31.07.2013 Views

1882 - Université Libre de Bruxelles

1882 - Université Libre de Bruxelles

1882 - Université Libre de Bruxelles

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

216 L’ATHENÆUM BELGE<br />

fitant <strong>de</strong> l’éloignement <strong>de</strong>s armées rom aines,<br />

venaient piller ces contrées et les couvrir <strong>de</strong><br />

ruines. Ces incursions étaient rapi<strong>de</strong>s : elles se<br />

composaient <strong>de</strong> pillards qui, partis <strong>de</strong>s bords<br />

du Rhin et <strong>de</strong> la Moselle, n’avaient ni le temps<br />

ni les moyens <strong>de</strong> faire le siège <strong>de</strong> ces petites forteresses.<br />

Comme tous les refuges élevés dans le<br />

sud <strong>de</strong> la province, à la même époque et dans le<br />

même but. celui d’Eprave était situé au sommet<br />

d ’un rocher escarpé; son assiette faisait sa principale<br />

force. L’enceinte. assez petite, était protégée,<br />

vers le seul cöté accessible, par <strong>de</strong>ux<br />

retranchem ents en terre, m unis <strong>de</strong> palissa<strong>de</strong>s,<br />

et par une muraille dont on voit <strong>de</strong>s restes assez<br />

considérables. Ainsi que dans les édifices du<br />

Bas Empire, la maçonnerie <strong>de</strong> ce m ur est construite<br />

en arêtes <strong>de</strong> poisson, et le revêtement<br />

extérieur, en moellons <strong>de</strong> petit appareil.<br />

Lorsque, au commencement du Ve siècle, les<br />

Francs occupèrent définitivement le pays, ils<br />

s’établirent pendant quelque temps dans les<br />

ruines <strong>de</strong> ces forteresses. A Eprave, on a<br />

retrouvé les débris <strong>de</strong> leurs huttes, <strong>de</strong> leur four<br />

à cuire le pain, <strong>de</strong> leurs ustensiles. Certains<br />

indices font présum er que les Francs y avaient<br />

établi un atelier monétaire : on y ramasse encore<br />

aujourd’hui une quantité <strong>de</strong> pièces barbares,<br />

frappées à l'imitation <strong>de</strong>s petits bronzes<br />

romains (I). Eprave doit avoir été abandonné<br />

définitivement vers le vu* siècle.<br />

Toute la contrée qui s’étend aux. environs<br />

d’Eprave, Rochefort, Han-sur-Lesse, Resteigne,<br />

paraît avoir été peuplée dès une époque très<br />

reculée. Comme M. Bequet l’a déjà admis pour<br />

l’Entre-Sambre-et-Meuse, il croit que ces peupla<strong>de</strong>s<br />

s’établissaient dans ces contrées froi<strong>de</strong>s et<br />

aridt s, attirées par les gisements <strong>de</strong> m inerais<strong>de</strong><br />

fer et <strong>de</strong> plomb que l’on trouve dans les bancs <strong>de</strong><br />

calcaire <strong>de</strong>s environs. Une voie romaine secondaire,<br />

se dirigeant vers la Meuse, dans la direction<br />

d Hastière, passait aux pieds <strong>de</strong> la fo rteresse<br />

; ce diverticidum se reliait à la gran<strong>de</strong><br />

chaussée rom aine venant <strong>de</strong> Trêves, et qui passait<br />

non loin d’Eprave. Ces routes servaient, pro ­<br />

bablement, <strong>de</strong> passage aux Germains dans leurs<br />

incursions, et ce fut par là aussi que dut se<br />

faire, au Ve siècle, la gran<strong>de</strong> invasion <strong>de</strong>s Francs<br />

Ripuaires, vers le nord <strong>de</strong> la France.<br />

Vis-à-vis du rocher d’Eprave, au lieu dit<br />

D evant-M aulin, la Société fit explorer une habitation<br />

belgo-romaine qui avait été saccagée et<br />

incendiée; huit cadavres, dont <strong>de</strong>ux d’adultes et<br />

six d’enfants, trouvés aux pieds <strong>de</strong>s m urs,<br />

paraissaient avoir été ensevelis à la hâte.<br />

Les cimetières francs explorés, en -1880, sur le<br />

territoire d’Eprave formaient huit groupes; ils<br />

renfermaient encore 380 sépultures environ,<br />

bien que les chemins et la culture en eussent<br />

fait disparaître un certain nombre.<br />

Au milieu <strong>de</strong> toutes ces tombes <strong>de</strong> Francs, on<br />

en rencontra quelques-unes ayant appartenu à<br />

<strong>de</strong>s Belges ; quoique vivant au milieu <strong>de</strong> leurs<br />

vainqueurs, ils avaient conservé les usages <strong>de</strong><br />

leurs pères et principalement leur mo<strong>de</strong> d’inhumation.<br />

On sait que les Belges brillaient les<br />

m orts, et que leurs cendres, recueillies dans une<br />

urne, étaient confiées à la terre. Pendant les<br />

<strong>de</strong>ux prem iers siècles <strong>de</strong> notre ère, la Belgique<br />

romanisée était parvenue à un haut <strong>de</strong>gré <strong>de</strong><br />

prospérité et <strong>de</strong> bien être; aussi, les cim etières<br />

<strong>de</strong> cette époque, explorés par la Société, renferment-ils<br />

un grand nombre <strong>de</strong> vases et <strong>de</strong> petits<br />

objets déposés dans la tombe à cöté <strong>de</strong> l'urne<br />

cinéraire. Mais à la fin du IIIe et au IVe siècle les<br />

campagnes étaient, en partie, dépeuplées et les<br />

(1) Trois dépöts contenant plusieurs m illiers <strong>de</strong> ces petites<br />

pièces ont été trouvés dans les environs ; presque toutes ap p a rtenaient<br />

à <strong>de</strong>s em pereurs <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> m oitié du IIIe siècle<br />

et n’avaient pas circulé. O n peut rapprocher <strong>de</strong> ces trouvailles,<br />

la rencontre dans l’intérieur <strong>de</strong> la forteresse <strong>de</strong> nombreuses<br />

parcelles <strong>de</strong> cuivre et d ’un creuset ayant contenu <strong>de</strong><br />

ce m étal. A n n a les <strong>de</strong> la S oc., t. V , p . 31, et t. V I I , 293.<br />

habitants se trouvaient réduits à la plus affreuse<br />

misère, par suite <strong>de</strong>s exactions du fisc impérial<br />

et <strong>de</strong>s incursions <strong>de</strong>s barbares. Aussi les quelques<br />

tombes belgo-rom aines trouvées à Eprave,<br />

parmi les sépultures franques du Ve siècle, sont-<br />

elles d’une gran<strong>de</strong> pauvreté; quelques-unes<br />

renferm aient, peut-être, les cendres d esclaves<br />

domestiques ou <strong>de</strong> colons vivant au milieu <strong>de</strong>s<br />

Francs.<br />

Sur le Mont à Eprave. Cette colline, située à<br />

250 m ètres au couchant <strong>de</strong> la forteresse, paraît<br />

avoir servi particulièrem ent <strong>de</strong> lieu <strong>de</strong> sépulture<br />

aux Francs qui y étaient établis. Sur son versant<br />

sud-est, dit D evant le Mont, on rencontra<br />

490 sépultures; m alheureusem ent beaucoup<br />

ava ent été fouillées. Ainsi qu’à Franchim ont, les<br />

spoliateurs n ’avaient enlevé que les objets placés<br />

au haut du corps; comme là aussi, ils ont<br />

travaillé la nuit et à la hâte.<br />

Sur le versant opposé <strong>de</strong> la même colline, à<br />

200 m ètres environ du cim etière précé<strong>de</strong>nt, au<br />

lieu dit Dri le Mont, on trouva un autre groupe<br />

<strong>de</strong> 31 sépultures franques; bien que quelques-<br />

unes eussent été fouillées, elles donnèrent encore<br />

<strong>de</strong>s armes et d ’autres objets intéressants.<br />

Passons maintenant à la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s objets<br />

trouvés dans ces <strong>de</strong>ux groupes <strong>de</strong> sépultures <strong>de</strong><br />

la colline du Mont.<br />

Poteries. — Quarante vases en poterie furent<br />

rencontrés dans ces fouilles; à plupart sont <strong>de</strong>s<br />

urnes noires décorées <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins faits à la roulette<br />

ou au poinçon. Mentionnons, cependant, un<br />

gobelet haut et étroit, en terre noire, une gran<strong>de</strong><br />

cruche à <strong>de</strong>ux anses en poterie commune, p lu ­<br />

sieurs bols et assiettes en terre rouge.<br />

Verres. — La forme <strong>de</strong>s seize vases en verre,<br />

trouvés dans les sépultures du Mon t, est très<br />

variée; citons : une gran<strong>de</strong> bouteille sans anse,<br />

à panse ron<strong>de</strong> et à col long et étro it; <strong>de</strong>ux coupes<br />

dont le verre est nuancé <strong>de</strong> filets blancs ; une<br />

autre coupe faite au moule et ornée d’un <strong>de</strong>ssin<br />

composé d ’une guirlan<strong>de</strong>, en arêtes <strong>de</strong> poisson,<br />

entourant une rosace <strong>de</strong> palmettes rayonnantes ;<br />

<strong>de</strong>s cornets lisses et d’autres striés; un grand<br />

gobelet, dont les flancs, légèrem ent bombés,<br />

portent dix grosses gouttes ou larmes <strong>de</strong> verre,<br />

d’une forme allongée, sillonnées par une crête et<br />

term inées par une queue Des vases <strong>de</strong> cette<br />

espèce ont été trouvés par M. Lin<strong>de</strong>nschmit, à<br />

Selzen, près <strong>de</strong> Mayence, et dans <strong>de</strong>s sépultures<br />

anglo-saxonnes, en A ngleterre; l’abbé Cochet en<br />

a signalé un dans le cimetière franc <strong>de</strong>Douvrend,<br />

exploré par lui, dans la vallée <strong>de</strong> l’Eaulne, près<br />

<strong>de</strong> Dieppe. On n’en avait pas encore, paraît-il,<br />

rencontré en Belgique.<br />

Haches. — Huit exemplaires <strong>de</strong> cette arm e<br />

favorite <strong>de</strong>s chefs francs furent rencontrés sur le<br />

Mont. Deux d’entre eux s’écartent <strong>de</strong> la form e<br />

ordinaire : leur tranchant, en form e <strong>de</strong> croissant,<br />

est beaucoup plus large.<br />

Lances. — Six <strong>de</strong> ces arm es, particulières<br />

aussi aux chefs, furent extraites <strong>de</strong>s fouilles;<br />

quelques-unes sont d’une conservation parfaite.<br />

Umbo. — Partie concave, en fer, du milieu<br />

d’un bouclier, dans laquelle se trouvait placée<br />

la poignée.<br />

Bouterolles. — Deux bouterolles ou garnitutures<br />

<strong>de</strong> l’extrém ilé <strong>de</strong> fourreaux d’épée ou <strong>de</strong><br />

coutelas. Ce sont d'intéressants petits ouvrages<br />

en bronze coulé et ciselé, couverts sur leur face<br />

antérieure d ’animaux fantastiques qui ne rappellent<br />

en rien les objets <strong>de</strong> ce genre appartenant<br />

à l’antiquité classique. Il est assez singulier qu’on<br />

n’ait pas trouvé <strong>de</strong> trace <strong>de</strong>s épées ou <strong>de</strong>s coutelas<br />

dont les fourreaux étaient garnis <strong>de</strong> ces<br />

bouterolles.<br />

Boucles en fer <strong>de</strong> baudriers. — Cinq boucles<br />

<strong>de</strong> baudriers, dont quatre sont revêtues d e damas-<br />

quinures en argent, d’un style oriental.<br />

Boucles <strong>de</strong> ceintures. — Parm i les douze<br />

boucles trouvées su r le M ont quatre sont en<br />

alliage d’argent, les autres sont en bronze ; elles<br />

n’ont ni plaque ni contre-plaque.<br />

Broches. — Deux broches <strong>de</strong> femme en a r ­<br />

gent. L’une représente une sorte <strong>de</strong> poisson fantastique<br />

dont la tête est formée d’une verroterie<br />

rouge. La face <strong>de</strong> l'autre broche se compose <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux parties curvilignes dans lesquelles rayonnent<br />

<strong>de</strong>s cloisons en argent sertissant <strong>de</strong>s lam elles<br />

<strong>de</strong> verre rouge.<br />

Bracelets. — Cinq sont en bronze; un sixièm e,<br />

en argent, est d’une belle conservation.<br />

Colliers. — Ces colliers, au nombre <strong>de</strong> neuf<br />

à dix, sont formés <strong>de</strong> grains d’ambre et <strong>de</strong> perles<br />

en verre et en pâte céram ique; ils ne présentent<br />

rien <strong>de</strong> particulier.<br />

Olives d’or. — Cet ornem ent <strong>de</strong> femme a la<br />

forme d’une olive creuse, faite d’une feuille d’oc<br />

couverte <strong>de</strong> stries et <strong>de</strong> petits ronds ; on en rencontra<br />

onze dans les sépultures du Mont. Elles<br />

se trouvaient au nombre <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ou trois parmi<br />

les perles et les grains d’ambre <strong>de</strong>s colliers <strong>de</strong><br />

femme.<br />

B igues. — Les sept bagues en argent et en<br />

bronze sont <strong>de</strong>s alliances semblables aux n ötres ;<br />

aucune n ’avait <strong>de</strong> chalon.<br />

Boutons en or. — Ce sont, plus exactement,<br />

<strong>de</strong>s boutons en bronze dont la tête aplatie est<br />

recouverte d’une lame d’or étampée en forme <strong>de</strong><br />

rose à six pétales.<br />

Epingles à cheveux. — Une <strong>de</strong> ces épingles<br />

est fort curieuse : elle représente une hache ou<br />

francisque dont le manche servait d ’aiguille pour<br />

tenir la chevelure; elle est en bronze et la conservation<br />

en est parfaite.<br />

O rnem ent en argent. — Parm i différents<br />

objets recueillis sur le squelette d’une femme se<br />

trouvait, près <strong>de</strong> la ceinture, une petite plaque<br />

<strong>de</strong> fer revêtue d’une lame d’argent assez épaisse,<br />

sur laquelle est représenté, en léger relief, un<br />

sujet em prunté au symbolisme du christianisme<br />

primitif. Une même plaque, revêtue d’un motif<br />

semblable, a été trouvée dans le cim etière franc<br />

d’Evermeu. près <strong>de</strong> Dieppe, par l’abbé Cochet,<br />

qui en donne la <strong>de</strong>scription suivante :<br />

« La plaque en argent est entourée d’un petit<br />

ornem ent formant guirlan<strong>de</strong>. A l’intérieur, et <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux cötés seulement, le haut et le bas, régnent<br />

<strong>de</strong>ux branches à feuilles lancéolées, sem blables<br />

à du laurier grossièrem ent fait. Sur le fond <strong>de</strong><br />

la plaque figure une espèce d’autel portatif,<br />

surm onté d’un fruit sur sa tige. On dirait un<br />

arbuste placé dans une caisse. Cet arbre ou ce<br />

fruit, qui a la forme d’une pomme <strong>de</strong> pin, pourrait<br />

bien être une grappe <strong>de</strong> raisin. De chaque<br />

cöté sont <strong>de</strong>s oiseaux à pattes <strong>de</strong> gallinacés, à<br />

queue fourchue, à bec pointu, avec une tête<br />

surm ontée d ’ornem ents. Evi<strong>de</strong>mment ce sont<br />

<strong>de</strong>s paons que l’artiste a voulu figurer. Ils sont<br />

placés vis-à-vis l'un <strong>de</strong> l’autre et sem blent prêts<br />

à becqueter la grappe ou le fruit placé <strong>de</strong>vant<br />

eux sur l’autel. Ce motif <strong>de</strong> paons becquetant un<br />

fruit, ou buvant dans une coupe, est un symbole<br />

chrétien que l’on retrouve dans les catacombes,<br />

les églises romanes et sur les tissus. »<br />

Celte <strong>de</strong>scription s’applique parfaitement à<br />

l’exemplaire trouvé à Eprave. Les <strong>de</strong>ux plaques<br />

ont été frappées avec la même m atrice et probablement<br />

par le même orfèvre. Ne peut-on<br />

déduire <strong>de</strong> là que ces Francs qui s’établirent<br />

dans la Seine-Inférieure avaient d’abord passé<br />

par nos contrées? Partis <strong>de</strong>s bords du Rhin et <strong>de</strong><br />

la Moselle, ils auraient suivi, au sud <strong>de</strong> la<br />

province, les voies secondaires qui se dirigeaient<br />

<strong>de</strong> Trêves sur Bavai et le Nord <strong>de</strong> la<br />

France. Cette observation peut s’appliquer aussi<br />

à ce gobelet en verre, orné <strong>de</strong> larm es, dont il a<br />

été parlé plus haut, et dont les trois exemplaires<br />

connus ont été trouvés à S elzen,<br />

près Mayence, à Douvrend, près <strong>de</strong> Dieppe,

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!