1882 - Université Libre de Bruxelles
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22G<br />
d’Avesnes. Cette limitation à la liberté <strong>de</strong> donner<br />
<strong>de</strong>s biens, coïncidant avec une diminution<br />
dans l’exaltation religieuse qui avait caractérisé<br />
la prem ière m oitié du XIIIe siècle, paraît avoir<br />
contribué à placer quelques-unes <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />
abbayes dans une situation peu prospère.<br />
E n général les communautés <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> Saint-<br />
Benoît et <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> Cîteaux per<strong>de</strong>nt alors leur<br />
ancien éclat et leur prem ière importance. Ils ne<br />
constituent plus, comme autrefois, <strong>de</strong>s centres d’activité<br />
littéraire, et leurs écoles cessent d ’alim enter<br />
le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s savants et <strong>de</strong>s écrivains. Stavelot,<br />
W aulsort, Saint-H ubert, Gembloux, etc. végètent<br />
oubliés ; Saint-G hislain tombe <strong>de</strong> plus en plus dans<br />
la dépendance <strong>de</strong>s comtes <strong>de</strong> H ainaut; Vlierbeek<br />
est pillé p ar les bourgeois <strong>de</strong> Louvain, et la ferme<br />
<strong>de</strong> l'abbaye <strong>de</strong> Saint-Amand, à Escaupont, brûlée<br />
p ar ceux <strong>de</strong> Valencienues ; au Val-Saint-Lam bert<br />
les religieux se séparent, et le chapitre général <strong>de</strong><br />
l’ordre <strong>de</strong> Cîteaux se voit, en 1280, dans l ’obligation<br />
d'inviter leur chef à les rappeler autour <strong>de</strong> lui,<br />
parce que leur dispersion d'après le chapitre, porte<br />
atteinte à la réputation <strong>de</strong> l ’Ordre. C’est ailleurs que<br />
dans ces vieilles retraites que l ’Eglise trouve ses<br />
milices les plus dévouées et les plus actives Les<br />
Frères m ineurs et les Dominicains surtout rivalisent<br />
d’ar<strong>de</strong>ur, ceux-ci pour combattre l ’hérésie,<br />
ceux-là pour m oraliser les classes pauvres. Les uns<br />
et les autres acquièrent par la confession une si<br />
gran<strong>de</strong> influence que le clergé séculier s’en alarme<br />
et souvent les écarte autant que possible. Il faut<br />
lire, dans le traité <strong>de</strong> Cantimpré, <strong>de</strong> A pibus, avec<br />
quelle sévérité ces moines mendiants, voués à l’austérité<br />
la plus absolue, signalent leurs adversaires<br />
comme adonnés au luxe, à la dissipation, à tous les<br />
plaisirs. Considéré à ce point <strong>de</strong> vue, son livre constitue<br />
un véritable pamphlet, où l’on trouve p arfois<br />
<strong>de</strong>s indications curieuses... La lutte se term ina<br />
p a r le triom phe <strong>de</strong>s ordres m endiants.<br />
Malheureusement les sources d’information<br />
pour l’histoire <strong>de</strong> ces ordres font souvent défaut,<br />
aussi bien que les renseignem ents sur la vie<br />
d’un grand nom bre <strong>de</strong> religieux, <strong>de</strong> dom inicains<br />
surtout qui, comme le voyageur Rubruquis<br />
et le philologue Guillaume <strong>de</strong> Moerbeke,<br />
ont laissé <strong>de</strong>s écrits im portants. Möme absence<br />
<strong>de</strong> renseignem ents précis sur les commencements<br />
<strong>de</strong> plusieurs instituts religieux qui, nés<br />
en Belgique, y ont pris un grand développem<br />
ent, comme les Frères saccites, les Bégards<br />
ou Bogards, les Béguines, les Lollards ou<br />
Alexiens. M. W auters a déjà m ontré, dans l’Histoire<br />
<strong>de</strong>s environs <strong>de</strong> B ruxelles, et il rappelle<br />
ici, que l’opinion suivant laquelle il faudrait faire<br />
rem onter à Begge, la m ère <strong>de</strong> Pépin <strong>de</strong> Herstal,<br />
l’origine <strong>de</strong>s Béguines, repose su r <strong>de</strong>s documents<br />
falsifiés; c’est Lambert Le Bègue, prêtre<br />
liégeois du XIIe siècle, qu’il reconnaît comme<br />
le père spirituel <strong>de</strong> cette association. Les comm<br />
unautés <strong>de</strong> Béguines ouvraient un asile aux<br />
veuves et aux orphelines sans les obliger à <strong>de</strong>s<br />
vœux perpétuels; <strong>de</strong> là leur importance et le<br />
nom bre considérable <strong>de</strong> leurs m em bres, qui<br />
s’élevait parfois à plus <strong>de</strong> 2,000. Les Béguines<br />
se livraient une partie <strong>de</strong> la journée au travail<br />
manuel. « Il se produisit alors une situation que<br />
l ’on a vue se présenter <strong>de</strong> nos jo u rs: dans<br />
plusieurs villes les travailleurs libres se plaignirent<br />
<strong>de</strong> la concurrence qui leur était faite<br />
par les corporations religieuses. Celles-ci, vivant<br />
dans d’autres conditions économ iques, exemptes<br />
<strong>de</strong>s charges <strong>de</strong> toute espèce qui pesaient sur les<br />
laïques, se virent l’objet <strong>de</strong> plaintes am ères;<br />
elles furent forcées d’accepter, pour leur travail,<br />
<strong>de</strong>s conditions déterminées par les m agistrats<br />
<strong>de</strong>s villes et les chefs <strong>de</strong>s gil<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la drap erie ».<br />
Les Bogards, association masculine organisée<br />
su r le même modèle et formée surtout <strong>de</strong> tisserands,<br />
durent payer, comme les Béguines, les<br />
mêm es taxes que les autres artisans.<br />
L’ATHENÆUM BELGE<br />
Au cours <strong>de</strong>s considérations qu’il émet, dans<br />
le chapitre III, relativem ent à l’influence exercée<br />
par la France et l’A ngleterre, M. W auters<br />
est conduit à s’occuper <strong>de</strong> l’introduction du<br />
flamand dans les actes publics. L’adoption du<br />
flamand est <strong>de</strong> beaucoup postérieure à celle du<br />
français : on trouve le français employé tout au<br />
commencement du XIIIe siècle; le flamand<br />
n ’apparaît que dans la secon<strong>de</strong> m oitié. Les<br />
chartes plus anciennes qui figurent dans les<br />
recueils rédigés en ce <strong>de</strong>rnier idiome ne sont<br />
que <strong>de</strong>s traductions <strong>de</strong> textes latins. Citons aussi<br />
dans le même chapitre les pages intéressantes<br />
consacrées à une nouvelle et précieuse source<br />
d’informations qui date du XIIIe siècle, la lettre<br />
féodale (leenbrief), aux modifications qui s’introduisent<br />
dans le système féodal, au service<br />
m ilitaire.<br />
M. W auters attribue pour une gran<strong>de</strong> part la<br />
désorganisation <strong>de</strong> la féodalité à l’introduction,<br />
dans les arm ées,d’élém ents qui lui étaient étrangers<br />
: peu à peu, en effet, le r öle m ilitaire <strong>de</strong> la<br />
chevalerie, « qui n ’est en réalité que la féodalité<br />
vivifiée par un esprit plus généreux », tend à<br />
dim inuer et à s’effacer <strong>de</strong>vant trois élém ents<br />
entrés successivement dans la composition <strong>de</strong>s<br />
armées et puisés <strong>de</strong> préférence dans les bourgeoisies<br />
: l’infanterie (contingent <strong>de</strong>s corps <strong>de</strong><br />
m étiers <strong>de</strong>s villes renforcés souvent <strong>de</strong>s contingents<br />
fournis par les villages), les corps spéciaux<br />
d’archers et d’arbalétriers, les corps<br />
d’ingénieurs (ou directeurs <strong>de</strong> m achines <strong>de</strong><br />
siège, plus tard l’artillerie).<br />
L’infanterie communale ou <strong>de</strong>s m étiers apparaît<br />
dès le XIIIe siècle, notam m ent à la bataille<br />
<strong>de</strong> Bouvines (1213) et pendant la guerre <strong>de</strong><br />
W oeringen. Mais les villes équipent aussi <strong>de</strong> la<br />
cavalerie. L’usage <strong>de</strong> l’arbalète s’étend ; les bourgeois<br />
qui s’exercent au m aniem ent <strong>de</strong> cette<br />
arm e se constituent en gil<strong>de</strong>s, auxquelles les<br />
m agistrats municipaux accor<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s avantages<br />
spéciaux et <strong>de</strong>s émoluments à charge <strong>de</strong> fournir<br />
au besoin un nom bre déterm iné d’arbalétriers<br />
pour la défense <strong>de</strong> la ville ou le service militaire<br />
du prince. Un <strong>de</strong>s plus anciens exemples d’innovation<br />
<strong>de</strong> ce genre que l’on connaisse est l’organisation,<br />
en 1266, <strong>de</strong> la gil<strong>de</strong> ou serm ent <strong>de</strong><br />
Namur. Vers la fin du XIIIe siècle, les conventions<br />
réglant le service m ilitaire se m ultiplient :<br />
tantöt, il s’agit d’un détachement <strong>de</strong> troupes à<br />
fournir chaque année dans <strong>de</strong>s cas déterm inés,<br />
tantôt d’hommes à envoyer à un allié. De cette<br />
organisation sortira la puissante infanterie <strong>de</strong>s<br />
communes du XVIe siècle. T. E.<br />
C O R R E S P O N D A N C E L I T T E R A I R E D E P A R I S .<br />
Bournet, Venise, notes p rises dans la bibliothèque<br />
d'un v ie u x V énitien. Plon. — Parkm an, Les<br />
Jésuites dans l'A m ériq u e d u N o rd au XVIIe siècle,<br />
traduit par Mme <strong>de</strong> C lerm ont-Tonnerre. Didier. —<br />
L’abbé Fabre, L a Jeunesse <strong>de</strong> Fléchier. Didier. —<br />
De Magnienville, L e M aréchal d ’H um ières et le<br />
gouvernem ent <strong>de</strong> Compiègne. Plon. — Campardon,<br />
Les P rodigalités d ’u n ferm ier-g én éra l. Charavay.<br />
— Nauroy, Le Secret <strong>de</strong>s Bourbons. Charavay. —<br />
Gilbert T hierry, L e C apitaine Sans-F açon. Charavay.<br />
— Ernest Dau<strong>de</strong>t, M on frère et m oi. Plon. —<br />
Macaulay, Essais, tome VI, trad . par Guill. Guizot.<br />
Calmann Lévy. — Edmond Scherer, Etu<strong>de</strong>s su r la<br />
littérature contem poraine, vol. V II. Calmaun Lévy.<br />
L’ouvrage <strong>de</strong> M. Bournet sur Venise est une<br />
ingénieuse et fort intéressante compilation.<br />
Il comprend trois parties; dans la prem ière,<br />
Voyageurs illustres à Venise, M. Bournet rapporte<br />
les témoignages <strong>de</strong> Montaigne, <strong>de</strong> J. J. Rousseau,<br />
du prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> Brosses, <strong>de</strong> Gœthe, <strong>de</strong><br />
Byron, etc. su r la cité <strong>de</strong>s doges ; la <strong>de</strong>uxièm e<br />
partie, intitulée Le Passé, expose, d’après Taine<br />
et Ph. Chasles (l’Arétin et le Titien), la physionomie<br />
<strong>de</strong> Venise au XVIe siècle, d’après Saint-<br />
Didier et Amelot <strong>de</strong> la tloussaye, le commencement<br />
<strong>de</strong> la déca<strong>de</strong>nce au XVIIe siècle, d’après<br />
Casanova, le « carnaval » du XVIIIe siècle.; la<br />
troisièm e partie du volum e est consacrée à la<br />
peinture vénitienne. On pourrait reprocher à<br />
l’auteur d ’avoir oublié dans la prem ière partie<br />
du livre les noms <strong>de</strong> Henri III, d’Addison, <strong>de</strong><br />
Roland <strong>de</strong> la P latière; mais cet ouvrage ou,<br />
comme l’auteur le nomme, ce recueil <strong>de</strong> notes<br />
est très agréable à lire; M. Bournet a fait un<br />
très beau et très riche choix <strong>de</strong> citations.<br />
On ne saurait trop rem ercier la librairie Didier<br />
d’avoir édité, et Mme la comtesse <strong>de</strong> Clerm<br />
ont-T onnerre d’avoir traduit l’ouvrage <strong>de</strong><br />
M. Francis Parkm an s u t les Jésuites dans l ’A m érique<br />
du Nord au XVIIe siècle. Laissons <strong>de</strong> cöté<br />
toute idée <strong>de</strong> parti, et n’attachons pas au mot<br />
jésuites le sens que beaucoup lui donnent aujourd’hui.<br />
Quels hommes intrépi<strong>de</strong>s, héroïques,<br />
que ce P. Lejeune, ce P. B rébœ uf et les autres<br />
qui fon<strong>de</strong>nt la mission huronne, qui bravent les<br />
neiges, les glaces, les tortures, les plus horribles<br />
périls pour convertir quelques sauvages au<br />
christianism e! Quoi <strong>de</strong> plus saisissant que<br />
l’odyssée <strong>de</strong> ces m issionnaires qui s’enfoncent<br />
dans une contrée inconnue, mais où ils sont certains<br />
<strong>de</strong> rencontrer les féroces Iroquois, et qui,<br />
au milieu même <strong>de</strong>s plus cruels tourm ents, tandis<br />
qu’on les attache à <strong>de</strong>s pieux et qu’on leur<br />
place sur le corps <strong>de</strong>s charbons ar<strong>de</strong>nts, n e so n <br />
gent qu’à louer Dieu et à convertir leurs persécuteurs<br />
! Quel dram atique tableau M Parkm an<br />
nous a fait, non seulem ent du courage et <strong>de</strong><br />
l’abnégation <strong>de</strong> ces pieux jésuites, mais <strong>de</strong> la<br />
vie même <strong>de</strong>s Algonquins, <strong>de</strong>s Hurons et <strong>de</strong> la<br />
confédération iroquoise, <strong>de</strong> leurs superstitions<br />
grossières, <strong>de</strong> leurs atrocités révoltantes ! Les<br />
luttes <strong>de</strong>s nations civilisées nous intéressent-<br />
elles autant que la guerre d’exterm ination poursuivie<br />
avec tant <strong>de</strong> ténacité et d ’intelligence par<br />
les Iroquois contre les Hurons ? L’émotion q u ’on<br />
éprouve en lisant dans Thucydi<strong>de</strong> la fin lamentable<br />
<strong>de</strong> l’expédition <strong>de</strong> Sicile et l’épouvantable<br />
déroute <strong>de</strong>s Athéniens brûlant <strong>de</strong> soif et traqués<br />
par les Syracusains, ne la ressent-on pas en<br />
lisant dans M. Parkman le récit <strong>de</strong> la <strong>de</strong>struction<br />
<strong>de</strong> la race huronne, décimée par la faim, par la<br />
maladie, surtout par les implacables Iroquois?<br />
Et pourtant, au milieu <strong>de</strong>s horreurs et <strong>de</strong>s affreux<br />
forfaits <strong>de</strong> ces sauvages, n’est-on pas surpris <strong>de</strong><br />
rencontrer parfois quelque trait sublim e, quelque<br />
acte magnanime? Quelle belle scène que celle<br />
<strong>de</strong> la paix, lorsqu’au fort <strong>de</strong>s Trois-Rivières,<br />
Hurons et Iroquois, ces ennemis acharnés, se<br />
jurent sincèrem ent une éternelle am itié, lorsque<br />
l’Iroquois Kiotsuton déploie sa ceinture <strong>de</strong><br />
wam pum s et prononce, en l’entrem êlant. <strong>de</strong><br />
chant et <strong>de</strong> danses, un éloquent discours qui<br />
transporte les jésuites d’adm iration! Mais les<br />
jésuites qui donnent le titre au volume sont les<br />
héros <strong>de</strong> M. Parkm an; c’est à eux qu’il rend<br />
hommage; s’il blâme parfois leur can<strong>de</strong>ur et leur<br />
exaltation, il loue leur constance, leur vaillance,<br />
leur renoncem ent; et M. Parkm an ne peut être<br />
suspecté <strong>de</strong> partialité, car il est protestant.<br />
On a <strong>de</strong> tout temps distingué dans Fléchier<br />
<strong>de</strong>ux hommes : le m ondain et l’ecclêsiastique,<br />
le bel esprit et l’orateur, le galant abbé fécond<br />
en petits vers et en spirituelles épîtres et l’évêque<br />
grave et austère, l’auteur <strong>de</strong>s Mémoires sur<br />
les grands jours d ’Auvergne et le panégyriste<br />
éloquent <strong>de</strong> la Dauphine, <strong>de</strong> Montausier et <strong>de</strong><br />
Turenne. M. l’abbé Fabre s’est attaché- au p re <br />
m ier <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux Fléchier ; c’est la jeunesse du<br />
futur évêque qu’il nous raconte dans un ouvrage<br />
que l’Académie française vient <strong>de</strong> couronner.<br />
Deux volumes, c’est peut-être trop pour le<br />
sujet, et M. Fabre ne les a rem plis qu’en gon-