1882 - Université Libre de Bruxelles
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; 230 L’ATHENÆUM BELGE<br />
au-<strong>de</strong>vant <strong>de</strong> Sabinus et <strong>de</strong> Cotta « ad fines regni<br />
sui » c’est bien, comme le prétend M. Henrard,<br />
jusqu’à la frontière <strong>de</strong> leur royaume. Mais lorsque<br />
César dit : « A xoiia in extrem is R em orum<br />
finibus », ou bien : « A duatuca in m ediis E lm -<br />
ronum finibus », le vrai sens me paraît être :<br />
l’Aisne à l’extrém ité du territoire <strong>de</strong>s Rèmes ;<br />
Aduatuca au milieu du territoire <strong>de</strong>s Éburons.<br />
» Pour apprécier l’étendue du pays parcouru<br />
par les légions rom aines, pendant les opérations<br />
dont l’auteur cherche à fixer le théâtre, la donnée<br />
fondamentale c’est la longueur moyenne <strong>de</strong><br />
l’étape. Notre confrère, se basant sur <strong>de</strong>ux exemples<br />
tirés <strong>de</strong>s guerres anciennes et mo<strong>de</strong>rnes,<br />
regar<strong>de</strong> une journée <strong>de</strong> 2 2 kilom ètres comme<br />
un maximum que César n’a pas pu dépasser, et<br />
qu’il n’a pu atteindre que dans <strong>de</strong>s circonstances<br />
exceptionnelles. Cette valeur <strong>de</strong> l’étape romaine<br />
mérite qu’on s’y arrête, car elle constitue une<br />
véritable échelle géographique, <strong>de</strong> laquelle peut<br />
dépendre la cohésion du système <strong>de</strong> M. Henrard.<br />
.le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rai donc à mes confrères la perm ission<br />
<strong>de</strong> discuter ce point avec quelque détail.<br />
» D’après Végèce, on exerçait le soldat romain<br />
à parcourir 30 et même 34 kilomètres en cinq<br />
heures, et cela en le chargeant d’un poids <strong>de</strong><br />
GO livres. Ne doit on pas en conclure que, dans<br />
<strong>de</strong>s circonstances pressantes, il pouvait parcourir<br />
le double en une journée ?<br />
» On objectera peut-être qu’en temps <strong>de</strong><br />
guerre, la marche <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong>vait être retardée<br />
par la nécessité <strong>de</strong> se procurer les vivres<br />
pour la journée et les matériaux <strong>de</strong> campement<br />
pour la nuit ; mais ce serait mal connaître les<br />
soldats rom ains : « Ils portent, dit Cicéron (Tusc.,<br />
lib II, ch. 15), leur nouriture pour plus <strong>de</strong><br />
quinze jours, tout ce qui est nécessaire à leur<br />
usage, tout ce qu’il faut pour se fortifier. Pour<br />
ce qui regar<strong>de</strong> leurs arm es, ils n ’en sont pas plus<br />
em barrassés que <strong>de</strong> leurs mains. »<br />
» Le récit <strong>de</strong> la catastrophe dont Sabinus et<br />
Cotta furent les victimes nous fait connaître lui-<br />
mème la longueur d'étape <strong>de</strong>s légions <strong>de</strong> César.<br />
En elïet, dans le conseil <strong>de</strong> guerre tenu par les<br />
généraux romains la veille du jour où ils évacuèrent<br />
le Castellum A dvatucum , Sabinus dit<br />
que le surlen<strong>de</strong>m ain (perendino die) ils auront<br />
rejoint un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux camps voisins. Or, la distance<br />
ù parcourir était <strong>de</strong> 75 kilom ètres au moins<br />
(m iltitt passuum circiter quinquuginta, aut<br />
paulo am plius). Chacune <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux étapes <strong>de</strong>vait<br />
donc être <strong>de</strong> 35 à 40 kilom ètres. *<br />
» Et dans le cas actuel, rem arquons-le bien,<br />
les Romains ont à traverser <strong>de</strong>s populations soulevées<br />
; ils m archent sur une longue file, et sont<br />
em barrassés <strong>de</strong> nombreux bagages (longissimo<br />
agnnne m agnisque im pedim entis).<br />
n Du reste, le passage <strong>de</strong>s C om m entaires que<br />
notre confrère cilo ù l’appui <strong>de</strong> son opinion, me<br />
parait se tourner tout à fait contre elle. César,<br />
tranquillem ent établi dans son quartier-général<br />
<strong>de</strong> Samarobriva, vient, à 5 heures du soir, <strong>de</strong><br />
recevoir à l’improviste la nouvelle du danger<br />
pressant où se trouve le camp <strong>de</strong> Q. Cicéron.<br />
Aussitöt il dépêche un courrier à Crassus, qui<br />
se trouve à 37 kilom ètres en arrière, et lui ordonne<br />
<strong>de</strong> partir à m inuit pour venir gar<strong>de</strong>r Samarobriva.<br />
Le len<strong>de</strong>main, à 9 heures du matin,<br />
les coureurs lui annoncent l’arrivée <strong>de</strong> Crassus.<br />
Celui-ci avait donc, en une seule marche <strong>de</strong> nuit,<br />
fait près <strong>de</strong> 40 kilomètres.<br />
» En même temps qu’il envoyait un courrier à<br />
Crassus, César en dépêchait un autre à Fabius,<br />
qui se trouvait en Morinie avec une légion, et lui<br />
donnait ren<strong>de</strong>z-vous en route sur la frontière <strong>de</strong>s<br />
Alrébales. Il part vers 9 heures <strong>de</strong> Samarobriva<br />
et « ce jour-là, dit-il, il s’avance <strong>de</strong> 30 kilomètres<br />
» (eo die m i'lia passuum XX progredilur).<br />
— « Cette première marche est si extraordinaire<br />
», dit M. Henrard, « que César croit <strong>de</strong>voir<br />
la m entionner. »<br />
» Mais il est facile <strong>de</strong> voir que si, dans cette<br />
circonstance, César m entionne, contre son habitu<strong>de</strong>,<br />
les 30 kilomètres qu'il a parcourus dans<br />
la journée, ce n’est pas à titre d’étape exceptionnelle.<br />
N’étant parti qu’à 9 heures du matin,<br />
et ayant dû. dans la journée, opérer sa jonction<br />
avec Fabius, il constate dans son style bref, et<br />
sans faire précé<strong>de</strong>r sa phrase d’aucune transition,<br />
que, m algré c -j s circonstances défavorables, il a<br />
pu avancer ce jour-là <strong>de</strong> 30 kilomètres.<br />
» Mais les jours suivants, c’est à gran<strong>de</strong>s<br />
journées qu’il m arche (m agnis itineribus),<br />
comme il le dit lui même quelques lignes plus<br />
loin.<br />
» En attribuant comme limite extrêm e 22 kilom<br />
ètres à l’étape norm ale <strong>de</strong>s légions rom aines,<br />
à leur étape lorsqu'elles marchaient vers un objectif<br />
déterm iné, à leur ju s tu m itei' enfin, pour<br />
me servir <strong>de</strong> l’expression consacrée, notre confrère<br />
me paraît être resté beaucoup au-<strong>de</strong>ssous<br />
<strong>de</strong> la réalité, et je fais ici mes réserves au sujet<br />
<strong>de</strong>s conséquences qu’il en tire à l’appui <strong>de</strong> son<br />
ingénieux système.<br />
» Au chapitre V, l’auteur m ontre que la situation<br />
géographique <strong>de</strong> Vieux-Virton, notamment<br />
sa distance au Rhin, n ’est en désaccord sur<br />
aucun point avec les indications que fournissent<br />
les Com m entaires. Il fait voir également qu’elle<br />
concor<strong>de</strong> avec l’emplacement probable qu’occupaient<br />
les <strong>de</strong>ux autres camps, celui <strong>de</strong> Labiénus<br />
chez les Rèmes, et celui <strong>de</strong> Cicéron chez les<br />
Nerviens. Enfin, il décrit la localité au point <strong>de</strong><br />
vue topographique actuel, et y fait reconnaître<br />
les diverses particularités signalées par César,<br />
soit lorsque Sabinus et Cotta tom bèrent sous les<br />
coups d ’Ambiorix (dans la Vallée <strong>de</strong>s Forges,<br />
suivant l’auteur), soit lorsque les cinq cohortes<br />
<strong>de</strong> Cicéron furent surprises et m assacrées par<br />
les Sigambres (sur la colline qui sépare Virton<br />
<strong>de</strong> Harnoncourt). Ces <strong>de</strong>ux engagem ents, le <strong>de</strong>rnier<br />
surtout, sont décrits d’une manière vivante,<br />
et font réellem ent assister le lecteur aux diverses<br />
phases <strong>de</strong> l’événement, tel qu’il a pu avoir<br />
lieu.<br />
» Pour couronner son œ uvre, l’écrivain militaire<br />
croit <strong>de</strong>voir faire une excursion dans le<br />
champ <strong>de</strong> la philologie. Il essaie <strong>de</strong> renverser<br />
l’argum ent que les partisans <strong>de</strong> l’emplacement<br />
<strong>de</strong> Tongres ont tiré du nom A duatuca Tongro-<br />
ru m . Pour lui, A duatuca n ’est qu’un nom passager,<br />
qui a été attribué successivem ent ù diverses<br />
stations militaires, <strong>de</strong>stinées à la gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
bagages ; mais pas plus à .Tongres qu’à Virton,<br />
le nom <strong>de</strong> la localité ne <strong>de</strong>vait survivre bien<br />
longtemps à sa <strong>de</strong>stination. Quand les localités<br />
ont cessé <strong>de</strong> servir à la gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s bagages, elles<br />
ont pris soit un nom <strong>de</strong> peuple, comme à Tongres,<br />
soit un nom <strong>de</strong> rivière, comme à Virton.<br />
« Il ne faut pas être philologue», dit M. Henrard,<br />
« pour reconnaître au nom A duatuca une physionomie<br />
germaniqne. » J’avoue que cette physionomie<br />
ne m’a aucunem ent frappé.<br />
» En second lieu, parlant <strong>de</strong> cette origine germanique,<br />
l’auteur donne pour étymologie à<br />
A duatuca les mots liet W acht qui, dit-il, signifient<br />
la gar<strong>de</strong>, en langue thioise. Je n ’ai aucune<br />
notion <strong>de</strong>s anciens idiomes germ aniques, mais<br />
je sais qu’aujourd’hui, en néerlandais comme<br />
en allemand, le mot W acht est du genre féminin<br />
: or, l’article het caractérise le genre neutre.<br />
Arrêté par cette difficulté, j ’ai communiqué mes<br />
doutes à un <strong>de</strong> nos confrères, dans l’érudition<br />
philologique duquel j ’ai toute confiance. Voici<br />
ce qu’il m’a répondu :« Le mot Wach t (et encore<br />
moins het Waclit, car le genre neutre est inadmissible)<br />
n'a pu donner naissance à Aduatuca-<br />
La facture celtique du mot est tellem ent évi<strong>de</strong>nte,<br />
qu’il est oiseux d’en chercher l’origine<br />
ailleurs. » M. Henrard <strong>de</strong>vrait donc, me semble-<br />
t-il, faire le sacrifice <strong>de</strong> son étymologie. Malheureusem<br />
ent, il y a un proverbe qui dit que les<br />
enfants les plus souffreteux sont précisém ent<br />
ceux auxquels on tient le plus.<br />
» Arrivé au term e <strong>de</strong> ce trop long rapport, il<br />
me reste à formuler mes conclusions. A mes<br />
yeux, le problèm e <strong>de</strong> l’emplacement d’Aduatuca<br />
n ’est pas résolu par le travail que je viens d’analyser<br />
: adhuc sub judice lis est. Mais le problème<br />
n’est pas insoluble <strong>de</strong> sa nature ; on ne<br />
s’en était plus occupé <strong>de</strong>puis longtemps dans le<br />
sein <strong>de</strong> l’Académie, et l’on doit savoir gré à M. le<br />
lieutenant-colonel Henrard <strong>de</strong> venir interrom pre<br />
la prescription. D’ailleurs le mémoire <strong>de</strong> M. Henrard<br />
possè<strong>de</strong> un véritable m érite <strong>de</strong> style ; le<br />
plan en est m éthodique, et, sans se rallier au<br />
fond du système, on peut dire que les détails en<br />
sont exposés avec beaucoup d’élégance et <strong>de</strong><br />
clarté. Je suis donc d’avis qu’il m érite d ’ötre<br />
im primé dans les recueils <strong>de</strong> l’Académie.<br />
» Sans me prononcer sur la question géographique,<br />
qui laisse encore aujourd’hui beaucoup<br />
d’obscurités, je reconnais que le site acci<strong>de</strong>nté<br />
du Luxembourg correspond parfaitement à la<br />
<strong>de</strong>scription que donne César du castellum, et<br />
surtout <strong>de</strong> l'oppidum A tuatuca (car il ne faut<br />
pas confondre ces <strong>de</strong>ux localités) Peut-être <strong>de</strong>s<br />
recherches archéologiques,'entreprises dans cette<br />
province où il existe encore tant <strong>de</strong> parties<br />
inexplorées, seront-elles un jour couronnées <strong>de</strong><br />
succès. Huit à neuf mille Romains ne sont pas<br />
ainsi massacrés dans un même endroit, sans que<br />
cette nation, qui avait le culte <strong>de</strong>s m orts, ne<br />
leur ait creusé quelque sépulture. Espérons donc<br />
qu’un jour ou l’autre l’archéologue, dans une<br />
fouille heureuse, retrouvera quelques débris <strong>de</strong><br />
leurs arm es et <strong>de</strong> leurs ossements :<br />
Exesa inveniet scabrâ rubigine pila,<br />
Grandiaque effossis m irabitur ossa sepulcris. »<br />
l ’ i n s t : t u t d e d r o i t i n t e r n a t i o n a l .<br />
L ’Institut <strong>de</strong> droit international a tenu, à T urin,<br />
du I l au 16 septem bre, sa huitièm e session. A<br />
l’ordre du jo u r figuraient diverses questions im portantes.<br />
Telles étaient notam m ent :<br />
1° L’examen <strong>de</strong>s règles générales qui pourraient<br />
être sanctionnées par <strong>de</strong>s traités internationaux en<br />
vue d’assurer la décision uniform e <strong>de</strong>s conflits entre<br />
les diverses législations civiles, com m erciales et<br />
crim inelles;<br />
2" La réform e du droit m atériel et formel en<br />
m atière <strong>de</strong> prises. L ’Institut était saisi, au sujet <strong>de</strong><br />
ce point, d’un projet <strong>de</strong> règlem ent élaboré par<br />
M. <strong>de</strong> Bulmerincq, professeur à l’<strong>Université</strong> <strong>de</strong><br />
H ei<strong>de</strong>lbeig, et d’une révision dudit projet par une<br />
commission <strong>de</strong> l ’Institut, qui a siégé à W iesba<strong>de</strong>n<br />
en 1881 ;<br />
3» L’application aux nations orientales du droit<br />
<strong>de</strong>s gens coutum ier <strong>de</strong> l’Europe et l’examen <strong>de</strong>s<br />
réformes à introduire dans les institutions judiciaires<br />
en vigueur dans les pays d’Orient. par rapport<br />
aux procès dans lesquels un Européen ou un A m éricain<br />
est engagé. Des rapports avaient été déposés<br />
par M. M artens, professeur à l ’<strong>Université</strong> <strong>de</strong> Saint-<br />
Pétersbourg, et par sir T ravers Twiss, ancien avocat<br />
général <strong>de</strong> la Heine.<br />
En ce qui concerne le conflit <strong>de</strong>s lois com m erciales,<br />
l'assemblée a voté les résolutions suivantes :<br />
« 1. Plusieurs parties du droit commercial<br />
<strong>de</strong>vraient être réglées par une législation uniforme,<br />
le moyen le plus radical et le plus efficace <strong>de</strong> faire<br />
disparaître les conflits <strong>de</strong> droit.<br />
» 2. Les matières à l’égard <strong>de</strong>squelles l ’uniformité<br />
est surtout désirable sont : les lettres <strong>de</strong> change<br />
et autres papiers négociables, le contrat <strong>de</strong> tran sport<br />
et les principales parties du droit m aritim e.<br />
» 3. Pou.' toutes les autres parties du droit comm<br />
ercial, l’intérêt <strong>de</strong>s relations comm erciales exige<br />
que les principaux conflits soient décidés au moyen<br />
<strong>de</strong> traités, à défaut <strong>de</strong> dispositions uniformes dans<br />
les législations nationales. -<br />
M. <strong>de</strong> Martens avait été chargé lors <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière<br />
réunion <strong>de</strong> la Commission <strong>de</strong> W iesba<strong>de</strong>n (seplembre<br />
18S1) <strong>de</strong> préparer un avant-projet concernant lo,