1882 - Université Libre de Bruxelles
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école particulière, où les élèves pouvaient venir<br />
s’exercer entre eux (voir Baes, passim, et notam <br />
ment p. 139). Les académies, les vraies écoles<br />
s’ouvrirent en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s gil<strong>de</strong>s. Tandis que<br />
ces innovations se répandaient, celles-ci continuaient<br />
à s’appauvrir par <strong>de</strong>s procès dispendieux<br />
; chacune d’elles s’obstinait à se réserver<br />
le monopole <strong>de</strong> la vente dans la ville où elle était<br />
établie, s’efforçant d’exclure les étrangers, les<br />
peintres attachés à la cour, d’empêcher les exhibitions<br />
d’œuvres faites ailleurs, <strong>de</strong> rendre plus<br />
difficile, plus onéreux l’octroi <strong>de</strong> la maîtrise.<br />
L’histoire <strong>de</strong>s gil<strong>de</strong>s artistiques consisterait<br />
donc, pour une bonne part, dans l’exposé <strong>de</strong>s<br />
violations subies par leurs statuts dans l’intérêt<br />
<strong>de</strong> l’art, au profit <strong>de</strong>s grands artistes. Il y aurait<br />
par conséquent grand péril à rentrer dans la<br />
voie qu’elles ont parcourue et qui fut souvent<br />
rem plie pour elles <strong>de</strong> déceptions.<br />
M. Baes appartient à l’école qui voit un abîme<br />
entre la peinture antique et la peinture du<br />
moyen âge. « Non seulem ent, dit-il, il est dém<br />
ontré que les prem iers chrétiens créèrent une<br />
formule artistique nouvelle en opposition absolue<br />
avec celles <strong>de</strong> la peinture et <strong>de</strong> la sculpture<br />
païennes, mais il est aisé <strong>de</strong> se convaincre<br />
que, dans le Nord, l’art du moyen âge entier<br />
procè<strong>de</strong> d’un même plan religieux, la tradition<br />
chrétienne, et s’édifie sur <strong>de</strong>s données placi<strong>de</strong>s,<br />
chastes, un peu ascétiques, alliées à un naïf et<br />
sincère réalism e. » Rien n’est essentiel comme<br />
<strong>de</strong> faire ressortir ce q u ’il y a d’erroné et même<br />
<strong>de</strong> contradictoire dans cette phrase. La peinture<br />
chrétienne, au contraire, est une continuation<br />
manifeste <strong>de</strong> l’art antique, mais un autre sentiment<br />
la dom ine; quan ta l’art du Nord, s’il est<br />
profondément chrétien, profondém ent religieux<br />
au moyen âge, c’est comme l’art du Midi : Cima-<br />
buc, Giolto et, plus tard, Fra Angelico ne diffèrent<br />
pas sous ce rapport <strong>de</strong> Jean Van Eyck ou<br />
<strong>de</strong> Van<strong>de</strong>r W ey<strong>de</strong>n, avec cette nuance cependant<br />
que ce sont ceux-ci, ces artistes prétendû-<br />
m ent si froids du Nord, qui les prem iers ont<br />
peint <strong>de</strong>s sujets tels que Adam et Eve sans vêtem<br />
ents. Bethsabée au bain et d’autres nudités,<br />
dont, à la même époque, les annales <strong>de</strong> l’art<br />
italien no fournissent pas d ’exemples, si j’ai<br />
bonne mémoire.<br />
M. Bacs a donné à son travail un titre particulier<br />
: La peinture flam an<strong>de</strong> et son enseignem<br />
ent sous le régim e <strong>de</strong>s confréries <strong>de</strong> S a in t-<br />
Luc. Or, ce titre, auquel les commissaires<br />
désignés par l’Académie n’ont fait aucune<br />
objection, est inexact <strong>de</strong> tout point. L’art <strong>de</strong> la<br />
peinture ne vivait pas en Belgique sous le<br />
régime <strong>de</strong>s confréries <strong>de</strong> Saint-Luc, il vivait<br />
sous celui <strong>de</strong>s corps <strong>de</strong> m étiers, rarem ent composés<br />
uniquem ent <strong>de</strong> peintres ; il n’y avait<br />
qu’exceptionnellem ent, comme à Anvers, <strong>de</strong>s<br />
confréries placées sous l’invocation <strong>de</strong> l’apötre-<br />
artiste. A <strong>Bruxelles</strong>, qui <strong>de</strong>puis le xve siècle<br />
disputa à Anvers la gloire d’être un <strong>de</strong>s centres<br />
<strong>de</strong> l’écolc, la ville où vécurent Van<strong>de</strong>r Wey<strong>de</strong>n,<br />
Van Orley, Otto Venins, Teniers, il n’en existait<br />
pas. Les peintres <strong>de</strong> Gand avaient pour patronne<br />
la Vierge (1) , ceux <strong>de</strong> Bruges pour patron<br />
saint Jcan-Baptiste (2), ceux <strong>de</strong> Tournay, saint<br />
Maur (H)<br />
La question <strong>de</strong> l’Académie était pourtant bien<br />
posée : D éterm iner le régime auquel était<br />
(x) M . B aes, p. ?.6.<br />
(2) Ibi<strong>de</strong>m .<br />
(3) Ibi<strong>de</strong>m , p. 27.<br />
L’ATH EN Æ U M BELGE<br />
soum ise la profession <strong>de</strong> peintre. Les traits<br />
connus <strong>de</strong> la biographie <strong>de</strong>s grands artistes<br />
auraient dû être surtout mis en relief. En<br />
réalité, ce sont eux qui firent m archer l’école<br />
flaman<strong>de</strong>, et non les règles plus ou moins<br />
futiles <strong>de</strong> tels ou tels corps <strong>de</strong> m étier ou gil<strong>de</strong>s.<br />
Grâce à leur talent, ils se créèrent <strong>de</strong>s situations<br />
qui leur perm irent d’ouvrir <strong>de</strong>s voies nouvelles,<br />
qui facilitèrent aux autres artistes le chemin<br />
<strong>de</strong>s honneurs et <strong>de</strong> la fortune. L’organisation <strong>de</strong><br />
la gil<strong>de</strong> reste un objet secondaire, à cöté duquel<br />
l’appréciation <strong>de</strong> l'influence <strong>de</strong>s leçons <strong>de</strong>s<br />
Van Eyck, <strong>de</strong> Mabuse, <strong>de</strong> Rubens offre un bien<br />
plus grand intérêt. Le m étier naît d’abord, puis<br />
il se forme <strong>de</strong>s confréries <strong>de</strong> Saint-Luc; enfin,<br />
quand l’insuffisance <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières est bien<br />
constatée, quand elles se bornent à faire célébrer<br />
<strong>de</strong>s messes, à organiser <strong>de</strong>s banquets et à soutenir<br />
<strong>de</strong>s procès, on les remplace par <strong>de</strong>s<br />
écoles et <strong>de</strong>s académies.<br />
M. Baes a donc modifié les term es <strong>de</strong> la<br />
question, et son mémoire s’en ressent. Il n’y<br />
règle pas, me sem ble-t-il, l'ordre qui aurait dû<br />
y prési<strong>de</strong>r. L’ouvrage, au surplus, n ’a pas <strong>de</strong><br />
subdivisions, car on ne peut appeler <strong>de</strong> ce nom<br />
un grand nombre d’indications placées d’espace<br />
on espace, et auxquelles ne suppléent qu’im parfaitement<br />
un in<strong>de</strong>x chronologique et une table<br />
alphabétique <strong>de</strong>s matières.<br />
Le travail <strong>de</strong> M. Baes renferm e incontestablement<br />
<strong>de</strong> bonnes idées et <strong>de</strong>s vues d ’une justesse<br />
indéniable. Ses plaintes sur la déca<strong>de</strong>nce dont<br />
nous sommes menacés, sur l’accroissem ent <strong>de</strong>s<br />
oeuvres m édiocres sont fondées,m ais les moyens<br />
préconisés seraient-ils efficaces? Pense-t-on<br />
avoir tout dit lorsqu’on exalte l’action <strong>de</strong>s<br />
associations? Ce rêve <strong>de</strong> la reconstitution <strong>de</strong>s<br />
anciennes corporations sous une forme nouvelle<br />
n ’est-il pas <strong>de</strong> nature à provoquer <strong>de</strong>s illusions<br />
fâcheuses? Ne faut-il pas craindre <strong>de</strong> donner à<br />
l’esprit <strong>de</strong> coterie et d’exclusivisme <strong>de</strong>s forces<br />
nouvelles ? S’associer, c’est parfait, surtout pour<br />
celui qui, en prönant partout et toujours l'esprit<br />
d’association, réussit à se faire placer, par ses<br />
paroles plutöt que par ses œ uvres, au prem ier<br />
rang. A l p h o n s e W a u t e r s .<br />
Tlie H am ilton Palace Collection. Illustrated<br />
priced catalogue. London, Reminglon, <strong>1882</strong>,<br />
in-4°, 244 p. et 59 grav.<br />
La maison Reminglon vient <strong>de</strong> publier le catalogue<br />
illustré, avec l’indication <strong>de</strong>s prix d’achat,<br />
<strong>de</strong> la célèbre collection Hamilton, dont la vente<br />
a eu lieu, en 17 vacations, du 17 juin ait 20 juillet<br />
<strong>de</strong> cette année. Il com prend2,213 num éros;<br />
la vente a produit la somme colossale <strong>de</strong><br />
397,562 liv. st. 6 sh.Cette publication, en même<br />
temps qu'elle nous donne le nom <strong>de</strong>s acquéreurs<br />
<strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> la collection Hamilton, nous permet<br />
<strong>de</strong> nous rendre compte du goût <strong>de</strong> l’époque<br />
et <strong>de</strong> la valeur relative attachée aux diverses<br />
œ uvres d’art. L’examen <strong>de</strong>s prix semble prouver<br />
que la gran<strong>de</strong> peinture, les œ uvres sérieuses<br />
doivent m alheureusement cé 1er le pas à la manie,<br />
à la curiosité, aux objets <strong>de</strong> l’art joli et gracieux :<br />
les objets <strong>de</strong> curiosité sont bien plus recherchés<br />
que les œuvres <strong>de</strong>s grands maîtres. Je ne puis<br />
dénier une certaine valeur artistique à <strong>de</strong>s<br />
meubles Louis XIV ou Louis XVI ; mais jamais<br />
le plus beau meuble du dix septièm e ou du dix-<br />
huitièm e siècle ne vaudra, au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong><br />
l’art, le <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>s Rubens ou <strong>de</strong>s Van Dyck.<br />
L’engouem ent, la manie du moment rem placent<br />
le goût artistique véritable. En Belgique, et aussi<br />
quelque peu dans les provinces rhénanes, on<br />
recherche actuellem ent avec la plus gran<strong>de</strong><br />
avidité les porcelaines et surtout les grès.<br />
Dans la plupart <strong>de</strong> nos villes, un salon sans pots<br />
<strong>de</strong> grès ornant les bahuts ou les cheminées et<br />
sans porcelaines fixées aux m urs <strong>de</strong>vient aussi<br />
rare qu’une maison où l’artiste a le plaisir <strong>de</strong><br />
retrouver <strong>de</strong> belles gravures reproduisant les<br />
tableaux <strong>de</strong> nos grands m aîtres. Chacun orne<br />
son salon plus ou m oins suivant ses moyens. Le<br />
riche aura du vieux chine, le bourgeois du chine<br />
ou du japon mo<strong>de</strong>rne ; même à défaut <strong>de</strong> cela, il<br />
surchargera ses m urs d’assiettes peintes, avec<br />
plus ou moins <strong>de</strong> goût, par lui-m ême ou par ses<br />
filles. On en revient ainsi à l'engouem ent du<br />
siècle <strong>de</strong>rnier dont l'art n ’eut qu’à se plaindre et<br />
les fabricants <strong>de</strong> Delft qu’à se louer. Nous ne<br />
nous élevons, qu’on veuille bien le rem arquer,<br />
que contre la manie, tout en reconnaissant que<br />
parm i ces faïences et ces porcelaines il s’en<br />
trouve plus d’une ayant une valeur artistique<br />
véritable.<br />
Il semble qu’en Angleterre on en est au même<br />
point que chez nous. Les m eilleures toiles n’ont<br />
atteint, à la vente Hamilton, que <strong>de</strong>s prix ordinaires,<br />
tandis que les enchères pour les meubles<br />
Louis XIV et Louis XVI ont été poussées à <strong>de</strong>s<br />
sommes folles. Les honneurs <strong>de</strong> la vente ont été<br />
pour une arm oire Louis XIV, d’après un <strong>de</strong>ssin<br />
<strong>de</strong> Lebrun, acquise par M. S. W erlheim er, pour<br />
la somme <strong>de</strong> 12,075 liv. (n° 672). Trois meubles<br />
Louis XVI ont atteint ensem ble 24,360 liv.<br />
(n°a 1296, 1297, 1298). Par conlre, un portrait<br />
<strong>de</strong> juif (n° 751), portant pour inscription :<br />
1474 A ntonellus Messanus m e p in x it, a été<br />
adjugé à M. C. Se<strong>de</strong>lm eyer pour 514 liv. 10 sh.;<br />
et l’Assomption <strong>de</strong> la Vierge, attribuée à Sandro<br />
BoHicelli (n° 417), à la National Gallery pour<br />
4,777 liv. 10 sh. Le portrait du duc d ’Olivarez,<br />
peint par Rubens,a été acheté parM .W inckvvorth<br />
pour 472 liv. 10 sh. (n° I l ); M. Duncan a acquis<br />
le Daniel au m ilieu <strong>de</strong>s lions, une belle œuvre <strong>de</strong><br />
notre grand m aître, pour 5,145 liv. (n° 80), et<br />
la Naissance <strong>de</strong> Vénus pour 1,680 liv.(n°44). Que<br />
sont donc ces prix en com paraison <strong>de</strong> la valeur<br />
attachée aux meubles U>uis XIV et Louis XVI ?<br />
Je n ’ignore pas que les tableaux hors ligne<br />
étaient relativement rares dans la collection<br />
Hamilton, que plus d ’une attribution était douteuse<br />
; mais, même en tenant compte <strong>de</strong> ce fait,<br />
le résultat <strong>de</strong> la vente ne nous donne pas moins<br />
le droit <strong>de</strong> constater que le grand art est délaissé<br />
pour faire place à la manie du moment, et qu’en<br />
Angleterre comme en maint autre pays, l’éducation<br />
artistique du riche n ’est pas plus avancée<br />
que celle du peuple.<br />
Parm i les gravures du catalogue, nous appellerons<br />
surtout l'attention sur celles <strong>de</strong>s trois<br />
œ uvres <strong>de</strong> Rubens, acquises par MM. Duncan et<br />
W inckw orth, <strong>de</strong>s beaux bustes d’Auguste, <strong>de</strong><br />
Tibère, <strong>de</strong> Vespasien et d ’une Niobi<strong>de</strong>, enfin sur<br />
celle d’un émail <strong>de</strong> Limoges, représentant l'Adoration<br />
<strong>de</strong>s Mages, qui provient <strong>de</strong> la collection<br />
Defournetet a été acquise par M.E.Altenborough<br />
pour 1,832 liv. 5 sh. A d o l f d e C e u l e n e e r .<br />
L E M A R É C H A L B U G E A U D .<br />
Le m aréchal Bugeaud, d'après sa correspondance<br />
in tim e et <strong>de</strong>s docum ents inédits, 1784-<br />
1849, par le comte H. d’I<strong>de</strong>ville. Tome II.<br />
Paris, Firmin Didot. In-8°, 602 p.<br />
Ce <strong>de</strong>uxièm e volume est surtout consacré aux