1882 - Université Libre de Bruxelles
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L’ATHENÆUM BELGE<br />
BUREAUX :<br />
R U E D E L A M A D E L E I N E , 26, A B R U X E L L E S .<br />
S o m m a ir e . — La Belgique à la fin du XIIIe siècle,<br />
d’après M. Alph. W aulers. I. — Correspondance<br />
littéraire <strong>de</strong> Paris. — Fouilles <strong>de</strong> la Société<br />
archéologique <strong>de</strong> N am ur, en 1880. III — Jules<br />
César et les Eburons. — L'Institut <strong>de</strong> droit international.<br />
— Chronique. — Sociétés savantes. —<br />
Bibliographie.<br />
O U V R A G E S N O U V E A U X .<br />
Table chronologique <strong>de</strong>s chartes et diplöm es<br />
im p rim és concernant l’histoire <strong>de</strong> la B elgique,<br />
par Alphonse W auters. Introduction<br />
au tom e VI. <strong>Bruxelles</strong>, Hayez, 1881. CVIII p.<br />
in-4°.<br />
I.<br />
Les introductions dont M. W auters a enrichi<br />
chacun <strong>de</strong>s volumes <strong>de</strong> la Table <strong>de</strong>s chartes et<br />
diplömes constituent <strong>de</strong>s sources d’une gran<strong>de</strong><br />
im portance pour l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> la Belgique<br />
au moyen âge. Bien <strong>de</strong>s faits nouveaux<br />
y sont révélés; d’autres, peu connus ou mal<br />
interprétés, sont exposés sous leur véritable<br />
jo u r; mais ce qui assure particulièrem ent une<br />
haute valeur à ces travaux, ce sont les vues<br />
neuves et intéressantes que le savant éditeur a<br />
émises sur les hommes et les institutions, à la<br />
lum ière <strong>de</strong>s actes qu’il analyse. Nul mieux que<br />
lui n’a fait saisir l’utilité <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> raisonnée<br />
<strong>de</strong>s chartes et <strong>de</strong>s diplömes ; nul n ’a indiqué<br />
plus sûrem ent les moyens d’en faire un emploi<br />
judicieux, d’en vérifier l’authenticité. Pénétré,<br />
par une longue pratique, <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>s<br />
ressources que les actes fournissent à l’historien,<br />
il insiste à chaque pas sur la nécessité d’une critique<br />
sévère, signale l’usage abusif qui a été<br />
fait <strong>de</strong> ces documents, les falsifications dont ils<br />
ont été l’objet, les méprises auxquelles <strong>de</strong> fausses<br />
interprétations ont donné lieu, les erreurs<br />
inconscientes ou calculées qui arrêteront parfois<br />
l’historien, mais sans l’égarer, car les difficultés<br />
qu’elles font naître peuvent être résolues<br />
par une comparaison attentive.<br />
A part ces difficultés, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s diplömes<br />
fournit au chercheur <strong>de</strong>s trésors inépuisables<br />
pour arriver à la connaissance du moyen âge.<br />
« On possè<strong>de</strong> déjà, rien que pour le XIIIe siècle,<br />
plus <strong>de</strong> 12,000 diplômes, conventions, lettres,<br />
qui se rattachent à tous les événements im portants<br />
<strong>de</strong> l’époque ou y font sortir <strong>de</strong> l’oubli<br />
toutes les personnalités <strong>de</strong> valeur. Le sim ple<br />
rapprochem ent <strong>de</strong> quelques pièces et l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
phrases par lesquelles elles débutent attirent<br />
l’attention sur les pensées qui germ aient dans<br />
les esprits. Parfois l’étincelle jaillit du point où<br />
elle sem blait le moins <strong>de</strong>voir paraître. »<br />
Plus d’un exemple curieux <strong>de</strong>s lum ières que<br />
les diplömes contribuent à jeter sur l'histoire <strong>de</strong><br />
la Belgique au XIIIe siècle est fourni par l’Introduction<br />
au tome VI. Les récits <strong>de</strong>s chroniqueurs<br />
J o u r n a l u n iv e r sel d e la L itté r a tu r e , d e s S c ie n c e s e t d e s<br />
Arts. P A R A IS S A N T L E 1 er E T L E 15 D E C H A Q U E M O IS .<br />
<strong>de</strong> cette époque, peu nombreux d’ailleurs, sont<br />
très concis. Cette concision, rem arque M. Wauters,<br />
est désespérante, parce que quels que<br />
soient le nom bre et l’im portance <strong>de</strong>s documents<br />
officiels, ces <strong>de</strong>rniers ne suppléent jam ais à<br />
l’anim ation que l’on rencontre d’ordinaire dans<br />
un récit. Ainsi Villehardouin et Joinville et, à<br />
un <strong>de</strong>gré moins élevé, Mathieu Pàris, Albéric,<br />
Gilles d’Orval, Hocsem, Van Heelu, Van Velthem<br />
et quelques autres écrivains constituent <strong>de</strong>s<br />
gui<strong>de</strong>s très précieux; seulement, les uns ne<br />
s’occupent <strong>de</strong> la Belgique qu’inci<strong>de</strong>mment, les<br />
autres ne m ettent que quelques faits en lum ière<br />
ou, après avoir raconté une série <strong>de</strong> faits, se<br />
taisent sans avoir <strong>de</strong> continuateurs. Dans les<br />
siècles suivants, les auteurs qui, voulant suppléer<br />
à leur silence, se sont montrés plus prolixes,<br />
ont commis une gran<strong>de</strong> quantité d’erreurs qui<br />
ont égaré ceux qui les ont suivis. Dans l’Introduction<br />
au tome IV <strong>de</strong> la Table chronologique,<br />
M. W auters a déjà signalé les inexactitu<strong>de</strong>s qui<br />
déparent l’œ uvre <strong>de</strong> Jean d ’Outre-Meuse et celle<br />
d’Ou<strong>de</strong>gherst ; dans sa Notice sur le duc<br />
H enri III <strong>de</strong> Brabant et dans les Bulletins <strong>de</strong><br />
l'Académ ie royale <strong>de</strong> Belgique, il a montré Jacques<br />
<strong>de</strong> Guyse entrem êlant <strong>de</strong>s aventures rom anesques<br />
au récit <strong>de</strong>s querelles entre les fils <strong>de</strong><br />
Jeanne <strong>de</strong> Constantinoplè (épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Ronds).<br />
Ici la science diplomatique, si elle ne remplace<br />
pas complètement l’histoire ou chronique, permet<br />
au m oins <strong>de</strong> rétablir les faits dans leur véritable<br />
jour. L’impitoyable chronologie et <strong>de</strong>s textes positifs<br />
rejettent au rang <strong>de</strong>s fables les assertions qui<br />
ne sont pas appuyées par <strong>de</strong>s témoignages contemporains.<br />
Si la biographie <strong>de</strong> Henri Ier, duc <strong>de</strong> B rabant,<br />
ne nous est présentée que par <strong>de</strong>s écrivains<br />
hennuyers ou liégeois, disposés à blâm er ses actes<br />
plutöt qu’à les approuver, plusieurs centaines <strong>de</strong><br />
diplömes perm ettent <strong>de</strong> suivre l ’action considérable<br />
que ce prince exerça pendant plus <strong>de</strong> soixante ans<br />
(1172-1235) et la transform ation que subit alors son<br />
duché, où la liberté <strong>de</strong>vait plus tard s’asseoir sur<br />
<strong>de</strong> si belles et <strong>de</strong> si gran<strong>de</strong>s chartes. Si le nom <strong>de</strong><br />
M arguerite <strong>de</strong> Constantinople ne nous est parvenu<br />
que chargé <strong>de</strong> malédictions, un nombre plus considérable<br />
encore d’actes nous la m ontre aussi, pendant<br />
plus <strong>de</strong> trente-cinq ans, s’occupant avec sollicitu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s intérêts <strong>de</strong> ses sujets flamands et hennuyers,<br />
sans que rien paraisse justifier le sobriquet <strong>de</strong><br />
M arguerite la N oire qu’on lui donna <strong>de</strong>puis. E nfin,<br />
pour connaître le duc <strong>de</strong> B rabant, Jean Ier, il ne<br />
suffit pas <strong>de</strong> parcourir l’épopée <strong>de</strong> Jean Van Heelu,<br />
qui n’embrasse que la durée <strong>de</strong> la guerre <strong>de</strong> Lim <br />
bourg, il faut encore éclairer les chants trop courts<br />
<strong>de</strong> Van Velthem et <strong>de</strong> Boendael par les diplömes<br />
<strong>de</strong> ce prince, enfouis dans les archives du Brabant<br />
et <strong>de</strong>s villes du Rhin et que Butkens, E rnst et W illems<br />
ont fructueusement analysés.<br />
Le même fait se rem arque en ce qui concerne les<br />
autres princes qui ont joué un r ôle capital en Belgique<br />
: les comtes <strong>de</strong> Hollan<strong>de</strong>, Guillaume et Florent<br />
V, Renaud <strong>de</strong> Gueldre, les évêques <strong>de</strong> Liège,<br />
Jean d Avesnes, comte <strong>de</strong> H ainaut, et d ’autres. Dans<br />
son H istoire du L im bourg, le savant E rnst a<br />
m ontré tout ce que l’on peut retirer <strong>de</strong> l’examen<br />
<strong>de</strong>s chartes, et, dans ses M émoires s u r les lois <strong>de</strong>s<br />
Gantois, Diericx, grâce au même procédé, a jeté<br />
un jo u r complet sur cette interm inable querelle <strong>de</strong>s<br />
Trente-neuf <strong>de</strong> Gand contre Guy <strong>de</strong> Dam pierre, qui<br />
PRIX D’ABONNEM ENT :<br />
Belgique, 8 fr. par an; étranger (union postale), 10 fr,<br />
forme eu quelque sorte le prologue <strong>de</strong> la terrible<br />
lutte <strong>de</strong>s Flam ands et du roi Philippe le Bel.<br />
C’est en gran<strong>de</strong> partie à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> ces sources,<br />
dont il démontre l’incontestable utilité, que<br />
M. W auters a tracé, dans l’Introduction au<br />
tome VI <strong>de</strong> la Table chronologique, un tableau<br />
<strong>de</strong> la situation <strong>de</strong> la Belgique à la fin du<br />
XIIIe siècle. Ce travail comprend sept chapitres :<br />
I. Coup d’œil sur la situation <strong>de</strong> la Belgique à<br />
la fin du XIIIe siècle; <strong>de</strong> l’emploi que l’on a fait<br />
alors <strong>de</strong>s actes pour appuyer une revendication<br />
territoriale; exemple scandaleux <strong>de</strong> falsification<br />
<strong>de</strong> titres. — II. Les diplömes constituent l’unique<br />
source où l’on trouve un écho <strong>de</strong> quelques idées<br />
hardies; modifications qui s’introduisent dans<br />
la situation <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s abbayes; insuffisance<br />
<strong>de</strong> nos connaissances sur l’origine et les progrès<br />
<strong>de</strong> quelques ordres religieux. — III. Modifications<br />
dans la géographie politique et les<br />
institutions féodales <strong>de</strong> la Belgique; du service<br />
m ilitaire fourni aux princes, tant p a r les nobles<br />
que par les habitants <strong>de</strong>s villes. — IV. Puissance<br />
et richesse <strong>de</strong>s com m unes; influence <strong>de</strong>s<br />
gil<strong>de</strong>s com m erçantes; formation, d ans le sein <strong>de</strong><br />
certaines d’entre elles, d’associations do patriciens<br />
ou notables; prem ières luttes entre elles<br />
et les m étiers. Modifications qui s’introduisent<br />
dans les m agistratures locales. Les lettres échevinales<br />
ouvrent une nouvelle série d ’informations<br />
historiques. — V. Modifications que subit<br />
la vie rurale. — VI. Situation économique du<br />
pays. — VII. Tendances générales qui se manifestent<br />
à la fin du XIIIe siècle. Développement du<br />
commerce et <strong>de</strong> l’industrie. Travaux <strong>de</strong> tout<br />
genre entrepris. État <strong>de</strong>s arts et <strong>de</strong> la littérature.<br />
Mœurs, fêtes et établissem ents charitables.<br />
Conclusion.<br />
Comme on le voit, le travail <strong>de</strong> M. W auters<br />
embrasse à la fois la situation politique et l ’état<br />
social, et nous ne pouvons songer à l’analyser.<br />
Nous nous bornerons à indiquer quelques points<br />
qui nous paraissent m ériter particulièrem ent<br />
l’attention.<br />
Dans le chapitre II , où il s’occupe <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s<br />
abbayes, M. W auters recherche les causes qui<br />
ont arrêté le développement <strong>de</strong> ces puissantes<br />
corporations. Les princes, voyant passer entre<br />
les mains <strong>de</strong>s prêtres et <strong>de</strong>s religieux un grand<br />
nombre <strong>de</strong> fiefs qui, pour la plupart, se transformaient<br />
en censives et pour lesquels on réclamait<br />
une exemption absolue <strong>de</strong> l’obligation <strong>de</strong><br />
payer les impöts, subordonnèrent leur consentem<br />
ent au paiement d’une somme d’argent, compensation<br />
<strong>de</strong> la perte que la donation faisait<br />
éprouver au domaine ou au trésor du souverain :<br />
c’est ce que l’on appelait am ortir un bien ou le<br />
convertir en bien <strong>de</strong> mainmorte. En France,<br />
cette règle est confirmée par un édit du<br />
1er novembre 1291 ; elle est prescrite en Flandre<br />
par Marguerite et Guy <strong>de</strong> Dampierre, introduite<br />
en Brabant par Jean 1er, en Hainaut sous Jean