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1882 - Université Libre de Bruxelles

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il faut se livrer entièrem ent à Dieu, se détacher<br />

absolument <strong>de</strong>s sens, être indifférent à to u t;<br />

l'âme, arrivée ainsi à l’« anéantissem ent », se<br />

perd en Dieu et <strong>de</strong>vient une avec lu i; ses opérations<br />

sont d’abord actives et puissantes, plus<br />

tard passives et insensibles ; sa liberté ne se<br />

déploie donc qu’à l’origine. Mme Guyon partage<br />

en trois étapes la voie tracée à ceux qui débutent<br />

: la m éditation, l’oraison <strong>de</strong> simplicité,<br />

la contem plation active ; ces oraisons ne doivent<br />

pas être étudiées, il faut les faire d’abondance<br />

<strong>de</strong> cœ ur. Telle est la théorie exposée dans le<br />

Moyen court. Celle que Mme Guyon a développée<br />

dans les Torrents spirituels est plus élevée.<br />

L’âme, dit-elle en résumé, est en mouvement<br />

perpétuel ; c’est un torrent qui coule par trois<br />

voies différentes : 1° la voie active <strong>de</strong> la méditation,<br />

2° la voie passive, mais <strong>de</strong> lum ière,<br />

3° la voie passive en foi; dans la prem ière<br />

voie, l’âme, adonnée à la m éditation, ressem ble<br />

à un ruisseau; dans la <strong>de</strong>uxième voie, l’âme<br />

n’est pas absolum ent anéantie, et ne sort pas<br />

d’elle-même pour se perdre entièrem ent en<br />

Dieu, c’est un fleuve; dans la troisièm e voie,<br />

l’âme est un torrent que rien n’a rrête et qui se<br />

jette dans la mer pour ne plus s’y retrouver ;<br />

cette voie présente plusieurs <strong>de</strong>grés sur lesquels<br />

nous n ’insistons pas. Il serait d ’ailleurs trop<br />

long d’analyser le livre <strong>de</strong> M. G uerrier. Hâtons-<br />

nous <strong>de</strong> dire que la lecture n ’en est pas fatigante,<br />

et que cet ouvrage d’érudition, où il y a<br />

mainte exposition <strong>de</strong> doctrines et <strong>de</strong> discussions,<br />

est revêtu d’une forme agréable et attachante.<br />

L’auteur a su non seulem ent rassem bler<br />

d’abondants matériaux, mars les m ettre en<br />

œ uvre et leur donner la vie; son livre est<br />

presque une œ uvre d’art autant que <strong>de</strong> savoir.<br />

Ce qu’on lira surtout avec intérêt, c’est la gran<strong>de</strong><br />

controverse qui s’éleva entre Bossuet et Fénelon,<br />

discussion éclatante et solennelle sur le<br />

quiétisme qui tint en suspens durant <strong>de</strong>ux<br />

années Versailles et Rome ; c’est l ' intervention<br />

<strong>de</strong> Leibniz dans le débat et sa tentative <strong>de</strong><br />

conciliation ; c’est l’habileté, la vigueur, l’entraînante<br />

éloquence que déploya l’archevêque <strong>de</strong><br />

Cambrai dans le débat; c’est la passion et Fâprelé<br />

<strong>de</strong> Bossuet et sa conduite que rien, dit M. Guerrier,<br />

n’est capable <strong>de</strong> justifier, car le grand<br />

évêque, sans scrupule et sans pitié, alla jusqu’à<br />

prendre <strong>de</strong>s arm es dans les confi<strong>de</strong>nces <strong>de</strong> l’intim<br />

ité et <strong>de</strong>s lettres confiées à sa probité et à son<br />

honneur. M. Guerrier fait bien voir la gran<strong>de</strong>ur<br />

du mysticisme, mais aussi ses dangers; il<br />

mêle dans son étu<strong>de</strong> la philosophie religieuse<br />

et l’histoire, l’exposé <strong>de</strong>s débats théologiques<br />

et le récit <strong>de</strong>s faits biographiques ; il porte sur<br />

la vie et la doctrine <strong>de</strong> Mme Guyon un jugem ent<br />

qui restera, pensons-nous, comme le seul jugement<br />

équitable et vrai.<br />

Les éditeurs Plon ont publié sous le titre, un<br />

peu banal, d'Étu<strong>de</strong>s littéraires le <strong>de</strong>rnier<br />

ouvrage <strong>de</strong> Saint-René Taillandier. Cet ouvrage<br />

e st une série d’articles publiés dans la Revue<br />

<strong>de</strong>s D eux-M on<strong>de</strong>s sur lo poète Boursault. Les<br />

éditeurs ont tenu compte <strong>de</strong>s corrections <strong>de</strong><br />

détail qu’avait notées l’auteur, entre autres<br />

<strong>de</strong> la correction qui fit tant <strong>de</strong> bruit, trop<br />

<strong>de</strong> bruit m êm e, dans la presse parisienne.<br />

Saint-René Taillandier, lisant dans un écrit<br />

du tem ps, que le jour <strong>de</strong> la prem ière représentation<br />

<strong>de</strong> B rita n n icm , un m arquis <strong>de</strong><br />

Courboyer faisait ses preuves <strong>de</strong> noblesse, avait<br />

cru que ce seigneur exposait au public, dans une<br />

so rte <strong>de</strong> conférence, sa noble <strong>de</strong>scendance et la<br />

L’ATHENÆUM BELGE 115<br />

suite <strong>de</strong> ses aïeux ; l’expression qu’il n’avait pas<br />

comprise, signifiait que le marquis <strong>de</strong> Courboyer<br />

subissait ce jour-là le prem ier supplice. Mais<br />

que celui qui n’a jamais commis d’erreur jette la<br />

pierre à Saint-René Taillandier ! D’ailleurs, cette<br />

étu<strong>de</strong> sur u n poète comique d u tem ps <strong>de</strong> Molière,<br />

sur l’auteur du Mercure galant, d'Esope à<br />

la ville, d'Esope à ta cour, sur l’homme qui a<br />

pleuré en beaux vers la mort <strong>de</strong> Molière, qui<br />

a vivement peint ses contem porains, qui a mis<br />

sur la scène la morale pratique et tracé <strong>de</strong> la<br />

royauté idéale une image si haute, cette étu<strong>de</strong>,<br />

dis-je, est fort attachante. Mais elle ne forme<br />

que la prem ière partie du volume. Les éditeurs<br />

y ont joint une secon<strong>de</strong> partie qui renferm e les<br />

étu<strong>de</strong>s écrites à diverses époques par Saint-René<br />

Taillandier sur le mouvement poétique <strong>de</strong> la<br />

Provence ; voici les titres <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s : Les<br />

prem iers sym ptömes d'une renaissance poétique<br />

en Provence (1 8 3 1) ; La nouvelle poésie<br />

provençale (Roum anille, Aubanel et Mistral ; L i<br />

M argari<strong>de</strong>to, L i Prouvençalo, L i Nouvé, Mireio)<br />

; Un nouveau poème <strong>de</strong> Mistral; Calendau;<br />

La fête internationale <strong>de</strong> Saint-R em y <strong>de</strong> Provence<br />

; Lis Isclo d'or <strong>de</strong> M istral. Il est regrettable<br />

que Saint-René Taillandier n’ait pas eu le<br />

temps <strong>de</strong> refondre ces élu<strong>de</strong>s et d’en faire une<br />

histoire suivie et complète ; mais si le livre n’a<br />

pas été écrit, on en retrouvera la substance dans<br />

ces morceaux épars, et l’on doit rem ercier les<br />

éditeurs d'avoir réuni dans un volume accessible<br />

<strong>de</strong>s articles im portants par le fond, attachants<br />

par la forme et qu’il est difficile <strong>de</strong> se procurer,<br />

à moins <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r la collection complète <strong>de</strong><br />

la Revue <strong>de</strong>s D eux-M on<strong>de</strong>s, dont Saint-René<br />

Taillandier fut l’assidu pourvoyeur.<br />

On trouvera dans le livre <strong>de</strong> M. Hippeau <strong>de</strong>s<br />

fragments <strong>de</strong>s discours <strong>de</strong> Mirabeau, les rapports<br />

<strong>de</strong> Talleyrand, <strong>de</strong> Condorcet, <strong>de</strong> Lanthenas,<br />

<strong>de</strong> Romme, <strong>de</strong> Lepelletier, <strong>de</strong> Lakanal,<br />

<strong>de</strong> Daunou, <strong>de</strong> Fourcroy, etc. ; ces documents<br />

sont rares, et on ne se les procure<br />

que difficilement ; il faut savoir gré à M. Hippeau<br />

<strong>de</strong> les avoir rassem blés. Mirabeau veut conserver<br />

tout ce qui dans le passé peut convenir aux<br />

institutions nouvelles ; il gar<strong>de</strong> la monarchie,<br />

mais sans ses abus ; il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> une organisation<br />

large et complète <strong>de</strong> l’enseignem ent, mais<br />

reconnaît aux pères <strong>de</strong> famille le droit <strong>de</strong> diriger<br />

l’éducation <strong>de</strong> leurs enfants, <strong>de</strong> les confier à<br />

<strong>de</strong>s m aîtres particuliers ou à <strong>de</strong>s corporations<br />

enseignantes. Talleyrand réclam e l’instruction<br />

pour tous et donnée par tous ; son rapport est<br />

un brillant résumé <strong>de</strong>s doctrines <strong>de</strong> la Constituante;<br />

m ais, violemment discuté, passionnément<br />

attaqué par la gauche, il fut renvoyé à la Législature<br />

suivante. Condorcet n ’admet dans l’instruction<br />

publique aucun culte religieux, il<br />

réclam e <strong>de</strong>s écoles prim aires, <strong>de</strong>s écoles secondaires<br />

<strong>de</strong>stinées aux jeunes gens qui se préparent<br />

au commerce et à l’industrie, <strong>de</strong>s in stituts<br />

qui correspon<strong>de</strong>nt aux lycées et aux athénées<br />

où l’on reçoit l’instruction classique, <strong>de</strong>s<br />

lycées qui répon<strong>de</strong>nt à nos Facultés et <strong>Université</strong>s<br />

d’aujourd’hui, la Société nationale <strong>de</strong>s classes et<br />

<strong>de</strong>s arts qui est <strong>de</strong>venue l’Institut. Sous la Convention,<br />

après le décret du 12 décem bre 1792,<br />

rendu sur la proposition <strong>de</strong> Joseph Chenier et<br />

créant les écoles prim aires dirigées par <strong>de</strong>s<br />

instituteurs, Lanthenas rédige un rapport sur<br />

l’organisation complète <strong>de</strong> ces écoles primaires ;<br />

Romme, un autre rapport où il résume les idées<br />

<strong>de</strong> Condorcet ; Lepelletier, enfin, le rapport qui<br />

est adopté définitivement par la Convention<br />

(mais rapporté plus tard) et qui esl tout entier<br />

dans cet article, que « les enfants do cinq ans<br />

jusqu’à douze pour les garçons, et jusqu’à onze<br />

pour les filles, seront élevés en commun aux<br />

dépens <strong>de</strong> la République, sous la sainte loi <strong>de</strong><br />

l’égalité. » Enfin, le 9 brum aire an III, Lakanal<br />

présente son rapport sur la création <strong>de</strong>s<br />

écoles norm ales, et le 26 frimaire <strong>de</strong> la même<br />

année, un autre rapport sur la création <strong>de</strong>s<br />

écoles centrales ; le 27 vendémiaire an IV, Daunou,<br />

au nom <strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong>s onzo et du<br />

Comité d’inslruclion publique, propose une loi<br />

générale sur l’organisation <strong>de</strong>s divers établissements<br />

d’instruction; puis viennent les rapports<br />

<strong>de</strong> Fourcroy sur l’organisation <strong>de</strong> l’école polytechnique<br />

et sur un projet do loi du gouvernement<br />

consulaire.<br />

L’infatigable M. Babeau vient encore <strong>de</strong><br />

publier un travail <strong>de</strong> très gran<strong>de</strong> valeur sur<br />

l'Ecole <strong>de</strong> village pendant la Révolution. Le<br />

plan qu’il adopte est d’une gran<strong>de</strong> simplicité :<br />

il expose d’abord l’état <strong>de</strong> l’instruction prim aire<br />

en 1789, il m ontre qu’à cette époque, les écoles<br />

étaient nombreuses dans les campagnes, mais que<br />

l’enseignement qu’on y donnait était inégal et<br />

restreint et que les m aîtres brillaient plus par<br />

la régularité <strong>de</strong> leur doctrine que par l’étendue<br />

<strong>de</strong> leur savoir. Il y avait donc <strong>de</strong>s réformes à<br />

faire ; mais, au lieu <strong>de</strong> réformer, on détruisit :<br />

on ne tint aucun compte <strong>de</strong>s faits existants ol<br />

<strong>de</strong>s résultats déjà acquis ; on voulut créer <strong>de</strong><br />

toutes pièces un système nouveau. C’est ce que<br />

fait voir M. Babeau dans les chapitres suivants :<br />

les prem iers effets <strong>de</strong> la Révolution, la Convention<br />

et les instituteurs, les m aisons d ’éc le,<br />

l'enseignem ent antireligieux, les fêles décadaires<br />

et nationales, la concurrence <strong>de</strong>s écoles<br />

libres. L’Assemblée constituante se borna au<br />

rapport volumineux <strong>de</strong> Talleyrand et porta<br />

préjudice à l’instruction prim aire par ses<br />

décrets sur les biens seigneuriaux, sur les biens<br />

ecclésiastiques, sur la constitution civile du<br />

clergé ; les in<strong>de</strong>mnités que donnaient les seigneurs<br />

furent supprim ées ; les maîtres d’école<br />

prirent parti pour le curé inserm enté ou pour<br />

l’in tru s ; ils durent prêter le serm ent civique ;<br />

ceux qui ne le prêtaient pas étaient expulsés ;<br />

ceux qui le prêtaient n’avaient que peu d’élèves.<br />

La Législative fut aussi im puissante que la<br />

Constituante à faire passer dans la loi ses projets<br />

<strong>de</strong> réorganisation <strong>de</strong>s écoles prim aires. La<br />

Convention multiplia les décrets ; elle créa<br />

les mots d’instituteurs et d’instruction p rim<br />

aire, elle souleva toutes les questions, elle<br />

introduisit le principe du salaire <strong>de</strong>s maîtres par<br />

l’Etat. Toutefois, dit M. Babeau, l’action véritablement<br />

efficace <strong>de</strong> cette assemblée, « la plus<br />

lâche et la plus énergique <strong>de</strong>s assem blées », ne<br />

s’affirma que pour épurer le personnel <strong>de</strong>s instituteurs<br />

d an s le sens révolutionnaire et introduire<br />

dans les écoles les doctrines nouvelles. Tous<br />

les instituteurs durent avoir un certificat <strong>de</strong><br />

civisme et l’on exigea d’eux le dévouement politique<br />

plutöt que la capacité professionnelle ; le<br />

minim um <strong>de</strong> leur traitem ent fut fixé à 1,000<br />

francs, qui ne furent pas payés, ou payés très<br />

tard, ou payés en assignats ; aussi les instituteurs<br />

durent-ils presque partout recourir à la<br />

commune ou au départem ent. Leur position<br />

était d’autant plus précaire que les biens ecclésiastiques,<br />

qui constituaient les principales ressources<br />

<strong>de</strong> nom breuses écoles, avaient été vendus<br />

; les m aisons d ’école furent donc vendues,<br />

et il est vrai qu’on installa les classes dans les

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