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1882 - Université Libre de Bruxelles

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L'ATHENÆUM BELGE<br />

BUREAUX :<br />

RUE DE LA M A D E L E IN E , 26, A B RU X E LLES.<br />

S o m m a ir e . — Le droit <strong>de</strong> la guerre et les précurseurs<br />

<strong>de</strong> Grotius (E. Van <strong>de</strong>r Rest). — Questions<br />

d’enseignement (P. Thomas). — Bulletin :<br />

Bibliographie générale <strong>de</strong> l’astronom ie. Bibliographie<br />

tournaisienne. Catalogue <strong>de</strong>s gram m aires<br />

et dictionnaires <strong>de</strong>s langues et dialectes principaux<br />

du mon<strong>de</strong>. Le Maroc. — Chronique. —<br />

Sociétés savantes. — Bibliographie.<br />

O U V R A G E S N O U V E A U X .<br />

Le D roit <strong>de</strong> la guerre et les précurseurs <strong>de</strong><br />

G rotius, par Ern. Nys. <strong>Bruxelles</strong>, <strong>1882</strong>.<br />

Le droit international a pris au XIXe siècle un<br />

développement et a réalisé <strong>de</strong>s progrès notables,<br />

ainsi que l’attestent pleinem ent la conclusion <strong>de</strong><br />

nom breux traités entre les peuples les plus<br />

éloignés comme les plus rapprochés les uns <strong>de</strong>s<br />

autres, et l’apparition d ’ouvrages rem arquables<br />

et <strong>de</strong> publications im portantes sur cette partie<br />

<strong>de</strong> la science du droit, comme l’atteste encore la<br />

seule fondation d'associations telles que l’Institut<br />

<strong>de</strong> droit international. Quand une science a<br />

atteint cette phase <strong>de</strong> son développement qui se<br />

caractérise par une préoccupation générale au<br />

sujet <strong>de</strong> la réalisation pratique <strong>de</strong> ses enseignements,<br />

il est bon <strong>de</strong> rem onter à ses débuts, <strong>de</strong><br />

s’assurer ainsi du chemin déjà parcouru et <strong>de</strong>s<br />

progrès déjà réalisés ; on aura par là l’occasion<br />

à la fois <strong>de</strong> rendre justice aux ouvriers <strong>de</strong> la<br />

prem ière heure et <strong>de</strong> stim uler le courage <strong>de</strong><br />

ceux qui ont foi dans le progrès et qui pensent<br />

que la science n ’a pas encore dit son <strong>de</strong>rnier<br />

m ot. Assurément, nul ne songe à enlever à<br />

Grotius son lilre <strong>de</strong> fondateur <strong>de</strong> la science du<br />

droit international : à une époque où le mon<strong>de</strong><br />

sem blait livré au seul droit <strong>de</strong> la force, l’illustre<br />

écrivain néerlandais traça les règles qui doivent<br />

prési<strong>de</strong>r aux rapports <strong>de</strong>s nations, et il le fit<br />

avec une telle force <strong>de</strong> raisonnem ent et une telle<br />

rectitu<strong>de</strong> d ’esprit, qu’aujourd’hui encore, malgré<br />

ses défauts et ses lacunes, le traité De ju r e belli<br />

ac pacis conserve sa valeur, et il est permis<br />

d’affirmer qu’il la conservera à jamais dans les<br />

siècles à venir. Mais Grotius a eu <strong>de</strong>s <strong>de</strong>vanciers ;<br />

<strong>de</strong>s recherches sérieuses ont été faites avant lui<br />

dans les <strong>de</strong>ux branches <strong>de</strong> la discipline juridique<br />

qui font l’objet <strong>de</strong> son livre, le droit naturel et<br />

le droit <strong>de</strong>s gens. M. Nys a pensé qu’une étu<strong>de</strong><br />

sur le droit international avant Grotius et sur<br />

les écrivains qui frayèrent la voie au grand<br />

penseur ne serait ni sans intérêt ni sans utilité;<br />

nous sommes convaincu que cette opinion sera<br />

partagée par tous ceux qui prendront connaissance<br />

<strong>de</strong> l’intéressante et substantielle<br />

étu<strong>de</strong> que M. Nys a consacrée à cette question.<br />

L’auteur prend soin <strong>de</strong> nous avertir dans son<br />

introduction, comme il l’a fait déjà du reste par<br />

le titre même <strong>de</strong> son ouvrage, que la m atière<br />

qu’il traite se resserre dans <strong>de</strong>s limites assez<br />

étro ites; sans doute le moyen âge a vu se<br />

J o u r n a l u n iv e r sel d e la L itté r a tu r e , d e s S c ie n c e s e t d e s<br />

Arts. P A R A IS S A N T L E 1 er E T L E 15 D E C H A Q U E M O IS .<br />

5me ANNEE.<br />

N ° 1 1 - 1er JU IL L E T <strong>1882</strong><br />

form er quelques institutions du droit <strong>de</strong>s gens,<br />

mais trop chétives pour qu’il faille en tenir<br />

com pte; avant Grotius, l’histoire du droit international<br />

se borne à l’histoire du droit <strong>de</strong> la<br />

guerre, comme le droit <strong>de</strong> la guerre épuise à lui<br />

seul toute la m atière du droit international ;<br />

seul, le droit <strong>de</strong> la guerre prend <strong>de</strong>s développements<br />

sérieux, c’est lui qui forme le noyau du<br />

droit international. fait que la raison explique<br />

en même tem ps que l’histoire le constate.<br />

Les prem ières pages du travail <strong>de</strong> M. Nys<br />

nous m ontrent comment la notion et la science<br />

du droit international se sont formées au moyen<br />

âge ; comment, après avoir été d’abord enchevêtré<br />

dans le droit rom ain, le droit canon et le<br />

droit naturel, le droit international réussit enfin<br />

à s’en dégager; comment, chose singulière, au<br />

VIIe siècle, à une époque où le droit international<br />

n’était pas connu, Isidore <strong>de</strong> Séville en a<br />

donné une définition qui correspond presque<br />

entièrem ent à la conception m o<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> ce<br />

droit, sans que les auteurs <strong>de</strong>s temps suivants<br />

aient su en tirer profit; comment et à quels<br />

points <strong>de</strong> vue la théorie <strong>de</strong> l’em pire et celle <strong>de</strong><br />

la papauté ont contribué à la formation du droit<br />

international,et comment ces mêmes théories ont,<br />

à d'autres points <strong>de</strong> vue, entravé son développem<br />

ent rationnel.<br />

La plupart <strong>de</strong>s auteurs du moyen âge adm ettaient<br />

que la guerre est un mo<strong>de</strong> d’aplanir les<br />

difficultés, mais un mo<strong>de</strong> extrême auquel on ne<br />

pouvait recourir que lorsqu’il y avait impossibilité<br />

complète <strong>de</strong> trancher autrem ent les contestations.<br />

M. Nys est ainsi naturellem ent amené à<br />

exposer en tête <strong>de</strong> son étu<strong>de</strong> su r le droit <strong>de</strong> la<br />

guerre les moyens qui étaient plus spécialem ent<br />

usités au moyen âge pour aplanir les différends<br />

sans faire appel à la guerre. On lira ici avec un<br />

intérêt tout particulier ce que dit l’auteur sur<br />

les voies <strong>de</strong> fait et su r la théorie <strong>de</strong>s représailles;<br />

cette théorie s’appuyait sur l’idée, absoment<br />

condamnée par la science aujourd’hui, que<br />

ce qui est dû par un corps est dû par chacun <strong>de</strong>s<br />

m em bres dont le corps est composé, et elle<br />

consistait en ce que l’Etat autorisait tous ou<br />

quelques-uns <strong>de</strong> ses membres à s’em parer <strong>de</strong>s<br />

biens <strong>de</strong> l’Etat qui avait commis l’offense, <strong>de</strong>s<br />

sujets <strong>de</strong> celui-ci et <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers.<br />

Cette théorie a toujours été reconnue par<br />

le moyen âge ; le progrès réalisé à cette époque<br />

dans cet ordre d’idées a consisté, non à nier le<br />

droit <strong>de</strong> la force, mais à l’entourer <strong>de</strong> conditions<br />

et <strong>de</strong> restrictions ; le droil <strong>de</strong> représailles fut<br />

reconnu,- mais organisé, et par là même limité,<br />

notam ment par <strong>de</strong>s traités conclus entre les<br />

pays, dont quelques-uns mêmes nièrent le droit<br />

<strong>de</strong> représailles, et par l’institution <strong>de</strong>s conservateurs<br />

<strong>de</strong> la paix. Ce n’est qu’à partir <strong>de</strong> la fin<br />

du XVIIe siècle que l’usage <strong>de</strong>s lettres <strong>de</strong> représailles<br />

en temps <strong>de</strong> paix tomba en désuétu<strong>de</strong>.<br />

Un autre principe, déjà nettem ent formulé<br />

par le droit rom ain, à savoir que le droit <strong>de</strong><br />

PRIX D'ABONNEM ENT<br />

Belgique, 8 fr. par an ; étranger (union postale), 10 fr,<br />

faire la guerre n’appartient qu’au pouvoir<br />

souverain, a été entièrem ent méconnu par lo<br />

moyen âge; les jurisconsultes <strong>de</strong> cette époque<br />

eurent beau se rallier en général à la conception<br />

romaine, les légistes eurent beau lutter partout<br />

contre la guerre privée, celle-ci n’en fut pas moins<br />

la gran<strong>de</strong> calamité du moyen âge; elle y avait<br />

<strong>de</strong> telles racines, que les tentatives faites pour<br />

prohiber toute violence n’aboutirent qu’à un<br />

échec complet, et que, <strong>de</strong> même quo pour les<br />

représailles, on no put que circonscrire le mal ;<br />

on fixa <strong>de</strong>s limites à la violence, on détermina<br />

le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong>s guerres particulières, et les règlements<br />

pris sur la m atière furent compris dans<br />

la législation. Dans ces limites, le droit <strong>de</strong><br />

guerre privée se m aintint encore jusqu’au<br />

XVIe siècle ; à partir du XVIIe siècle, la guerre<br />

privée ne se rencontre plus que très rarem ent.<br />

En ce qui concerne les causes <strong>de</strong> la guerre,<br />

M. Nys relève avec raison une assertion inexacte<br />

<strong>de</strong> Grotius au sujet <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>vanciers ; malgré<br />

ce que dit le fondateur do la science du droit<br />

international, la plupart <strong>de</strong> scs précurseurs ont<br />

traité avec un soin tout particulier la question<br />

<strong>de</strong>s causes <strong>de</strong> la guerre et <strong>de</strong>s conditions moyennant<br />

lesquelles une guerre peut être ju s te ;<br />

quelques-uns sont arrivés à <strong>de</strong>s résultats fort<br />

satisfaisants; sur plus d ’un point même, il faut<br />

reconnaître que Grotius n’a pas dépassé scs<br />

prédécesseurs; ainsi notamment le ju stu s tilulus<br />

<strong>de</strong> la guerre n’est en rien conçu par lui d’une<br />

manière supérieure aux idées <strong>de</strong> Suarez; ainsi<br />

encore, Grotius est moins avancé que plus d’un<br />

<strong>de</strong> ses prédécesseurs en ce qui concerne la<br />

guerre contre les infidèles.<br />

Nous avons assisté, il y a un certain tem ps, à<br />

une polémique intéressante entre un publiciste<br />

distingué et un homme <strong>de</strong> guerre <strong>de</strong>s plus<br />

éminents ; à ceux qui, comme ce <strong>de</strong>rnier, s’exagèrent<br />

les nécessités <strong>de</strong> la guerre, on peut<br />

recom man<strong>de</strong>r d’une manière toute spéciale la<br />

lecture <strong>de</strong>s pages <strong>de</strong> son élu<strong>de</strong> que M. Nys<br />

consacre à m ontrer comment on com prenait la<br />

guerre au moyen âge, et comment les auteurs <strong>de</strong><br />

cette époque s’élevèrent contre <strong>de</strong>s pratiques<br />

que les hommes <strong>de</strong> guerre du temps jugeaient<br />

sans doute inhérentes à la guerre, et que tous les<br />

peuples civilisés aujourd’hui ont absolument<br />

condamnées. Au moyen âge, la guerre se signalait<br />

par un caractère d ’indicible cruauté; se<br />

faire le plus <strong>de</strong> mal possible, anéantir l'ennemi<br />

et tout ce qui lui appartient, tel était le m ot<br />

d’ordre <strong>de</strong> tous les belligérants; <strong>de</strong> là, <strong>de</strong>s<br />

actes inouïs <strong>de</strong> barbarie, l’emploi d ’arm es<br />

empoisonnées, la mutilation <strong>de</strong>s prisonniers;<br />

<strong>de</strong> là, la dévastation, le sac, la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s<br />

villes; <strong>de</strong> là, la justification <strong>de</strong> la trahison et <strong>de</strong><br />

la perfidie. Les auteurs <strong>de</strong> l'époque ne se sont<br />

pas laissé aveugler par <strong>de</strong>s pratiques universellem<br />

ent suivies ; si quelques-uns, encore<br />

imbus <strong>de</strong>s théories rom aines, ont émis <strong>de</strong>s<br />

maximes fort dures, d’autres, plus nombreux,

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