1882 - Université Libre de Bruxelles
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L'ATHENÆUM BELGE<br />
BUREAUX :<br />
R U E D E L A M A D E L E IN E , 26, A B R U X E L L E S .<br />
S o m m a i r e . — L'Élection <strong>de</strong> Léopold Ier (Em. Banning).<br />
— Lam bert Daneau (P. Fre<strong>de</strong>ricq). —<br />
L'histoire économique en Italie (V. Brants). —<br />
Correspondance littéraire <strong>de</strong> Paris — Chronique.<br />
— Sociétés savantes. — Bibliographie.<br />
O U V R A G E S N O U V E A U X .<br />
L’élection <strong>de</strong> Léopold Ier, d’après <strong>de</strong>s documents<br />
inédits, par Th. Juste. <strong>Bruxelles</strong>, Muquardt,<br />
<strong>1882</strong>. 1 vol. in-8°.<br />
Il ne se passe guère d ’année que M. Juste<br />
n’ajoute un chapitre à son instructive galerie<br />
<strong>de</strong>s Fondateurs <strong>de</strong> la monarchie belge. Rien<br />
n’est m éritoire comme le zèle infatigable qu’il<br />
apporte à enrichir sans cesse une collection<br />
dont les élém ents serviront un jour <strong>de</strong> base à<br />
l’histoire diplomatique <strong>de</strong> la révolution belge.<br />
Grâce à son dévouement, et j ’ajouterais volontiers<br />
à sa chance d’investigateur, il parvient à<br />
arracher à l’oubli bien <strong>de</strong>s pages saillantes <strong>de</strong><br />
cette œ uvre, à compléter même par ses tro u <br />
vailles nos dépöts officiels d’archives. Que <strong>de</strong><br />
négociations sans lui seraient restées obscures,<br />
que d’intrigues cachées, que <strong>de</strong> déterm inations<br />
inexplicables! On a dit avec raison que l’historiographie<br />
du jour abuse un peu du document<br />
et <strong>de</strong> l’inédit, au préjudice <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s politiques<br />
et <strong>de</strong>s vues d ’ensem ble; mais il ne viendrait à<br />
l’esprit <strong>de</strong> personne d’articuler un tel reproche<br />
si tous les chercheurs avaient la main aussi<br />
heureuse que M. Juste. Tout ce qu’on pourrait<br />
regretter — ceci au point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’avenir et<br />
<strong>de</strong>s exigences <strong>de</strong> la critique historique — c’est<br />
l’absence <strong>de</strong> toute indication sur l’origine <strong>de</strong>s<br />
textes précieux dont il accroît sans cesse nos<br />
annales. Bien qu’il les reproduise en majeure<br />
partie et qu’il les tienne sans aucun doute <strong>de</strong><br />
prem ière main, il serait utile dès à présent, et il<br />
paraîtra indispensable après nous, <strong>de</strong> savoir où<br />
trouver les sources originales <strong>de</strong> tant d’informations<br />
essentielles.<br />
Le volume que nous avons sous les yeux a<br />
trait aux négociations qui s’établirent entre<br />
<strong>Bruxelles</strong> et Londres, pendant les mois d’avril et<br />
<strong>de</strong> mai 1831, au sujet <strong>de</strong> la candidature au tröne<br />
belge du -prince Léopold <strong>de</strong> Saxe-Cobourg.<br />
Quatre membres marquants du Congrès, MM. H. <strong>de</strong><br />
Brouckere, II. Vilain XIIII, F. <strong>de</strong> Méro<strong>de</strong> et<br />
l’abbé Defoere, auxquels s’adjoignirent d’abord<br />
M. Jules Van Praet qui avait accompagné le<br />
comte d’Arschot à Londres, puis quelques<br />
semaines après M. P. Devaux, comme membre<br />
du Conseil <strong>de</strong>s m inistres, allèrent s’aboucher<br />
avec le prince, son<strong>de</strong>r ses intentions, combattre<br />
ses scrupules et défendre en mêm e temps notre<br />
cause auprès <strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong> l’Angleterre<br />
et <strong>de</strong> la France à la Conférence. C’était une<br />
mission capitale; il s’agissait à la fois pour<br />
le Gouvernement <strong>de</strong> clore la révolution et<br />
d’étouffer les germ es menaçants d’anarchie ;<br />
J o u r n a l u n iv e r sel d e la L itté r a tu r e , d e s S c ie n c e s e t d e s<br />
Arts. P A R A IS S A N T L E 1 er E T L E 15 D E C H A Q U E M O IS .<br />
5me ANNEE.<br />
N °12 - 1 5 J U I N 1 8 8 2<br />
pour le Congrès, <strong>de</strong> couronner son œ uvre; pour<br />
la Belgique, <strong>de</strong> se faire reconnaître et accepter<br />
par l’Europe dans l’intégrité <strong>de</strong> ses limites et la<br />
plénitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> ses principes constitutionnels. Ce<br />
sont les rapports fort développés <strong>de</strong> ces comm<br />
issaires que M. Juste vient <strong>de</strong> publier; il les<br />
complète par quelques lettres particulières, par<br />
<strong>de</strong>ux dépêches <strong>de</strong> M. Devaux, dont l’une surtout<br />
offre aujourd’hui encore une haute importance,<br />
et par diverses correspondances <strong>de</strong> M. Jules<br />
Van Praet où se révèlent déjà, chez le jeune<br />
diplom ate <strong>de</strong> 25 ans, l’esprit fin et sagace, le<br />
jugem ent droit et sûr du futur homme d’Etat.<br />
Ces documents trouvent leur contre-partie dans<br />
la correspondance <strong>de</strong> M. Lebeau; l’auteur n’en<br />
fait pas usage dans ce volume, mais il en a<br />
donné jadis <strong>de</strong>s fragments étendus dans la<br />
biographie <strong>de</strong> cet homme politique. Prises dans<br />
leur ensem ble, ces diverses sources d’informations<br />
sont bien près <strong>de</strong> m ettre en pleine lumière<br />
l’épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’élection du chef <strong>de</strong> la dynastie<br />
belge.<br />
Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans le fond<br />
<strong>de</strong> la question; mais il est une réflexion qui<br />
s’impose à la lecture <strong>de</strong> ces documents. Après<br />
un <strong>de</strong>mi-siècle d’indépendance, <strong>de</strong> progrès<br />
indéniables, d’efforts heureux et reconnus dans<br />
toutes les directions <strong>de</strong> l’activité humaine, je ne<br />
pense pas qu’un diplomate belge parlât aujourd’hui<br />
à l’Europe un langage plus ferme, plus<br />
digne, plus élevé, que ne le firent ces négociateurs<br />
im provisés, comptant à peine les plus<br />
âgés 30 ans, représentants d’un pays sorti la<br />
veille <strong>de</strong> la tourm ente, près d’y retom ber à tout<br />
moment, entouré d’ennemis déclarés ou d’amis<br />
suspects, sans frontières, sans finances et sans<br />
arm ée. C’est leur force m orale, leur foi profon<strong>de</strong><br />
dans la justice <strong>de</strong> leur cause, leur énergique<br />
sentim ent national, c’est ce rare instinct<br />
politique qui les faisait d’emblée se mouvoir<br />
à l’aise parm i les plus graves complications,<br />
c’est cet ensemble <strong>de</strong> hautes qualités qui leur<br />
perm it <strong>de</strong> tenir les puissances en échec et<br />
d’atteindre le but <strong>de</strong> leurs patriotiques efforts.<br />
L’Europe nous avait dit : voilà vos limites ; le<br />
Congrès répondit et persista à dire : non; il<br />
élut le prince Léopold sans son aveu formel,<br />
sans entente préalable avec la Conférence, et<br />
ses négociateurs agirent avec tant d’habilité, que<br />
la paix européenne se trouva un moment à la<br />
merci <strong>de</strong>s déterm inations du cabinet <strong>de</strong> <strong>Bruxelles</strong>.<br />
« Nous avons, disait M. Devaux, un argum<br />
ent pour la guerre qui répond à tous les<br />
a u tre s , c’est que mieux vaut nous exposer<br />
fût ce à succom ber après une vigoureuse résistance<br />
à la force étrangère que <strong>de</strong> nous déshonorer<br />
par l’anarchie. »<br />
Ce ne fut pas la Belgique, ce fut la Conférence<br />
qui céda. Lord Palm erston, longtemps intraitable,<br />
abandonna pied à pied les bases do<br />
séparation et s’appliqua à nous rassurer, à nous<br />
apaiser. De là sortirent les dix-huit articles et<br />
PRIX D ’ABONNEM ENT :<br />
Belgique, 8 fr. par an j étranger (union postale), 1 0 fr.<br />
la glorieuse journée du 21 juillet. Que manqua-<br />
t-il à la Belgique pour que cette situation <strong>de</strong>vînt<br />
définitive, pour que ce triomphe sur la coalition<br />
européenne n’eût un cruel len<strong>de</strong>m ain? Il lui<br />
manqua un homme <strong>de</strong> guerre ; le Congrès avait<br />
eu toutes les sagesses, le peuple toutes les<br />
vertus, mais ni l’un ni l’autre ne com prirent<br />
assez qu’un traité <strong>de</strong> paix ne dure que s’il est<br />
signé par une bonne épée.<br />
Il n’est plus besoin <strong>de</strong> dire les services que<br />
le s travaux <strong>de</strong> M. Juste ren<strong>de</strong>nt à l’histoire<br />
nationale; ces réflexions feront voir peut-être<br />
qu’ils peuvent en rendre <strong>de</strong> non moins précieux<br />
à notre politique. E. B a n n in g .<br />
Lam bert Daneau (<strong>de</strong>, B eaugency-sur-Loire),<br />
pasteur et professeur en théologie-, 153 0 -<br />
1 593. Sa vie, ses ouvrages, ses lettres inédites,<br />
par Paul <strong>de</strong> Félice, pasteur. Paris, Fischbacher,<br />
<strong>1882</strong>. Gr. in-8°, 384 p.<br />
Lambert Daneau, né à Beaugency vers 1530,<br />
<strong>de</strong>scendait <strong>de</strong> ce Jean Daneau, homme d’arm es<br />
<strong>de</strong> la compagnie <strong>de</strong> Xaintrailles, qui fit prisonnier<br />
le général anglais Talbot sur le champ <strong>de</strong><br />
bataille <strong>de</strong> Patay (1429) et fut anobli par<br />
Charles VII pour cette action d’éclat. Il étudia à<br />
Paris, à Orléans et à Bourges et suivit les leçons<br />
<strong>de</strong> quelques m aîtres illustres, tels que Turnèbe<br />
et Anne du Bourg. Il s’était d’abord adonné à<br />
l’étu<strong>de</strong> du droit ; mais en 1559, à la nouvelle du<br />
supplice <strong>de</strong> son professeur chéri Anne du Bourg,<br />
brûlé comme hérétique à Paris, en place <strong>de</strong><br />
Grève, il embrassa la Réforme et <strong>de</strong>vint l’un do<br />
ses théologiens les plus ar<strong>de</strong>nts, lorsqu’il eut<br />
suivi les leçons <strong>de</strong> Calvin à Genève où il s’était<br />
rendu dès 1560.<br />
Daneau retourna en France comme pasteur<br />
protestant et y exerça ces fonctions à Gien, sur<br />
îa Loire, jusqu’à la Saint-Barthélemy. A cette<br />
époque il s’enfuit à Genève, <strong>de</strong>vint pasteur d’un<br />
village voisin en même temps que professeur <strong>de</strong><br />
théologie à l’université où il était le collègue et<br />
l’ami <strong>de</strong> Théodore <strong>de</strong> Bèze. En 1880 le magistrat<br />
<strong>de</strong> Ley<strong>de</strong>, voulant confier la chaire <strong>de</strong><br />
théologie <strong>de</strong> l’université <strong>de</strong> cette ville à un<br />
m aître illustre, appela Daneau qui y arriva en<br />
mars 1581 après toutes sortes d’ennuis éprouvés<br />
sur le Rhin et à Strasbourg. A Ley<strong>de</strong>, il se<br />
brouilla avec le magistrat et avec certains pasteu<br />
rs; au bout d’un an, il donna sa démission et<br />
partit pour Gand, où il occupa une chaire à<br />
l’école <strong>de</strong> théologie calviniste, nouvellement<br />
créée. Il semble y avoir vécu en paix et entouré<br />
<strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> considération; mais il n’y resta<br />
qu’un an non plus. Il rentra définitivement en<br />
France et <strong>de</strong>vint professeur <strong>de</strong> théologie à<br />
l’Académie d’Orthez. En 1595 il mourut pasteur<br />
à Castres.<br />
C’est cette vie acci<strong>de</strong>ntée d’un réform ateur<br />
oublié aujourd’hui, mais célèbre au XVIe siècle,<br />
d’un « <strong>de</strong>s prem iers du second rang », que