1882 - Université Libre de Bruxelles
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fique est en jeu. Pour le prouver, citons ici, au<br />
risque <strong>de</strong> blesser la mo<strong>de</strong>stie d’un <strong>de</strong> nos plus<br />
illustres savants, les Recherches su r La faune du<br />
Littoral <strong>de</strong> Belgique, si connues et si appréciées<br />
<strong>de</strong> tous les biologistes. Depuis, quelques jeunes<br />
naturalistes privilégiés, ayant pu profiter <strong>de</strong><br />
l’installation si incomplète où cos recherches ont<br />
vu le jour, y ont élaboré <strong>de</strong>s iravaux d’une réelle<br />
valeur.<br />
Tout milite donc on faveur <strong>de</strong> l’établissement,<br />
sur notre littoral, d'un laboratoire zoologique,<br />
et le gouvernem ent ferait œuvre utile en com <br />
blant cette lacune regrettable <strong>de</strong> notre enseignem<br />
ent biologique. Les recherches failes su r la<br />
faune du littoral seraient le complément indispensable<br />
<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s théoriques <strong>de</strong> zoologie,<br />
d ’anatomie et <strong>de</strong> physiologie comparées, d'em <br />
bryologie; le laboratoire maritim e <strong>de</strong>viendrait<br />
ainsi une véritable annexe <strong>de</strong> l’université; ce<br />
serait, pour l’élève, une école d ’apprentissage<br />
où, après s’ètre exercé sous la conduite du professeur,<br />
il aurait bientôt acquis les aptitu<strong>de</strong>s<br />
nécessaires pour se livrer, avec fruit, à <strong>de</strong>s travaux<br />
biologiques dans une station étrangère.<br />
Le point du littoral à choisir im porte assez<br />
peu, et les frais d'installation ne seraient pas<br />
considérables. Un bâtiment pouvant contenir<br />
une douzaine <strong>de</strong>travailleurs,quelquesaquarium s<br />
convenablement disposés, une petite bibliothèque<br />
spéciale, un bateau d ’un faible tonnage,<br />
m uni <strong>de</strong>s instrum ents nécessaires aux sondages<br />
et aux dragages, tels sont les besoins<br />
m atériels les plus urgents auxquels il faudrait<br />
pourvoir.<br />
L’élu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la biologie ne sera en général pour<br />
l’élève qu’une étape, mais une étape im portante,<br />
indispensable, avant d’arriver aux élu<strong>de</strong>s cliniques.<br />
Nous le répétons, celui qui, méconnaissant<br />
cette vérité, aura négligé <strong>de</strong> faire l’éducation<br />
<strong>de</strong> ses sens, <strong>de</strong> s’initier aux secrets <strong>de</strong> la<br />
m élho<strong>de</strong> et <strong>de</strong> l’esprit scientifiques, sera im parfaitement<br />
préparé aux étu<strong>de</strong>s médicales. Il n’en<br />
peut être autrem ent : la clinique consistant dans<br />
l’application, faite au lit du mala<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s données<br />
scientifiques, a dû suivre le sillon tracé par la<br />
biologie. On l’a dit avant moi, elle est <strong>de</strong>venue<br />
bien plus savanle et bien plus complexe qu’autrefois;<br />
elle utilise, pour reconnaître les affections<br />
morbi<strong>de</strong>s ou pour les traiter, une foule <strong>de</strong><br />
moyens dont, jadis, on ne soupçonnait pas même<br />
l’existence (1) .<br />
Plusieurs membres du corps médical qui, au<br />
sortir <strong>de</strong>s bancs <strong>de</strong> l’école, sont allés à l’étranger<br />
compléter leur éducation scientifique, se rappellent<br />
encore ce qu’était, il y a vingt ans, la<br />
leçon <strong>de</strong> clinique donnée par certaines célébrités<br />
en vogue à cette époque. Le professeur,<br />
ayant à sa suite un cortège peu nom breux<br />
d ’élèves, parcourait les salles <strong>de</strong> mala<strong>de</strong>s, s’a rrêtant<br />
à un ou plusieurs lits ; il passait ensuite<br />
dans un am phithéâtre, où déjà l’atteudait la<br />
masse <strong>de</strong>s auditeurs qui avaient jugé inutile <strong>de</strong><br />
suivre la visite du m aître, et là, aux applaudissements<br />
<strong>de</strong> l’assemblée, il donnait, ex cathedra,<br />
une leçon sur un ou plusieurs <strong>de</strong>s cas qui avaient<br />
plus particulièrem ent attlirè son attention.<br />
C’était, si l’on peut ainsi dire, l'ère <strong>de</strong>s cliniques<br />
à distance Elle a passé. Hâtons-nous<br />
d’ajouter que ce n ’était pas le mo<strong>de</strong> partout en<br />
usage, et que, dans notre pays, il n’a jamais<br />
trouvé d’im itateurs. Qui voudrait y recourir<br />
aujourd’hui, <strong>de</strong>vrait commencer par faire table<br />
rase <strong>de</strong> tous les progrès réalisés par l’enseignement<br />
clinique.<br />
Permettez-moi maintenant <strong>de</strong> vous introduire,<br />
pour un instant, dans une salle <strong>de</strong> clinique où<br />
l’instruction se donne d’après toutes les exigences<br />
<strong>de</strong> la science mo<strong>de</strong>rne.<br />
Un <strong>de</strong>s élèves a commencé, sous la direction<br />
du maître, l’examen du mala<strong>de</strong> qui fait l’objet <strong>de</strong><br />
(1 ) D iscours <strong>de</strong> M . le professeur R . Boddaert.<br />
L’ATHENÆ UM BELGE<br />
la leçon. Déjà l’interrogatoire, conduit suivant<br />
certaines règles, l’a mis au courant <strong>de</strong>s symptömes<br />
subjectifs. Il examine l’habitu<strong>de</strong> extérieure<br />
du sujet, le palpe, le percute, l’ausculte, mesure<br />
sa tem pérature à l’ai<strong>de</strong> du thermom ètre, explore<br />
l’état <strong>de</strong> la circulation et <strong>de</strong>s diverses fonctions.<br />
Mais le therm om ètre n ’est pas le seul instrument<br />
auquel il <strong>de</strong>vra reco u rir; souvent, soit<br />
pour arriver au diagnostic, soit pour juger<br />
<strong>de</strong> la marche <strong>de</strong> l’affection, il <strong>de</strong>vra prendre<br />
le tracé du pouls, à <strong>de</strong>s intervalles voulus,<br />
à l’ai<strong>de</strong> du sphygm ographe. D’autres instruments<br />
seront employés au besoin, les uns pour<br />
m esurer les dim ensions <strong>de</strong>s diverses parties du<br />
corps, les autres pour s’assurer <strong>de</strong> l’état <strong>de</strong> la<br />
sensibilité tactile, d’autres encore qui, grâce à<br />
un éclairage spécial, perm ettent <strong>de</strong> plonger les<br />
regards dans la profon<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> nos organes.<br />
Ce n’est pas tout : les diverses sécrétions, le<br />
sang du mala<strong>de</strong> feront l’objet d’un examen chimique<br />
et microscopique; <strong>de</strong>s instrum ents grossissants,<br />
une série <strong>de</strong> réactifs et d’appareils chimiques<br />
viennent ainsi s'ajouter à l’outillage<br />
clinique.<br />
Cette pâle esquisse ne peut donner qu’une idée<br />
très imparfaite <strong>de</strong>s multiples conditions que<br />
nécessitent aujourd’hui les installations cliniques.<br />
D’ailleurs, les exigences <strong>de</strong> la clinique externe<br />
ou chirurgicale ne sont pas celles <strong>de</strong> la clinique<br />
interne; les cliniques ophthalmologiques, <strong>de</strong>s<br />
maladies cutanées, <strong>de</strong>s femmes en couches,<br />
réclament chacune leur organisation spéciale.<br />
Avec son appareil compliqué, les soins minutieux<br />
quelle prend à suivre la marche <strong>de</strong> la maladie,<br />
à contröler les effets du traitem ent institué, tout<br />
cela en suivant rigoureusem ent les errem ents <strong>de</strong><br />
la métho<strong>de</strong> scientifique, la clinique ne trouve<br />
pas dans les salles ordinaires <strong>de</strong> l’höpital, si<br />
bien aménagé qu’il soit, toute sa liberté d’allure;<br />
calquée sur les sciences biologiques dans son<br />
m odus faciendi, elle <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, comme elles,<br />
<strong>de</strong>s installations spéciales. Aussi les instituts<br />
cliniques existent-ils m aintenant dans plusieurs<br />
villes universitaires d’Allemagne; certains<br />
d’entre eux, celui <strong>de</strong> Bonn, par exem ple, sont<br />
<strong>de</strong> vrais monum ents élevés à la science.<br />
Il n’entre pas dans mes intentions <strong>de</strong> m’arrêter<br />
sur les conditions auxquelles doit répondre<br />
un institut clinique, ni d’insister davantage sur<br />
l’utilité <strong>de</strong> semblables établissem ents; ici encore,<br />
l’expérience est faite, et la Belgique, qui a à<br />
cœ ur <strong>de</strong> se tenir à la hauteur du progrès scientifique,<br />
ne peut tar<strong>de</strong>r à suivre, dans cette<br />
voie, le bon exemple donné par les pays<br />
voisins.<br />
J’arrive au <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>si<strong>de</strong>ralum sur lequel je<br />
crois <strong>de</strong>voir attirer votre attention. Deux<br />
branches dont personne ne contestera l’im portance<br />
se trouvent inscrites, <strong>de</strong>puis toujours, au<br />
program m e <strong>de</strong> nos Facultés <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine : l’une<br />
s’occupe <strong>de</strong> questions graves, élevées, dont la<br />
solution intéresse le bien-être <strong>de</strong>s populations<br />
et le progrès hum anitaire; l’autre, aussi d’un<br />
intérêt social, apprend à éclairer la justice dans<br />
les cas où la liberté, la vie et l’honneur <strong>de</strong>s<br />
citoyens sont en jeu. J’ai nommé l’hygiène et la<br />
mé<strong>de</strong>cine légale.<br />
Reléguées jusqu’en 1876 parmi les m atières à<br />
certificat, leur inscription au programme, comme<br />
on l’a dit « n’était qu’une belle apparence, qu’un<br />
mirage trom peur (1). » Depuis, cette déchéance<br />
a fait place à une ère meilleure ; mais est-ce à<br />
dire que les branches auxquelles nous faisons<br />
allusion occupent enfin, dans_ le cadre <strong>de</strong> l’enseignement<br />
médical, le rang qu’elles m éritent?<br />
Personne n’oserait le prétendre, et s’il m’était<br />
permis d’exprim er, à ce sujet, ma pensée tout<br />
entière, je dirais que les cours d’hygiène et <strong>de</strong><br />
(x) C ours d ’hygiène fait p ar M . le D ' F é lix P utzeys, profse-<br />
seur à l’U niversité <strong>de</strong> L iè g e . D iscours d ’ouverture.<br />
mé<strong>de</strong>cine légale réclam ent une réforme complète.<br />
Le caractère éminemment pratique <strong>de</strong> ces<br />
<strong>de</strong>ux branches est si évi<strong>de</strong>nt, qu’il n’échappe<br />
pas même aux personnes absolument étrangères<br />
à l’art <strong>de</strong> guérir. Et cependant, le croirait-on?<br />
alors qu’une large part était accor<strong>de</strong>e à l’enseignement<br />
pratique <strong>de</strong>s autres branches médicales,<br />
seul, celui <strong>de</strong> l’hygiène et <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine légale<br />
restait purem ent théorique.<br />
Toutefois ce n’est pas dans un cours théorique<br />
que le futur mé<strong>de</strong>cin apprendra à se familiariser<br />
avec les grands et si intéressants problèmes<br />
dont l’hygiène m o<strong>de</strong>rne recherche la solution.<br />
Comment serait-il en état, après avoir étudié<br />
exclusivement le cahier du professeur, d’approfondir<br />
les questions si complexes se rapportant<br />
au sol que nous foulons et sur lequel sont<br />
bâties nos <strong>de</strong>meures ? Où ira-t-il puiser, si ce<br />
n’est dans <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> laboratoire, les<br />
connaissances nécessaires p o u rju g erd e la composition<br />
chimique <strong>de</strong>s gaz du sol, <strong>de</strong> sa température<br />
et <strong>de</strong>s variations qu’elle présente, <strong>de</strong>s<br />
oscillations <strong>de</strong> la nappe d’eau souterraine? Ni<br />
les livres, ni la leçon verbale ne lui fourniront<br />
les notions indispensables pour parler avec<br />
autorité <strong>de</strong> la composition <strong>de</strong> l’air confiné <strong>de</strong><br />
nos appartem ents, <strong>de</strong>s divers systèmes <strong>de</strong> ventilation<br />
et <strong>de</strong> chauffage, <strong>de</strong>s altérations <strong>de</strong> l’eau<br />
<strong>de</strong> boisson, <strong>de</strong>s multiples sophistications <strong>de</strong> nos<br />
substances alimentaires.<br />
Mais le cadre <strong>de</strong> mon discours m’oblige à me<br />
restreindre et m’empêche <strong>de</strong> tracer, même à<br />
grands traits, le plan à suivre dans l’enseignement<br />
<strong>de</strong> l’hygiène. D’ailleurs, mon excellent<br />
collègue, M .le D r Félix Putzeys, professeur à<br />
l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Liège, dans sa leçon inaugurale<br />
<strong>de</strong> l’avant-<strong>de</strong>rnière année académique, a fait<br />
toucher du doigt la plaie que je découvre, et .a<br />
savamment exposé les réformes qu’appelle,<br />
dans nos universités, l’enseignem ent <strong>de</strong> l’hygiène.<br />
La m é<strong>de</strong>cine légale a cela <strong>de</strong> commun avec<br />
l’hygiène qu’elle suppose, chez oelui qui la cultive,<br />
<strong>de</strong>s notions très étendues sur les sciences<br />
physico-chim iques, sur toutes les branches <strong>de</strong><br />
la biologie et en même tem ps <strong>de</strong> l’art <strong>de</strong> guérir.<br />
Il faut que le mé<strong>de</strong>cin légiste soit à la fois physicien,<br />
chim iste, anatom iste, mé<strong>de</strong>cin, pharm a-<br />
cologiste; car les renseignem ents qu’on lui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> peuvent varier dans <strong>de</strong> larges limites<br />
et porter sur <strong>de</strong>s faits d’ordres très différents.<br />
Toutefois, <strong>de</strong> même aussi que l’hygiène, la mé<strong>de</strong>cine<br />
légale ne vit pas exclusivement d’emprunts<br />
; elle n ’est tributaire <strong>de</strong>s autres sciences<br />
que dans une certaine mesure, et, après s’être<br />
assimilé leurs métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> recherches, elle<br />
conserve son autonom ie, son caractère propre.<br />
Il pourra paraître étrange que cette branche<br />
<strong>de</strong> la m é<strong>de</strong>cine, toute basée sur l’observation<br />
rigoureuse <strong>de</strong>s faits, et qui, pour arriver à ses<br />
fins, ne peut se passer <strong>de</strong> l’expérimentation, n’ait<br />
été enseignée jusqu’à présent, dans nos écoles,<br />
que théoriquem ent. Il faut qu’elle soit bien puissante,<br />
cette force d’inertie contre laquelle,<br />
hélas ! se heurte trop souvent celui qui cherche<br />
à innover utilem ent dans l’enseignem ent supérieur,<br />
quand on voit les tentatives faites en<br />
France, il y a plus <strong>de</strong> quarante ans, par un<br />
homme <strong>de</strong>s plus autorisés, Devergie, pour donner<br />
un caractère pratique à l’enseignement <strong>de</strong> la<br />
mé<strong>de</strong>cine légale, <strong>de</strong>m eurer si longtemps stériles.<br />
Pour nous, l’éloquent plaidoyer que nous<br />
trouvons, à ce sujet, dans la prem ière édition<br />
du livre <strong>de</strong> Devergie, n’a rien perdu <strong>de</strong> son<br />
actualité : « Si nous portons nos regards, dit<br />
l’auteur, sur la manière dont la mé<strong>de</strong>cine légale<br />
est enseignée en France, nous ne verrons partout<br />
que <strong>de</strong>s cours du genre <strong>de</strong> ceux oui constituent<br />
la théorie <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine. Dans ces<br />
cours, rien <strong>de</strong> pratique, à l’exception peut-être