveugles, qui exécutent <strong>de</strong><br />

semblables oscillations diurnes, comme les Cté-<br />

nophores(2),les larvesd’Echino<strong>de</strong>rmes(3),les Ptéropo<strong>de</strong>s,<br />

etc., elles suivent les Crustacés et<br />

autres petits animaux qui leur servent <strong>de</strong> pâture<br />

En réalité, tous les êtres <strong>de</strong> la faune pélagique<br />

dépen<strong>de</strong>nt l’un <strong>de</strong> l’autre à un tel point qu’ils<br />

doivent nécessairement se mouvoir ensemble. Il<br />

est aussi possible qu’un certain nom bre <strong>de</strong><br />

formes restent dans l’obscurité, afin d’échapper<br />

(1) B a s T h ierleben im B o<strong>de</strong>nsee, von A u g . W eism ann.<br />

Lin d au , 1877.<br />

(2) D r C a r l Chun, F a u n a u n d F lo r a d esG o lfes von N ea p el,<br />

Ctenophora, p. 239.<br />

(3) A . A gassiz, N o r th A m erica n S ta r F ish e s. (M em . M us.<br />

Com p. Z oo l. H arv ard . 1877, p. 28).<br />

à leurs ennemis et que, pour cette raison, elles<br />

ne viennent à la surface que la nuit.<br />

Le Dr Chun a observé que les Cténophores<br />

du golfe <strong>de</strong> Naples, après avoir été abondants au<br />

printem ps,<strong>de</strong>viennent extrêm em ent rares et disparaissent<br />

presque durant les trois mois d’été,<br />

pour réapparaître en grand nombre à l’automne.<br />

Ayant pris <strong>de</strong> ces Cœlentérés, durant la saison<br />

chau<strong>de</strong>, à <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs, il croit que<br />

les Cténophores <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt annuellem ent à la<br />

fin du printem ps pour se nourrir <strong>de</strong> petits Crustacés,<br />

qui se tiennent alors loin <strong>de</strong> la. surface<br />

(peut-être parce que la lum ière plus puissante<br />

leur permet <strong>de</strong> trouver leur nourriture, pendant<br />

cette époque <strong>de</strong> l'année, à un niveau inférieur),<br />

et que, ayant satisfait à leurs besoins, et lë'urs<br />

jeunes ayant atteint l’état adulte, ils rem ontent :<br />

on les retrouve tout à coup comme par enchantement.<br />

Un <strong>de</strong>s Cténophores jouissant <strong>de</strong> cette<br />

propriété est l’admirable Ceinture <strong>de</strong> Vénus<br />

(Cestus Veneris). Les Scyphom edusæ (Cassiopeia<br />

borbonica) et d’autres animaux pélagiques<br />

paraissent également sujets à ces migrations<br />

périodiques en profon<strong>de</strong>ur. Ce phénom ène se<br />

reproduit sûrem ent dans toutes les parties du<br />

m on<strong>de</strong>, et ceci explique la rareté extraordinaire<br />

<strong>de</strong> certaines formes.<br />

En résumé, il paraît probable queles animaux<br />

pélagiques exécutent <strong>de</strong>s oscillations, suivant<br />

la verticale, sous l’influence <strong>de</strong> trois causes différentes.<br />

La prem ière est la quantité <strong>de</strong> lum ière;<br />

la secon<strong>de</strong>, le temps; et la troisième, l’époque <strong>de</strong><br />

l’année.<br />

Les grands lacs intérieurs d’eau douce ont<br />

tous une faune littorale, une faune <strong>de</strong> grands<br />

fonds et une faune pélagique, absolum ent<br />

comme les Océans. Les animaux pélagiques <strong>de</strong>s<br />

lacs ressem blent à ceux <strong>de</strong> la mer en beaucoup<br />

<strong>de</strong> particularités. Ils sont, comme eux, hyalins,<br />

transparents, présentent les formes les plus curieuses,<br />

adaptées à une existence qui les force<br />

à nager constamment, et quelques-uns se font<br />

rem arquer par <strong>de</strong>s yeux énorm ément développés.<br />

Je citerai notam ment, d ’après le professeur<br />

Weismann, <strong>de</strong>ux Crustacés pélagiques du lac <strong>de</strong><br />

Genève. Tous <strong>de</strong>ux sont <strong>de</strong>s Cladocera, <strong>de</strong> la<br />

famille cyclopéenne <strong>de</strong>s P olyphem idœ . Le pre-<br />

■ mier, B ythotrephes, a un aspect <strong>de</strong>s plus extraordinaires,<br />

grâce à sa queue transformée en une<br />

énorm e épine, qui contre-balance le poids <strong>de</strong><br />

l’extrém ité antérieure du corps. Il est transpa-,<br />

rent comme verre, mais se couvre à l’automne<br />

<strong>de</strong> splendi<strong>de</strong>s taches bleu d’outre-m er. Le B yth o ­<br />

trephes a un seul œ il composé énorme et porte<br />

son œuf unique dans une large poche située à<br />

l’extrém ité postéro-inférieure <strong>de</strong> sa carapace.<br />

Le second, Leptodora hyalina ne le cè<strong>de</strong> en<br />

rien pour l’étrangelé à son compagnon. Comme<br />

lui, à est absolument transparent et presque<br />

invisible dans l’eau. Il a une énorm e paire d’antennes<br />

emplumées au moyen <strong>de</strong>squelles il se<br />

soutient dans ce liqui<strong>de</strong>. Ce curieux animal,<br />

ainsi qu’une espèce <strong>de</strong> B ythotrephes, ont été récemment<br />

découverts par M. Conrad Beck dans<br />

le lac Grasmere (Westmoreland) avec un autre<br />

Cladocera, <strong>de</strong> sorte que nos lacs anglais ont<br />

aussi leur faune pélagique. Leptodora h ya lin a<br />

avait été trouvée précé<strong>de</strong>mment dansle réservoir<br />

d’Olton, près <strong>de</strong> Birmingham (1) .<br />

Mais la question la plus im portante, ainsi que<br />

je le disais plus haut, est <strong>de</strong> savoir à quelle profon<strong>de</strong>ur<br />

les anim aux pélagiques <strong>de</strong> l’Océan <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt.<br />

Ce problème est resté sans Solution<br />

<strong>de</strong>puis l’époque où il exerça, pour la prem ière<br />

fois, l’esprit du grand Jean Müller, quoique, <strong>de</strong><br />

son tem ps, on comprît la chose un peu différemment.<br />

Comme on le sait, il s’agissait <strong>de</strong> démontrer<br />

si la vie était possible ou non dans les grands<br />

fonds. Un filet ouvert jeté à une profon<strong>de</strong>ur<br />

( 1 ) E R a y L ankester, A n n . and. M ag. N a t. H is t .y ja n ­<br />

v ier <strong>1882</strong>, p. 53.

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