1882 - Université Libre de Bruxelles
1882 - Université Libre de Bruxelles
1882 - Université Libre de Bruxelles
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
264 L’A TH ENÆ UM BELGE<br />
M. E. Benoisi, qui joint au volume renferm ant la<br />
traduction <strong>de</strong> M. Rostand un volume <strong>de</strong> savants<br />
com m entaires; mais nous n’avons encore que la<br />
moitié <strong>de</strong> cette annotation critique et explicative;<br />
un troisième volume, qui paraîtra bientôt, complétera<br />
ce rem arquable travail, <strong>de</strong>stiné à faire<br />
époque, grâce à l’alliance d’un poète comme<br />
M. Rostand e td ’un philologue comme M. Benoist.<br />
La traduction <strong>de</strong>s Pensées su r l’éducation <strong>de</strong><br />
Locke, récemment publiée par M. Compayré,<br />
sera la bienvenue; il existait bien une traduction<br />
française <strong>de</strong> l’ouvrage du « père -<strong>de</strong> la<br />
philosophie anglaise », mais cette traduction,<br />
quoique faite sous les yeux <strong>de</strong> Locke et avec son<br />
approbation (1695), et réimprimée sans aucun<br />
changement en 1821, n’est nullement fidèle;<br />
elle renferme quelques graves bévues ; le style<br />
en est incorrect et traînant. M. Compayré a donc<br />
bien fait <strong>de</strong> composer une traduction nouvelle.<br />
L ’introduction qu’il a mise en têle du volume<br />
retrace très sommairement la vie <strong>de</strong> Locke,<br />
caractérise avec brièveté les tendances générales<br />
<strong>de</strong> son esprit et m et en relief les principes<br />
essentiels <strong>de</strong> son système ; M. Compayré montre,<br />
entre autres points intéressants, que la réforme<br />
récente <strong>de</strong> l’enseignement secondaire en France<br />
est à beaucoup d’egards l’application et la mise<br />
en œuvre <strong>de</strong>s Pensées su r l’éducation ; il dit que<br />
l’Essai sur l’éducation, <strong>de</strong> Herbert Spencer, n’est<br />
en gran<strong>de</strong> partie, avec moins <strong>de</strong> mesure et plus<br />
d’éclat, qu’une « adaptation », une « refonte au<br />
goût du jour, <strong>de</strong>s idées <strong>de</strong> Locke ». Il est vrai,<br />
rem arque M. Compayré, que Spencer ne cite<br />
Locke qu’une fois, mais Locke non plus ne cite<br />
jam ais Montaigne, dont il est plein.<br />
C’est surtout <strong>de</strong>s archives <strong>de</strong> Mantoue que<br />
M. Baschet a tiré les nom breuses informations<br />
qu’il nous communique aujourd’hui sur les<br />
acteurs qui ont joué la comédie italienne en<br />
France avant le règne <strong>de</strong> Louis XIV : Monsieur<br />
<strong>de</strong> Mantoue, comme on disait alors, avait d’excellents<br />
comédiens qu’il prêtait volontiers <strong>de</strong><br />
tem ps en temps aux rois <strong>de</strong> France. Mais l’auteur<br />
<strong>de</strong> ce piquant et curieux volume a consulté<br />
d’aulres sources encore, les lettres royales, la<br />
correspondance originale <strong>de</strong>s comédiens, les<br />
anciens registres <strong>de</strong> la trésorerie<strong>de</strong> l’Epargne,etc.<br />
Son <strong>de</strong>uxième chapitre est une histoire complète<br />
<strong>de</strong> la troupe <strong>de</strong>s Getosi, la plus célèbre et la plus<br />
accomplie qui ligure dans les annales du théâtre<br />
au XVIe siècle; Henri 111, qui avait fail connaissance<br />
avec les Gelosi pendant son séjour à<br />
Venise, les appela à sa cour. Sous Henri IV, les<br />
comédiens du duc <strong>de</strong> Mantoue vinrent donner<br />
<strong>de</strong>s représentations à l’occasion du mariage <strong>de</strong><br />
ce roi avec Mario <strong>de</strong> Médicis ; les prem iers sujets<br />
étaient Arlequin (Tristano Martinelli) et Fri<strong>de</strong>lin<br />
(Cecchini) Plus tard, arrivèrent Francesco<br />
Andreini, qui jouail les « capitan », et sa femme<br />
Isabella Andreini, lous <strong>de</strong>ux comédiens et auleurs<br />
(1603); Francesco a composé, entre autres<br />
ouvrages, les Bi avacheries du capitaine Spa-<br />
vente, que Jacques <strong>de</strong> Fonteny traduisit en français<br />
dans l’année 1608. Mais le plus populaire<br />
<strong>de</strong> tous ces acleurs fut Arlequin (Tristano Mar-<br />
linelli), qui signait ses lettres A rlechinus,<br />
dom inus A rlechinorum , et que M. Baschet # a<br />
trouvé et fait renaître » par sa correspondance<br />
privée avec ses patrons et souverains <strong>de</strong> la maison<br />
<strong>de</strong> Gonzague; cet Arlequin pouvait se perm<br />
ettre d’appeler ia reine m a commère, laquelle<br />
<strong>de</strong> son cöté l’appelait son compère; déjà venu<br />
une première fois en France, il n’y revint qu’après<br />
<strong>de</strong>s négocialions qui durèrent <strong>de</strong>ux ans, <strong>de</strong> 1611<br />
à 1613, et auxquelles ne m anquèrent ni pourparlers,<br />
ni promesses, ni conventions, ni ratifications,<br />
rien enfin <strong>de</strong> l’appareil diplom atique; il<br />
y a <strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong> cet Arlequin, écrites sur un<br />
ton facétieux, et vraiment curieuses par leur<br />
ironie, leur sarcasme, leur vivacité bouffonne.<br />
Un troisième voyage d’Arlequ i n ( 1620) fn t encore<br />
l'occasion <strong>de</strong> relar<strong>de</strong>ments et d’intrigues,<br />
auxquels se joignaient les dissensions du personnel<br />
dram atique ; tout ce récit est fait par<br />
M. Baschet avec autant d’espritet <strong>de</strong> verve que <strong>de</strong><br />
soin et <strong>de</strong> savoir. La <strong>de</strong>rnière compagnie dont<br />
l’érudit ait trouvé la trace certaine dans les<br />
documents consultés, dut arriver à Paris à la fin<br />
<strong>de</strong> l’année 1624.<br />
Le VIIe volume <strong>de</strong> l’édition <strong>de</strong> Molière, publiée<br />
par M. Paul Mesnard, dans la' collection <strong>de</strong>s<br />
« Grands Ecrivains <strong>de</strong> la France », renferme<br />
l'A vare, M onsieur <strong>de</strong> Pourceaugnac et les<br />
A m ants m agnifiques. Le commentaire <strong>de</strong> ces<br />
trois pièces est toujours aussi complet, aussi<br />
instructif que le commentaire <strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>nts<br />
volumes On trouve dans la notice qui précè<strong>de</strong><br />
chaque pièce une foule d ’informations intéressantes;<br />
dans celle <strong>de</strong> l’A vare, par exemple,<br />
M. Mesnard compare ingénieusem ent Harpagon<br />
et l’Euclion <strong>de</strong> Plaute, discute l’opinion <strong>de</strong><br />
W. Schlegel, m ontre que « dan3 le plan <strong>de</strong> Molière<br />
tout est si bien lié, tout ressort si bien du<br />
sujet, que l’on y croît reconnaître comme un<br />
seul jet <strong>de</strong> la pensée, non un habile assemblage<br />
d’élém ents recueillis <strong>de</strong> cölé et d ’autre »; il examine<br />
les im itations qu’on peut trouver dans<br />
l'Avare, il réduit, selon sa spirituelle expression,<br />
le mém oire <strong>de</strong> cette foule <strong>de</strong> créanciers qu’on<br />
attribue à Molière, il fait l’histoire <strong>de</strong> 1 ’A vare au<br />
théâtre <strong>de</strong>puis 1668 jusqu’à nos jours. Dans la<br />
notice qu’il consacre à M. <strong>de</strong> Pourceaugnac,<br />
M. Mesnard croit assez justem ent que l’infortuné<br />
hobereau et avocat <strong>de</strong> Limoges n ’est pas une<br />
figure <strong>de</strong>ssinée par le caprice ; mais il est trop<br />
consciencieux et réfléchi pour penser, comme<br />
Eudore Soulié, que Pourceaugnac serait le premier<br />
mari <strong>de</strong> la Béjart, fils d’un bourgeois <strong>de</strong> la<br />
ville <strong>de</strong> Limoges ; ici encore, il s’élève avec raison<br />
contre les rapprochem ents et les rém iniscences<br />
que découvrent les comm entateurs dans Pourceaugnac;<br />
n’a-t-on pas disputé à Molière jusqu’à<br />
la plaisanterie <strong>de</strong>s clystères? On rem arquera<br />
dans la notice sur les A m ants m agnifiques les<br />
pages relatives à l’am our <strong>de</strong>-Ma<strong>de</strong>moiselIe et <strong>de</strong><br />
Lauzun (Eriphile et Soslrate); M. Mesnard a<br />
trouvé une origine plus simple <strong>de</strong> l'idée dram atique<br />
d'un brave soldat préféré par une princesse<br />
à <strong>de</strong>s prétendants <strong>de</strong> haute naissance; il lui<br />
semble que Molière s’est inspiré du don Sanche<br />
<strong>de</strong> Corneille (Done Isabelle et Carlos). Citons<br />
enfin la conjecture sur le personnage <strong>de</strong> Clitidas<br />
qui serait Molière lui-même, et les rem arques<br />
du savant commentateur su r la satire <strong>de</strong> l’astrologie.<br />
Dans la même collection, M. Servois a publié<br />
sur La Bruyère une notice biographique, la plus<br />
complète qu’on puisse avoir ; cette notice contient<br />
<strong>de</strong>s renseignem ents nouveaux et authentiques<br />
sur l’auteur <strong>de</strong>s Caractères, sur sa vie, su r sa<br />
famille. On saura désormais que La Bruyère<br />
n ’était pas gentilhom me d’origine; son père,<br />
Louis <strong>de</strong> La Bruyère, contröleur-général <strong>de</strong>s<br />
rentes <strong>de</strong> l’hötel-<strong>de</strong>-ville, était un bourgeois <strong>de</strong><br />
Paris; La Bruyère se considéra, selon l’usage,<br />
comme anobli par la charge <strong>de</strong> trésorier <strong>de</strong><br />
France qu’il acheta. Ed. Fournier croyait que<br />
La Bruyère avait fail un voyage en Italie; M. Servois<br />
prouve que ce voyage n’eut pas lieu, et<br />
qu’on ne peut ni regar<strong>de</strong>r La Bruyère comme un<br />
ecclésiastique (il l’aurait été quelque tem ps, dit<br />
le P. Adry), ni lui attribuer une relation manuscrite<br />
<strong>de</strong> la Bibliothèque nationale, signée<br />
l'abbé <strong>de</strong> la Bruiere. Il combat encore Ed. Fournier<br />
à propos <strong>de</strong> l’Artenice <strong>de</strong>s Caractères. Il<br />
donne la date précise <strong>de</strong> l’enlrée <strong>de</strong> La Bruyère<br />
dans ses fonctions <strong>de</strong> professeur d’histoire du<br />
jeune duc <strong>de</strong> Bourbon (15 aoûl 1684) e lle chiffre<br />
<strong>de</strong> son traitem ent (1,500 livres). Il m ontre que<br />
La Bruyère paya bel et bien <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>niers sa<br />
charge <strong>de</strong> trésorier, et non pas, comme l’avançait<br />
Ed. Fournier, qu’il l’obtinl gratuitem ent<br />
par l’intervenlion <strong>de</strong> Bossuet. Cette notice, pleine<br />
<strong>de</strong> curieux détails, a été distribuée avec un<br />
Album qui renferme les armoiries <strong>de</strong> La Bruyère,<br />
<strong>de</strong>ux portraits <strong>de</strong> l’auteur <strong>de</strong>s Caractères (d’après<br />
le tableau du Musée <strong>de</strong> Versailles et d’après<br />
Pierre Drevet), et <strong>de</strong> nombreux fac-similé d’autographes.<br />
A. C.<br />
L A V I E P É L A G I Q U E ( 1 ) .<br />
I<br />
Tel que les naturalistes l’enten<strong>de</strong>nt habituellem<br />
ent, le terme pélagique, appliqué aux êtres<br />
vivants, désigne les animaux et les plantes qui<br />
sont distribués à la surface <strong>de</strong> la mer. De même<br />
que la terre, les rivages et les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong><br />
l’Océan sont chacun habités par un ensem ble<br />
d’organism es spécialement adaptés aux conditions<br />
d’existence <strong>de</strong> ces milieux divers, <strong>de</strong> même<br />
les nappes d’eau superficielles sont peuplées<br />
par une faune et une flore caractéristiques, et<br />
les modifications <strong>de</strong> structure que présentent les<br />
êlres composant cette faune et cette flore<br />
sont <strong>de</strong>s plus intéressantes et <strong>de</strong>s plus rem arquables.<br />
La nature <strong>de</strong> la faune et <strong>de</strong> la flore pélagiques,<br />
les formes étranges qu’y revêtent les<br />
anim aux, les mœurs curieuses <strong>de</strong> ceux-ci, leur<br />
im portance zoologique et géologique seront le<br />
sujet <strong>de</strong> cette conférence. J’ai parlé tout à l’heure<br />
<strong>de</strong> la vie pélagique comme appartenant aux<br />
couches supérieures <strong>de</strong> l’Océan, parce que c’est<br />
là qu’elle paraît être le plus complètement développée<br />
; mais, comme nous le verrons par la<br />
suite, il est impossible <strong>de</strong> tracer une lim ite bien<br />
nette quant à sa distribution bathym étrique, et<br />
nous aurons même à signaler quelques connexions<br />
entre la faune <strong>de</strong>s mers profon<strong>de</strong>s et<br />
celle <strong>de</strong> la surface. La vie pélagique embrasse<br />
donc les habitants <strong>de</strong> l’Océan entier, à l’exclusion<br />
<strong>de</strong> ceux qui gar<strong>de</strong>nt le fond ou préfèrent<br />
les rivages, c’esl-à-dire les habitants d’une aire<br />
égale aux trois quarts <strong>de</strong> la superficie du globe.<br />
Et nous nous ferons une idée plus juste encore<br />
<strong>de</strong> son im portance, si nous réfléchissons que,<br />
sous le rapport du nombre, les animaux pélagiques<br />
dépassent probablement tous les autres<br />
existanls. L’abondance extraordinaire <strong>de</strong> la vie,<br />
telle qu’on peut l'observer parfois à la surface<br />
<strong>de</strong> la m er, lorsque, par exemple, celle-ci est<br />
littéralem ent rem plie d ’organismes microscopiques,<br />
au point d’en changer <strong>de</strong> couleur, a<br />
souvent été décrite par les voyageurs, mais je<br />
n’ai pu arriver à m’en faire une idée exacte<br />
qu’après en avoir moi-même été témoin.<br />
L’existence <strong>de</strong>s animaux pélagiques dépend<br />
entièrem ent <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s plantes qui croissent au<br />
sein <strong>de</strong> l’Océan. Aucune vie animale ne peut<br />
subsister sans avoir pour base une nourriture<br />
végétale, et la prem ière substance vivante doit<br />
avoir été capable d’extraire, pour son usage, la<br />
protéine <strong>de</strong> sources inorganiques et avoir, par<br />
conséquent, été physiologiquement une plante.<br />
Néanmoins, en beaucoup d’endroits, la surface<br />
<strong>de</strong> la m er semble être dépourvue <strong>de</strong> toute végétation.<br />
Dans les régions polaires, les eaux fourm<br />
illent <strong>de</strong> Diatomées, et celles-ci se présentent<br />
quelquefois avec une telle profusion que l’étément<br />
liqui<strong>de</strong> prend la consistance d’une bouillie.<br />
Comme Sir Joseph H ookerl’a dém ontré, les icebergs<br />
venant du pöle antarctique en cè<strong>de</strong>nt<br />
souvent <strong>de</strong>s quantités si considérables aux<br />
vagues, qui les lèchent, que l’eau en acquiert<br />
une teinte brune. Lorsqu’on y lance un<br />
filet <strong>de</strong> texture délicate, elles le rem plissent<br />
d’une masse gélatineuse et laissent,<br />
quand on les presse dans la main, leurs sque-<br />
( 1 ) D iscou rs prononcé à l'A ssociation britannique pour<br />
l ’avancem ent <strong>de</strong>s sciences (session <strong>de</strong> Southam pton), le 28 août<br />
<strong>1882</strong>, p ar M . H . N . M oseley( professeur d ’anatom ie hum aine<br />
et com parée à l’U n iversité d 'O xford . — T raduction <strong>de</strong><br />
L D o llo, a <strong>de</strong> naturaliste au M usée royal d'H istoire N a tu<br />
relie <strong>de</strong> Belgique.