1882 - Université Libre de Bruxelles
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humbles, mais quelques-uns, poussés par leur<br />
génie ou par la fortune, atteignaient les plus<br />
hautes <strong>de</strong>stinées et <strong>de</strong>venaient comme à s arbitres<br />
<strong>de</strong> l’empire. Au dix-neuvièm e siècle, le<br />
spectacle est le même : les Allemands inoccupés<br />
chez eux inon<strong>de</strong>nt les pays voisins, et <strong>de</strong>puis<br />
le simple commis jusqu’au négociant m illionnaire<br />
qui régit le m arché d’Anvers et <strong>de</strong> Londres,<br />
on les retrouve partout actifs, habiles et<br />
disputant avec su ccèsle terrain aux nationaux.<br />
Faut il rappeler leurs émigrations p ar-<strong>de</strong> la les<br />
océans, qui rem placent <strong>de</strong> nos jours les invasions<br />
arm ées du ive et du ve siècle? Faut-il<br />
signaler ce fait curieux qu’en Amérique, pas<br />
plus que dans les provinces romaines, ils ne<br />
parviennent à fon<strong>de</strong>r un état homogène, auquel<br />
s'im posent d'une m anière uniforme leur langue,<br />
leurs institutions, leurs traditions? Les Anglo-<br />
Saxons font seuls exception, et ce sont les seuls<br />
aussi qui aient pu créer, dans l’île <strong>de</strong> Bretagne,<br />
un ordre <strong>de</strong> choses qui n’em pruntait rien aux<br />
Romains.<br />
Je n’entends certes pas forcer ce parallèle,<br />
mais je crois qu’il nous m ontre une fois <strong>de</strong> plus<br />
quelles sont en histoire les ressources fécon<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> la métho<strong>de</strong> comparative.<br />
Le second point auquel je voulais m’arrêter<br />
un instant se rapporte à l’adoption du christianisme<br />
par les Germains. Des écrivains fort dis-<br />
gués, Ruckert par exemple, ont cherché à<br />
prouver que' l’esprit germ anique était en quelque<br />
sorte pié<strong>de</strong>stiné à cette religion, qu’elle<br />
s’harm onisait parfaitem ent avec ses tendances<br />
propres. Dahn, plus réaliste et - à mon sens plus<br />
clairvoyant, est d’avis qu’il ne faut pas chercher<br />
aussi loin une explication inutile. Si les Germains<br />
ont adopté sans résistance le christianism e,<br />
c ’est uniquem ent parce que c’était la religion<br />
du seul peuple civilisé avec lequel ils fussent<br />
«n contact. Si les Romains avaient encore été<br />
polythéistes, les Germains auraient adoré les<br />
divinités <strong>de</strong> leur Olympe. On se convertit aisém<br />
ent aux dieux du plus fort ou du plus intelligent.<br />
L’exemple <strong>de</strong>s populations <strong>de</strong> l’Asie antérieure<br />
et <strong>de</strong> l’Afrique du Nord qui sans peine ont<br />
renoncé au christianism e, pour accepter la foi<br />
<strong>de</strong>s Musulmans vainqueurs, est bien fait, je crois,<br />
pour appuyer cette thèse. La conversion <strong>de</strong>s<br />
Germains ne doit donc pas non plus être considérée<br />
comme un <strong>de</strong>s effets directs <strong>de</strong>s invasions :<br />
même s’ils étaient restés chez eux, sans sortir <strong>de</strong><br />
leurs frontières, ils auraient fatalem ent ressenti<br />
l’influence d’une religion qui s’était alliée à une<br />
civilisation supérieure.<br />
Je ne puis term iner cet article sur l’im portant<br />
et excellent livre <strong>de</strong> W ietersheim Dahn, sans<br />
signaler une bonne carte <strong>de</strong>s tribus germ aniques<br />
jointe au prem ier volume, et un précieux in<strong>de</strong>x<br />
bibliographique, <strong>de</strong>s plus complets, qui termine<br />
l’ouvrage. L. V a n d e r k i n d e r e .<br />
L ’A R T ATJX P A Y S - B A S .<br />
Beitrage zu r nie<strong>de</strong>rlâncLischen Kunstgeschichte,<br />
von Herman Riegel. Berlin, W eidmannsche<br />
Buchhandlung, -<strong>1882</strong>. 2 vol. in-8°.<br />
Dans l’histoire <strong>de</strong>s arts, la haute antiquité<br />
n ’est pas seule à offrir aux recherches un champ<br />
digne d’être exploré. L’investigateur n ’a pas<br />
besoin <strong>de</strong> sortir <strong>de</strong>s tem ps mo’<strong>de</strong>rnes, do se<br />
transporter en Afrique et en Asie-Mineure pour<br />
trouver un emploi très légitime <strong>de</strong> ses facultés<br />
d’analyse. Pour ne parler que <strong>de</strong> l’école fla<br />
L’ATHENÆUM BELGE 287<br />
man<strong>de</strong>, personne encore n’en connaît l’origine.<br />
En <strong>de</strong>hors même <strong>de</strong> l’excellence <strong>de</strong> leur pratique,<br />
la supériorité <strong>de</strong> Van Eyck ne peut être expliquée<br />
par aucune filiation d’école, et les œuvres<br />
<strong>de</strong> l’aîné <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux frères sont aussi inconnues<br />
que celles d’un Poiygnote ou d’un Zeuxis!<br />
Il est <strong>de</strong>s peintres désignés comme célèbres par<br />
Van Man<strong>de</strong>r, qui déclare les avoir personnellem<br />
ent connus, et dont aucun tableau n ’atteste<br />
la valeur.<br />
Beaucoup <strong>de</strong> chemin reste donc à faire dans<br />
la voie <strong>de</strong>s restitutions. Une bonne partie <strong>de</strong> la<br />
tâche appartient à l’archiviste, mais elle ne lui<br />
est pas exclusivem ent dévolue. L’œ uvre d ’art,<br />
en effet, ne se présente pas isolém ent; elle n’est<br />
que la partie d’un ensemble où se caractérise<br />
une école, une époque. Où m anquent les points<br />
d’attache, l’érudit et le critique doivent se<br />
prêter un mutuel appui : il faut, à la fois, découv<br />
rir et préciser.<br />
M. Herman Riegel, l’auteur <strong>de</strong> l’ouvrage qui<br />
nous occupe, conquiert sa place au prem ier<br />
rang <strong>de</strong> ces pionniers <strong>de</strong> la science artistique,<br />
pour nous servir d ’une expression courante en<br />
Allemagne.<br />
Le <strong>de</strong>uxièm e volume, <strong>de</strong> beaucoup le plus<br />
étendu, est un catalogue raisonné <strong>de</strong>s œuvres<br />
néerlandaises du Musée <strong>de</strong> Brunsw ick, particulièrem<br />
ent riche en m aîtres anté-rubéniens. Ce<br />
travail, dans son genre, <strong>de</strong>s plus rem arquables,<br />
ne peut toutefois nous arrêter ici.<br />
Le prem ier volume offre nn intérêt plus<br />
général. Il nous fournit une étu<strong>de</strong> d’ensemble<br />
sur la m arche et les progrès <strong>de</strong> l’art dans les<br />
Pays-Bas, <strong>de</strong>puis la fin du xv° siècle. Cette<br />
question si vaste est traitée avec une connaissance<br />
<strong>de</strong>s sources littéraires et artistiques, rare<br />
même chez les nationaux.<br />
L’auteur n’accepte donc pas sans contröle<br />
l’appréciation <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>vanciers ; il ne s’en<br />
écarte qu’à bon escient et fort <strong>de</strong>s preuves que<br />
lui fournit l’étu<strong>de</strong> personnelle.<br />
M. Riegel ne confond pas le génie artistique<br />
<strong>de</strong>s Provinces-Unies avec celui <strong>de</strong> la Belgique<br />
proprem ent dite, et, sans doute, il a raison. Les<br />
critiques <strong>de</strong> beaucoup d’auteurs contre les<br />
m aîtres flamands du xvie siècle ne lui paraissent<br />
pas en rapport avec la marche, en quelque<br />
sorte logique, <strong>de</strong> l’école. Les idées <strong>de</strong> la renaissance<br />
s’im posaient non moins dans les Pays-<br />
Bas qu’en Allemagne et en France, et Rubens<br />
lui-m êm e ne s’explique que par leur influence.<br />
Par cela même qu’il admire le prodigieux chef<br />
d’école, l’auteur sait rendre hommage à ses<br />
précurseurs.<br />
Remontant à la source <strong>de</strong>s tableaux et <strong>de</strong>s<br />
portraits où s’illustre la peinture hollandaise,<br />
— les tableaux <strong>de</strong> corporations, — M. Riegel<br />
signale la manifestation la plus ancienne du<br />
genre au Musée d’Anvers, pour arriver par <strong>de</strong>grés<br />
à l’époque <strong>de</strong> sa plus vive splen<strong>de</strong>ur avec<br />
Frans Hais et Rembrandt, en passant par C. Ketel<br />
etM . Miereveld. La Ron<strong>de</strong> <strong>de</strong> la N iât, les S y n <br />
dics, la Leçon d'A natom ie elle-même appartiennent,<br />
en réalité, à ce vaste ensemble <strong>de</strong><br />
tém oignages <strong>de</strong> l’esprit d’association <strong>de</strong> la Néer-<br />
lan<strong>de</strong>.<br />
L’auteur ne manque pas <strong>de</strong> relever, en passant,<br />
l’étrange m éprise <strong>de</strong> W. Burger venant<br />
prétendre que cette anatomie du docteur Tulp<br />
n ’est qu’une composition emblématique <strong>de</strong> la<br />
science, et partant <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue fantaisiste<br />
pour trouver grotesque l'École d'Athènes <strong>de</strong><br />
Raphaël où paraissent les savants <strong>de</strong> l’antiquité.<br />
La vie et l’œuvre <strong>de</strong> Rubens sont <strong>de</strong> la part<br />
du savant directeur du Musée <strong>de</strong> Brunswick,<br />
l’objet d’une étu<strong>de</strong> particulièrem ent consciencieuse.<br />
La controverse sur le lieu <strong>de</strong> naissance<br />
du m aître est passée au crible d’une critique<br />
sévère. L’auteur avait préludé à co travail<br />
dès l’année 1877. U complète aujourd’hui son<br />
étu<strong>de</strong> par l’examen <strong>de</strong> nouvelles sources, et<br />
trouve l’occasion d’opérer <strong>de</strong>s rapprochem ents<br />
très dignes d’être pesés. Il tient fermement à la<br />
thèse <strong>de</strong> Siegen, sans cesser, cela va <strong>de</strong> soi,<br />
d’envisager Rubens comme l’enfant d’Anvers.<br />
Un chapitre précieux complète cette étu<strong>de</strong> :<br />
c’est l’éxposé chronologique <strong>de</strong> la carrière <strong>de</strong><br />
Rubens. Il ne peut être question, dans un pareil<br />
travail, que d ’un essai ; mais il est soigneusement<br />
élaboré, et l’auteur évite <strong>de</strong> se lancer dans<br />
la supposition. Nous relevons cependant une<br />
indication incomplète. En citant le portrait <strong>de</strong><br />
Vladislas Sigismond <strong>de</strong> Pologne, peint à <strong>Bruxelles</strong><br />
au mois <strong>de</strong> septem bre 162-i, M. Riegel<br />
déclare que cette œ uvre est aujourd’hui perdue.<br />
Une chose est certaine, c’est qu’un portrait en<br />
buste <strong>de</strong> Vladislas Sigismond fait partie <strong>de</strong> la<br />
galerie du Palais Durazzo à Gènes, où il passe,<br />
il est vrai, pour le portrait <strong>de</strong> Rubens lui-même.<br />
Plus d’un auteur a accepté l’assertion du cice-<br />
rone, sur la foi du chapeau du personnage, bien<br />
que ce chapeau soit surm onté <strong>de</strong> l’aigrette polonaise<br />
!<br />
L’ouvrage <strong>de</strong> M. Riegel est, dans son ensemble,<br />
un très grand service rendu à ceux qui<br />
s’occupent <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’art flamand et,<br />
comme étu<strong>de</strong> générale, il prend le pas sur la<br />
plupart <strong>de</strong>s travaux consacrés au même objet<br />
dans les <strong>de</strong>rniers temps. Cette supériorité il la<br />
doit surtout à la sûreté <strong>de</strong>s informations <strong>de</strong><br />
l’auteur, à la patience <strong>de</strong> la mise en œ uvre, à<br />
une connaissance approfondie <strong>de</strong>s œuvres citées,<br />
enfin à l’intelligent emploi <strong>de</strong>s m atériaux.<br />
L ’ A R T E N P O R T U G A L .<br />
II. H y m a n s .<br />
L’exposition d’art rétrospectif, ouverte à Lisbonne<br />
au mois <strong>de</strong> janvier <strong>de</strong> cette année, a attiré<br />
<strong>de</strong> nouveau l’attention du mon<strong>de</strong> savant sur<br />
l’histoire du développement arlistique en Portugal.<br />
Elle a fourni l’occasion à M. Ch. Yriarte<br />
<strong>de</strong> publier, sur l’histoire <strong>de</strong> l’art en Portugal,<br />
divers articles, dans la Revue <strong>de</strong>s Deux Mon<strong>de</strong>s<br />
(1er juin) et dans la Gazette <strong>de</strong>s B eaux-A rts<br />
(mai, juin et juillet), écrits <strong>de</strong> cette plume facile<br />
q u ’on lui connaît, mais dans lesquels on rencontre<br />
m alheureusem entplus d’uno inexactitu<strong>de</strong>.<br />
Aussi, après les avoir parcourus, le lecteur ne<br />
se doute-t-il guère <strong>de</strong>s nom breuses difficultés<br />
quesoulève l’histoire <strong>de</strong> l’art portugais. M. Yriarte<br />
considère la Fontaine <strong>de</strong> la Miséricor<strong>de</strong> <strong>de</strong> Porto<br />
comme une œ uvre <strong>de</strong> Holbein (Gazette <strong>de</strong>s<br />
B eaux-A rts, XXV, pp. 459,5 5 8 )et ne semble pas<br />
même se douter que cette attribution est on ne<br />
peut plus discutable; il déclare celtiques les bracelets<br />
d’or exposés par le roi Ferdinand (p.566);<br />
bien plus, il semble donner, comme spécimen <strong>de</strong><br />
l’orfévrerie exclusivem ent portugaise, le triptyque<br />
<strong>de</strong> Guimaraes. Par malheur, cette belle<br />
œ uvre est un travail espagnol ; elle a été prise à<br />
la bataille d ’Aljubarrota, et les arm oiries portugaises<br />
qui s’y trouvent ont été ajoutées après<br />
coup par les chanoines <strong>de</strong> Nossa Senhora <strong>de</strong><br />
Oliveira.<br />
Je pourrais m ultiplier ces critiques ; mais je<br />
ne veux pas m’arrêter davantage sur cette