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1882 - Université Libre de Bruxelles

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<strong>de</strong>s êtres pélagiques dépend en partie <strong>de</strong> la dénudation<br />

du globe, car, si celle-ci n’apportait<br />

point constamment <strong>de</strong> nouveaux éléments<br />

m inéraux, la m er serait <strong>de</strong>puis longtemps privée<br />

du calcaire, <strong>de</strong> la silice, etc. qui leur sont<br />

nécessaires.<br />

Les anim aux pélagiques se dévorent entre<br />

eux, et leur voracité est extraordinaire. Parmi<br />

ceux qu’on eroirait privés <strong>de</strong> tout moyen <strong>de</strong><br />

défense, le docteur Chun cite le Beroe comme<br />

avalant un autre Cténophore beaucoup plus<br />

grand que lui-même avec une rem arquable rapidité<br />

et en distendant énorm ément les parois<br />

<strong>de</strong> son corps durant cette opération. Un nombre<br />

considérable <strong>de</strong> formes pélagiques <strong>de</strong> la plus<br />

forte taille, comme la baleine franche, se nourrissent<br />

d ’animaux d’un petit volume. Le Professeur<br />

Steenstrupp a trouvé que certains<br />

Céphalopo<strong>de</strong>s habitant la haute me'r s’alimentent<br />

aux dépens <strong>de</strong> Crustacés microscopiques et<br />

l’usage <strong>de</strong> la mem brane large et conique, qui<br />

relie les bras <strong>de</strong>s C ii'rhoteuilüdœ , semble être<br />

<strong>de</strong> faciliter la capture en bloc <strong>de</strong>s « bancs »<br />

d’Entomobtracés. Les Pingouins <strong>de</strong>s m ers du<br />

Sud tirent leur nourriture <strong>de</strong> la même source.<br />

Leur estomac est constamment bourré <strong>de</strong> petits<br />

Crustacés. Ils se meuvent dans l’eau avec une<br />

vitesse considérable, saisissant dans leur course<br />

leur proie minuscule On peut voir à la surface<br />

d’autres Céphalopo<strong>de</strong>s poursuivant les troupes<br />

<strong>de</strong> poissons et rejetant, par leur entonnoir,<br />

l’eau dans toutes les directions.<br />

Un <strong>de</strong>s faits les plus intéressants <strong>de</strong> la vie<br />

pélagique est que certaines formes larvaires,<br />

appartenant à <strong>de</strong>s animaux <strong>de</strong> rivages, subissent,<br />

lorsqu’elles se trouvent acci<strong>de</strong>ntellem ent transportées<br />

en pleine m er, un développement tout à<br />

fait différent <strong>de</strong> révolution norm ale. Le cas le<br />

plus connu est celui <strong>de</strong>s Leptocéphales, qui sont<br />

<strong>de</strong> petits poissons rubannés, absolument transparents,<br />

dont le sang est souvent dépourvu<br />

d’hémoglobine et dont le squelette reste cartilagineux,<br />

pendant que tous les tissus sont mous et<br />

pulpeux. On les rencontre fréquemment à la<br />

surface'<strong>de</strong> l’Océan, loin <strong>de</strong>s cötes, mais jam ais à<br />

l’état sexué. Il paraît que la plupart <strong>de</strong>s Leptocéph<br />

ales doivent être considérés comme les jeunes<br />

<strong>de</strong>s congres, quoique, là où ceux-ci sont le plus<br />

abondants, comme sur les rivages d e Norwège,<br />

par exemple, on n ’ait jam ais trouvé <strong>de</strong> ces larves<br />

m onstrueuses. La conclusion du D1' Günther est<br />

que ces curieux poissons sont le résultat d’un<br />

développement anorm al <strong>de</strong>s œufs d’animaux<br />

divers, qui continuent à croître en volume sans<br />

voir se modifier leurs organes, et périssent sans<br />

<strong>de</strong>venir adultes.<br />

Un autre exemple, <strong>de</strong> même nature, nous est<br />

fourni par les jeunes <strong>de</strong>s poissons plats désignés<br />

sous le nom <strong>de</strong> Piatessæ, lesquels sont,<br />

comme les Leptocéphales, parfaitement transparents.<br />

On les prend souvent dans la haute<br />

m er, où ils sont soumis à <strong>de</strong>s conditions d'existence<br />

défavorables, qui amènent un arrêt <strong>de</strong><br />

développement et font que ces animaux m eurent<br />

très probablem ent sans que leurs organes <strong>de</strong><br />

vision acquièrent la disposition asym étrique<br />

caractéristique <strong>de</strong>s Pleuronectidœ. En effet, les<br />

abysses sont dépourvues <strong>de</strong> poissons plats, et il<br />

semble impossible que les larves <strong>de</strong> ceux-ci<br />

puissent jam ais regagner les cötes.<br />

Quelque chose d’analogue se passe chez les<br />

jeunes du Dactyloptère. Un reiour à la forme<br />

ancestrale se présente à nous, les nageoires<br />

pectorales n’étant pas plus gran<strong>de</strong>s, proportionnellem<br />

ent, que chez les autres poissons. Elles ne<br />

prennent l’aspect d’ailes que beaucoup plus<br />

tard et, comme le professeur Lütken (1) l’a montré,<br />

il n'y a pas <strong>de</strong> relation constante entre le<br />

volume du jeune animal et la longueur <strong>de</strong>s na­<br />

(1 ) C h .<br />

p 4 2 6 .<br />

Lütken. S p olia A tla n tic a . C o p en h agu e, 1880,<br />

L’ATHENÆUM BELGE 293<br />

geoires. En raison <strong>de</strong> ces métamorphoses, la<br />

iarve du D adylopterus volitans avait été placée<br />

dans un genre spécial sous le nom <strong>de</strong> Cephalacanthus.<br />

Enfin, pour term iner, nous comparerons<br />

encore au cas <strong>de</strong>s Leptocéphales la curieuse larve<br />

aplatie du P alinurus, Phyllosoma, qui atteint<br />

quelquefois dans la pleine mer <strong>de</strong> gigantesques<br />

proportions. Il est bien possible, d’ailleurs, que<br />

cette hypertrophie du développement em bryonnaire<br />

soit plus commune qu’on ne le croit généralem<br />

ent et existe chez d’autres animaux. Nous<br />

rapprocherons ces phénomènes <strong>de</strong> ceux qui se<br />

produisent soit naturellem ent, soit artificiellem<br />

ent chez les Amphibiens.<br />

Beaucoup <strong>de</strong> formes pélagiques nourrissent<br />

<strong>de</strong>s parasites semblables à ceux qui affectent<br />

leurs alliés littoraux, mais on voit assez rarem<br />

ent <strong>de</strong>s parasites vraim ent pélagiques. Cependant<br />

les jeunes <strong>de</strong> l'Alciopa vivent à l’intérieur<br />

<strong>de</strong>s Cténophores; une petite hydroméduse s’a ttache<br />

à P h yllirh o e; enfin, les jeunes C unina se<br />

rencontrent en nombre à 1' intérieur <strong>de</strong>s Carm ariria,<br />

à tel point qu’on les avait prises autrefois<br />

pour la progéniture <strong>de</strong> celle-ci.<br />

Les animaux pélagiques se présentent fréquemment<br />

en véritables essaims. Les Velella,<br />

P orpita, Ia n th in a et même les Leptocéphales<br />

voyagent en Iroupes, et un grand nombre d’autres<br />

formes sont ordinairem ent saisies en masse<br />

par le filet.<br />

Par leur distribution géographique universelle,<br />

sauf dan; les m ers froi<strong>de</strong>s, les êtres pélagiques<br />

ressem blent à ceux <strong>de</strong>s grands fonds. Ainsi, suivant<br />

le professeur Lütken, le thon <strong>de</strong> la Méditerranée<br />

est i<strong>de</strong>ntique avec celui du Japon, et la<br />

bonite <strong>de</strong> l’Atlanlique avec celle du Pacifique.<br />

Mais, tandis que les genres sem blent être cosmopolites,<br />

les espèces diffèrent d’une mer à<br />

l’autre.<br />

Quelques formes pélagiques sont excessivem<br />

ent rares. Tel est le Pelagonemertes, ce curieux<br />

Némertien avec intestin ramifié. Cet animal<br />

fut obtenu en abondance par Lesson, en<br />

1830, entre les Moluques et la Nouvelle-Guinée.<br />

Durant l’expédition du Challenger, nous ne le<br />

vîmes que <strong>de</strong>ux fois et en chaque occasion un<br />

seul individu. Le prem ier fut pris au sud <strong>de</strong><br />

l’Australie, et le second sur les cötes du Japon.<br />

Sauf les trois cas prém entionnés, personne ne<br />

semble avoir rencontré le ver en question. Je<br />

dois dire que, dans les <strong>de</strong>ux captures que nous<br />

avons faites, le Pelagonemertes fut retiré du<br />

filet <strong>de</strong>scendu à <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs. Il est<br />

donc possible qu’il ne s'élève que rarem ent à la<br />

surface.<br />

De même, beaucoup <strong>de</strong> Céphalopo<strong>de</strong>s pélagiques<br />

qui doivent être très abondants, ne<br />

peuvent être saisis et ne sont connus que par<br />

fragments. Des paquets <strong>de</strong> leurs becs cornés<br />

sont constamment dans l’estomac <strong>de</strong>s baleines,<br />

qui se nourrissent <strong>de</strong> ces mollusques, et le p ro ­<br />

fesseur Steerstrupp a distingué plusieurs genres<br />

d’après ces matériaux. Je me hâte d ’ajouter qu'il<br />

n’a jam ais trouvé rien d’autre qui pût l’éclairer<br />

sur leur organisation.<br />

Malgré la vaste distribution <strong>de</strong>s formes pélagiques,<br />

M. Murray croit qu’il est possible <strong>de</strong><br />

tirer <strong>de</strong>s conclusions sur la provenance d’un<br />

échantillon du fond suivant la nature <strong>de</strong>s débris<br />

dont il est composé. Il juge également <strong>de</strong> la<br />

profon<strong>de</strong>ur d’après la quantité <strong>de</strong> calcaire dissous<br />

aux dépens <strong>de</strong>s coquilles. Grâce à leur légèreté,<br />

les coquilles <strong>de</strong> Ptéropo<strong>de</strong>s disparaissent<br />

les prem ières, soit à 1,200 fathoms, par exemple,<br />

puis les tests les plus minces <strong>de</strong> Globigérines<br />

à 2,200, puis les plus forts, et ainsi <strong>de</strong><br />

suite.<br />

Les animaux pélagiques semblent, en général,<br />

être très sensibles au <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> salure <strong>de</strong> l’eau.<br />

C’est pour cette raison que la faune superficielle<br />

<strong>de</strong> la Baltique est si pauvre Elle ne se compose,<br />

en effet, que <strong>de</strong> quelques petits Crustacés, mais<br />

abon<strong>de</strong>, par contre, en Scyphomeduscs, telles<br />

qu'A urélia et Cyanœa, qui paraissent supporter<br />

très bien l’eau saum âtre. Outre la Baltique, j ’ai<br />

vu <strong>de</strong>s Scyphoméduses nager en troupes dans<br />

une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s criques <strong>de</strong> la baie <strong>de</strong> Hawkesbury<br />

(Nouvelle-Galles du Sud), où arrivait un<br />

faible courant d'eau douce, qui rendait l'eau<br />

<strong>de</strong> mer très potable. Tout ce que nous venons<br />

<strong>de</strong> dire est. d'autant plus rem arquable que,<br />

comme l’a montré M. Romanes, la seule Hydro-<br />

méduse d ’eau douce que nous connaissions<br />

(Limnococlium), est extrêmem ent sensible à<br />

l’addition <strong>de</strong> sels dans le milieu où elle vil.<br />

M. Georges Ba<strong>de</strong>n Pow ell m’informe que les<br />

gran<strong>de</strong>s Méduses, si abondantes à Soutliampton,<br />

m ontrent une tendance curieuse à se presser en<br />

foule dans la partie haute <strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> cette<br />

localité. On les rencontre presque toujours, non<br />

dans la pleine mer, mais dans les estuaires.<br />

J’ai également rem arqué qu’en Norwège elles se<br />

présentent en quantités imposantes à l’embouchure<br />

<strong>de</strong>s Fjords.<br />

Je désirerais m aintenant faire quelques observations<br />

sur les êtres qui composent la faune<br />

pélagique et sur l’histoire probable <strong>de</strong> celle-ci<br />

dans le passé. La faune pélagique actuelle peut<br />

êlre regardée comme formée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux parties.<br />

La prem ière comprend ces animaux constituant<br />

<strong>de</strong>s ordres et <strong>de</strong>s sous-classes, qui lui sont<br />

particuliers, c’est à-dire qui n ’ont pas <strong>de</strong> re p ré ­<br />

sentants terrestres ou littoraux. On en dislingue<br />

neuf groupes : les Siphonophores, les Cténophores,<br />

(I) les Chælognathes, les Hétéropo<strong>de</strong>s,<br />

les Ptéropo<strong>de</strong>s, les Appendieulaires, les Salpes,<br />

les Pyrosomes et les Cétacés.<br />

De l’antiquité <strong>de</strong>s Siphonophores, nous ne<br />

savons rien directem ent, car on ne les connaît<br />

point à l’état fossile, ce qui ne perm elpas <strong>de</strong> dire<br />

s’ils sont d’origine récente ou non. Ces sont <strong>de</strong>s<br />

colonies complexes d’animaux <strong>de</strong> formes variées,<br />

dont chacune rem plit <strong>de</strong>s fonctions distinctes<br />

pour l’usage commun du tout. Ils constituent<br />

un rameau latéral <strong>de</strong>s Hydroméduses, provenant<br />

d’une planula pélagique, mais il esl encore<br />

incertain s’ils sont dérivés d’Hydroméduses déjà<br />

fixées ou s'ils ont toujours été libres. Les Cténophores<br />

<strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt également <strong>de</strong>s Hydroméduses<br />

et, comme les Siphonophores, n’existent point<br />

à l’état fossile. Leurs ancêtres ont probablem ent<br />

pris naissance aussi d’une planula pélagique.<br />

L’histoire <strong>de</strong>s Chætognathes (Sagilla), est<br />

obscure. Les Hétéropo<strong>de</strong>s et les Ptéropo<strong>de</strong>s sont<br />

dérivés d’un ancêtre Veliger habitant la pleine<br />

mer, lequel rem onte au moins à l’époque silurienne,<br />

et cet ancêtre provenait probablement<br />

d’une Trochosphère également pélagique.<br />

Les Appendieulaires, proches voisines <strong>de</strong> la<br />

souche <strong>de</strong>s Vertébrés, ont probablement toujours<br />

été pélagiques et ont dû possé<strong>de</strong>r <strong>de</strong> bonne<br />

heure la forme qu’elles revêtent actuellem ent,<br />

tandis que les Pyrosomes, après s’être détachés<br />

<strong>de</strong> la même souche simple, se sont probablement<br />

fixés, ont donné naissance à <strong>de</strong>s colonies,<br />

e t, seulement alors, ont repris la haute mer.<br />

Si la suggestion du Professeur Ray Lankesler<br />

est correcte (üegeneratio n , a Chapter, etc.),<br />

il est très possible que l’ancêtre <strong>de</strong> tous les<br />

Vertébrés ait été pélagique. En effet, le développement<br />

<strong>de</strong> l’œil <strong>de</strong> ces animaux ne peut cire<br />

expliqué qu’en supposant, entre autres choses,<br />

que les tissus du corps étaient primitivement<br />

transparents. Les baleines seraient donc, pour<br />

la secon<strong>de</strong> fois dans leur évolution, adaptées à la<br />

vie pélagique. Leurs ancêtres directs, alliés aux<br />

phoques et dérivés <strong>de</strong> la forme-souche <strong>de</strong>s<br />

Mammifères placentaires, auraient repris la mer<br />

et se seraient éloignés <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong>s<br />

rivages.<br />

(1) Il est possible q ue, com m e le regretté B alfour l'a sugg<br />

éré, le Casloplatta <strong>de</strong> K o w alevsk y soit un Cténophore adapté<br />

à la reptation.

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