1882 - Université Libre de Bruxelles
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ISO L’ATHENÆUM BELGE<br />
trèrent toujours fort opposés. Mais ce n’est que<br />
rarem ent que M. do Segesser se laisse entraîner<br />
par ses sympathies catholiques : en général il<br />
vise à être juste et équitable envers les <strong>de</strong>ux<br />
partis.<br />
Après avoir caractérisé en quelques mots<br />
l’œuvre <strong>de</strong> M. <strong>de</strong>Segesser, revenons à notre sujet.<br />
Dans son prem ier volume déjà (I, 613) il avait<br />
prouvé victorieusem ent la nécessité absolue<br />
pour la Cour <strong>de</strong> Franco <strong>de</strong> conclure avec les Réformés<br />
la paix désavantageuse <strong>de</strong> Saint-Germain.<br />
Il se moque, non sans raison, <strong>de</strong>s auteurs trop<br />
fins et trop rusés qui cherchent dans ce traité<br />
un artifice du roi pour trom per les Huguenots<br />
et en préparer ainsi le massacre. Dans le second<br />
volume (p. 127) il revient sur ces considérations<br />
pour appuyer sa thèse sur <strong>de</strong> nouveaux arguments,<br />
si bien qu’elle ne peut plus être douteuse<br />
pour un esprit non prévenu par le fanatisme<br />
anticatholique. Il ne faut pas, en effet,<br />
chercher beaucoup <strong>de</strong> suite et <strong>de</strong> conséquence<br />
dans la politique <strong>de</strong> la reine-m ère et <strong>de</strong> Charles IX :<br />
notre auteur fait très bien observer (Il, 120) que<br />
la Cour, par crainte <strong>de</strong>s Guises et <strong>de</strong> l’Espagne,<br />
était amenée <strong>de</strong> temps en temps à se jeter totalement<br />
dans les bras <strong>de</strong>s Calvinistes. C’était une<br />
politique <strong>de</strong> bascule, causée par le conllit intérieur<br />
<strong>de</strong> l’intolérance catholique avec les véritables<br />
intérêts politiques <strong>de</strong> la famille régnante.<br />
Nous ne pouvons suivre ici, à notre grand regret,<br />
M. <strong>de</strong> Segesser dans sa démonstration luci<strong>de</strong> et<br />
rigoureuse <strong>de</strong> la sincérité <strong>de</strong> Charles IX (II, 144)<br />
lorsqu’il concluait, malgré toutes les protestations<br />
du Pape et <strong>de</strong> l’Espagne, le mariage <strong>de</strong> sa<br />
sœ ur avec Henri <strong>de</strong> Navarre, union qui n’était<br />
pas plus un piège que la paix <strong>de</strong> Saint-Germain.<br />
Les véritables causes <strong>de</strong> la Saint-Barthélemy —<br />
l’irritation <strong>de</strong> Catherine contre l’am iral qui avait<br />
annihilé complètement son influence dans la<br />
direction <strong>de</strong>s affaires politiques ; sa gran<strong>de</strong> peur<br />
d’une guerre avec l'Espagne; sa crainte d’un<br />
soulèvement général <strong>de</strong>s Huguenots après l’attentat<br />
non réussi contre Coligny — tout cela est<br />
développé (II, 147) presque mot pour mot<br />
comme je l’ai fait ici, avant la publication du<br />
second volume <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> Segesser. Celui-ci rend<br />
justice entière à Coligny qui, après l’attentat <strong>de</strong><br />
Maurevel, aimait mieux s’exposer aux plus grands<br />
dangers que <strong>de</strong> quitter la cour et <strong>de</strong> renoncer à<br />
cotte politique antiespagnole qui lui paraissait<br />
<strong>de</strong>voir être le but <strong>de</strong> toute sa vie (II, 151).<br />
S’il pouvait y avoir encore un doute sur les<br />
véritables intentions <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> France pendant<br />
les <strong>de</strong>ux années qui s’écoulent entre la paix<br />
<strong>de</strong> Saint Germain et les Noces Vermeilles, il serait<br />
certes détruit par le livre <strong>de</strong> M. H. Baumgarten :<br />
A vant IaSaint-B arthélem y. Le savant professeur<br />
do Strasbourg a rem arqué qu’au moment même<br />
du massacre plusieurs <strong>de</strong>s sources les plus importantes<br />
d’informations font subitement défaut,<br />
par une sorte <strong>de</strong> fatalité. Les <strong>de</strong>ux années qui<br />
précè<strong>de</strong>nt, au contraire, sont éclairées par une<br />
quantité <strong>de</strong> relations diplomatiques <strong>de</strong> tout<br />
genre, telle qu’il n’en existe peut-être pas pour<br />
une autre époque du XVIe siècle. Dans l’histoire<br />
<strong>de</strong> ces trente mois nous trouverons donc une<br />
réponse satisfaisante ot définitive à la question :<br />
comment Catherine <strong>de</strong> Médicis et ses complices<br />
ont-ils été amenés à perpétrer le crime du<br />
24 août 1572? M. Baumgarten condamne avec<br />
raison ceux <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>vanciers qui, comme<br />
W uttke, se sont servis sans distinction <strong>de</strong> toutes<br />
les données fournies par les contemporains. Il<br />
dit (Introduction, p. ix) : « Où il s’agit,com m e<br />
ici, d ’une Cour vivant <strong>de</strong> l’inlrigue et se servant<br />
continuellement <strong>de</strong> mensonges, il n’y à <strong>de</strong><br />
valeur réelle que dans les témoignages <strong>de</strong> ceux<br />
qui ont pu observer <strong>de</strong> bien près ce jeu <strong>de</strong> trom <br />
peries, soit qu’ils y jouassent un r öle actif, soit<br />
qu’en même temps qu’ils y prenaient l’intérêt le<br />
plus vif, ils possédassent les moyens d ’en suivre<br />
toutes les péripéties. » Il s’appuie donc <strong>de</strong> préférence<br />
sur les dépêches et les relations <strong>de</strong>s nonces<br />
apostoliques et <strong>de</strong>s envoyés toscans, et enfin<br />
sur la correspondance du gouvernem ent et <strong>de</strong>s<br />
diplomates espagnols, extraite <strong>de</strong>s Archives <strong>de</strong><br />
Simancas et qui se trouve actuellem ent en majeure<br />
partie aux Archives nationales <strong>de</strong> P aris,—<br />
correspondance que M. Baumgarten a le prem<br />
ier étudiée d’une manière complète pour les<br />
années 1570, -1571 et 1572. Il va sans dire<br />
qu’il n ’a. pas négligé non plus les mémoires<br />
contem porains et les travaux récents; je ne<br />
trouve que peu d’omissions, par exemple les<br />
mémoires <strong>de</strong> Cheverny et, parmi les publications<br />
mo<strong>de</strong>rnes, les Noces Vermeilles '<strong>de</strong> Daniel<br />
Ramée (Paris, 1877).<br />
Je <strong>de</strong>vrais transcrire ici un extrait du livre<br />
pour donner au lecteur une idée <strong>de</strong> la précision<br />
avec laquelle M. Baumgarten, dans son récit,<br />
prouve la sincérité <strong>de</strong> la paix <strong>de</strong> Saint-Germain,<br />
l’animosité passionnée qui, après ce traité, régnait<br />
entre la France et l’Espagne, la colère du<br />
Pape et <strong>de</strong>s catholiques zélés <strong>de</strong> France contre<br />
la cour <strong>de</strong> Charles IX, la faveur montrée par<br />
celui-ci aux Huguenots, les préparatifs sérieux<br />
<strong>de</strong> guerre entre la France et l’Espagne. Il ne<br />
reste plus une pierre <strong>de</strong> tout l’édifice artificiel<br />
<strong>de</strong> la prétendue gran<strong>de</strong> conjuration catholique<br />
<strong>de</strong> la Cour avec l’Espagne et le Pape contre les<br />
Huguenots ! C’est Catherine <strong>de</strong> Médicis que l’ambassa<strong>de</strong>ur<br />
d’Espagne considère comme le plus<br />
dangereux adversaire <strong>de</strong> son roi (p. 33.47). En<br />
vain Philippe II et le Pape envoient-ils <strong>de</strong>s<br />
ambassa<strong>de</strong>urs extraordinaires pour essayer <strong>de</strong><br />
ram ener à eux la Cour <strong>de</strong> France, pour la séparer<br />
<strong>de</strong>s Calvinistes. Catherine, qu’on veut nous<br />
représenter comme conjurant avec l’Espagne<br />
contre les Réformés <strong>de</strong>puis l’entrevue <strong>de</strong><br />
Bayonne, accuse <strong>de</strong>vant le nonce le roi Philippe<br />
d’attenter à sa vie ; et le représentant <strong>de</strong> cette<br />
même Espagne est convaincu que Catherine<br />
soudoie contre lui <strong>de</strong>s assassins (p. 95). Les<br />
Guises, conjurés, à ce qu’on prétend, avec Catherine<br />
et avec l’Espagne, préparent en réalité<br />
avec tous les catholiques zélés la révolte contre<br />
la Cour, trop favorable, à leur gré, aux hérétiques<br />
(p. -180 et s.). On voit que, il y a un an,<br />
j’avais raison <strong>de</strong> me méfier <strong>de</strong> la prétendue<br />
importance <strong>de</strong> l’entrevue <strong>de</strong> Bayonne, dont<br />
M. Combes voulait nous persua<strong>de</strong>r dans la joie<br />
<strong>de</strong> sa découverte.<br />
Je me bornerai à m entionner encore un point :<br />
d’après M. Baumgarten, Catherine et avec elle<br />
Charles IX arrivent à résoudre la Saint-Barthélemy<br />
en passant par les mêmes phases que<br />
j’avais brièvem ent indiquées dans mon article<br />
précé<strong>de</strong>nt sur le même sujet.<br />
Le professeur <strong>de</strong> Strasbourg term ine son livre<br />
très intéressant par une critique <strong>de</strong>s plus justifiées<br />
<strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> W uttke et <strong>de</strong> Bordier. Il n’y<br />
a qu’un point sur lequel je ne puis accepter ses<br />
conclusions : c’est quand il prétend établir la<br />
fausseté du fameux Discours <strong>de</strong> Henri III sur la<br />
Saint-Barthélemy. Il me semble que MM. Ba-<br />
guenault <strong>de</strong> Puchesse (Revue <strong>de</strong>s Questions historiques,<br />
juillet 1880, p. 278 et s.) et Loiseleur<br />
(Revue hist., janv: fév. 1881, p. 257 et s.) ont<br />
défendu victorieusem ent l’authenticité du Discours.<br />
(Cf. aussi Segesser, II, 159, note.) Que les<br />
souvenirs <strong>de</strong> Henri III l’aient trompé sur le r öle<br />
joué par le comte <strong>de</strong> Retz — et ceci est le reproche<br />
le plus im portant qu’on fait au Discours,<br />
— c’est bien possible. Mais quelle mémoire est<br />
assez fidèle pour gar<strong>de</strong>r toutes les im pressions<br />
au milieu d ’une excitation extraordinaire, <strong>de</strong>s<br />
événements les plus émouvants, d'une alternative<br />
incessante d’angoisses terribles et d’espérances<br />
plus terribles encore?<br />
Mais c’est là un détail qui au fond a peu<br />
d’importance. Les ouvrages <strong>de</strong> MM. <strong>de</strong> Segesser<br />
et Baum garten, le <strong>de</strong>rnier surtout, écartent<br />
définitivement toute idée <strong>de</strong> longue préparation<br />
<strong>de</strong> la Saint-Barthélemy, et la publication <strong>de</strong><br />
M. Combes ne change rien à ce résultat.<br />
M i P h i l i p p s o n .<br />
P. Ovidii Nasonis Ibis, ex novis codicibus edidit,<br />
scholia vetera, commentarium cum prolego-<br />
menis, appendice, indice addidit R. Ellis,<br />
Collegii Trinitatis apud Oxoni'enses so-<br />
cius. Oxonii, e typographeo Clarendoniano,<br />
MDCCCLXXXI. - LXIV 204 pp. in 8°.<br />
Ovi<strong>de</strong> était <strong>de</strong>stiné à connaître toutes les<br />
amertumes <strong>de</strong> l’exil après avoir connu tous les<br />
enivrem ents du mon<strong>de</strong>. Relégué à Torni, dans<br />
unaffreux pays, loin <strong>de</strong> cette bruyante et voluptueuse<br />
capitale qu’il aimait tant, il apprend qu’un<br />
<strong>de</strong> ses amis <strong>de</strong> Rome l’a honteusement trahi,<br />
qu’il excite l’opinion publique contre l’exilé,<br />
et veut faire confisquer ses biens. Plein d’une<br />
juste colère, il écrit un long poème où il accable<br />
le perfi<strong>de</strong> d’invectives et d’imprécations. Certes,<br />
il y avait là m atière à un chef-d’œ uvre; dans<br />
une pareille situation, l’homme le plus médiocre<br />
<strong>de</strong>vient éloquent — si natura negat, facit in d i-<br />
gnatio versum : on s’attend à être rem ué par<br />
<strong>de</strong>s accents qui partent du cœ ur. Aussi, quelle<br />
déception quand on lit pour la première fois ce<br />
pamphlet intitulé Ibis! Il y a bien çà et là un<br />
beau vers : mais il est impossible d’im aginer<br />
une composition plus froi<strong>de</strong> et. plus fausse.<br />
Ovi<strong>de</strong> joue avec la douleur, avec l’indignation,<br />
comme il avait joué autrefois avec l’am our :<br />
puérilité persistante, incurable, et qui fait peine,<br />
chez cet homme touchant à la vieillesse et véritablement<br />
malheureux. Il imite le pédant alexandrin<br />
Callimaque,à qui il em prunte le titre même<br />
<strong>de</strong> son ouvrage. Abusant <strong>de</strong> sa facilité d’im provisateur<br />
italien, il amplifie, il s’amuse à versifier<br />
toute une série <strong>de</strong> chara<strong>de</strong>s mythologiques et<br />
historiques : 388 vers sur 638 sont consacrés à<br />
rénum ération, sous une forme souvent énigmatique,<br />
<strong>de</strong>s supplices fameux <strong>de</strong> la fable et <strong>de</strong><br />
l’histoire, supplices qu’il souhaite à celui qui l’a<br />
trahi. Le principal m érite <strong>de</strong> ce poème est<br />
d’exercer la patience et la sagacité <strong>de</strong>s érudits.<br />
Malgré les nom breux travaux dont l’Ibis a été<br />
l’objet, il reste beaucoup à faire. Tous les points<br />
obscurs sont loin d’être élucidés ; et, en outre,<br />
le texte est fort altéré.<br />
L’édition <strong>de</strong> M. Ellis marque un sensible<br />
progrès sur les éditions antérieures. Le savant<br />
philologue anglais a eu à sa disposition quatre<br />
bons manuscrits, notam m ent le Galeanus, qui<br />
n ’avaient pas encore été utilisés ; <strong>de</strong> plus, il a<br />
tiré parti du R epertorium vocabulorum exq u i-<br />
sito m m <strong>de</strong> Conrad <strong>de</strong> Mure (-1273). A l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
ces documents, il a pu rétablir en plusieurs endroits<br />
la vraie leçon. Le zèle avec lequel il a<br />
réuni tout ce qui pouvait contribuer à la critique