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1882 - Université Libre de Bruxelles

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L’ATHENÆUM BELGE<br />

BUREAUX :<br />

R U E D E L A M A D E L E I N E , 26, A B R U X E L L E S .<br />

S o m m a ir e . — L’a rt flamand et le régime <strong>de</strong>s<br />

corporations (Alph. W auters). — La collection<br />

Ham ilton (Ad. De Ceuleneer). — Le m aréchal<br />

Bugeaud. — Correspondance littéraire <strong>de</strong> Paris.<br />

— L ’Association internationale africaine et le<br />

Comité d’étu<strong>de</strong>s du Haut-Congo. — Chronique.<br />

— Sociétés savantes. — Bibliographie.<br />

L A P E I N T U R E F L A M A N D E E T L E R É G I M E D E S<br />

C O R P O R A T IO N S .<br />

M. Baes, qui a déjà rem porté plusieurs succès<br />

dans les concours ouverts par l’Académie royale<br />

do Belgique et d’autres sociétés, a obtenu l’an<br />

<strong>de</strong>rnier la médaille d’or pour un mémoire en réponse<br />

à la question : D éterm iner, sur <strong>de</strong>s docum<br />

ents authentiques, quel a été, <strong>de</strong>puis le com ­<br />

m encem ent du xiv° siècle jusqu'à l’époque <strong>de</strong><br />

Rubens inclusivem ent, le régim e auquel était<br />

soum ise la profession <strong>de</strong> peintre, ta n t sous le<br />

rapport <strong>de</strong> l'apprentissage que sous celui <strong>de</strong><br />

l'exercice <strong>de</strong> l’art,dans les provinces constituant<br />

aujourd'hui la Belgique. E x a m in e r si ce régim<br />

e a été favorable ou non au développement<br />

et au progrès <strong>de</strong> l'art. Son travail, qui comprend<br />

224 pages in-4°, vient <strong>de</strong> paraître dans le<br />

tom e XLIV <strong>de</strong>s mémoires couronnés <strong>de</strong> l’Académie<br />

(1) .<br />

Il atteste <strong>de</strong> nom breuses recherches, une lecture<br />

attentive <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s publications récentes<br />

sur l’histoire <strong>de</strong> l’art, et les faits cités<br />

sont en très grand nom bre ; en somme,c’est une<br />

œ uvre im portante, un grand effort tenté. Je ne<br />

puis cependant m’abstenir <strong>de</strong> reprochera l’auteur<br />

d ’attacher <strong>de</strong> l’im portance à <strong>de</strong>s détails qui n’offrent<br />

aucun intérêt et qui sont <strong>de</strong> nature à égare<br />

r le lecteur plutöt qu’à lui faire discerner la<br />

vérité. Mais il esl évi<strong>de</strong>nt qu’ici je suis dans mon<br />

tort, car cette mo<strong>de</strong> facile d’enrégim enter tout<br />

ce que l’on copie, sans en peser la valeur ou<br />

l’iiiopportunité, se répand <strong>de</strong> plus en plus et<br />

n ’excite les critiques <strong>de</strong> personne.<br />

Ce qui attirera à M. Baes <strong>de</strong>s reproches plus<br />

sérieux, c’est le système adopté à l’avance par<br />

lui, <strong>de</strong> ne voir <strong>de</strong> salut pour l'art que dans le<br />

rétablissem ent <strong>de</strong>s anciennes corporations.<br />

« Le régim e, dit-il dans sa conclusion (p. 196),<br />

auquel était soumise la condition <strong>de</strong>s peintres<br />

aux siècles passés a été favorable (le mot est<br />

souligné) à ceux-ci, car les gil<strong>de</strong>s ont toujours<br />

été les gardiennes <strong>de</strong> leurs intérêts ^et par<br />

l’apprentissage ont servi à em pêcher l’encombrem<br />

ent <strong>de</strong> la route que les artistes véritables<br />

avaient à parcourir, »<br />

Pesons bien la valeur <strong>de</strong> cette phrase. Elle<br />

signifie, en <strong>de</strong>ux mots, que le but à atteindre<br />

c’est : 1° <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong>r les intérêts <strong>de</strong>s artistes,<br />

c’est-à dire <strong>de</strong> leur assurer la vente <strong>de</strong> leurs<br />

(1) Tiré à part, sous le titre : L a peinture flam an<strong>de</strong> et son<br />

£nseignetnent sous le régime <strong>de</strong>s confréries <strong>de</strong> Saint-L uc,<br />

par Edgar Baes. <strong>Bruxelles</strong>, Hayez.<br />

J o u rn a l u n iv ersel d e la L ittéra tu re, d es S cien ces et<br />

<strong>de</strong>s Arts. PARAISSANT LE 1er ET LE 15 DE CHAQUE MOIS.<br />

5me ANNEE.<br />

N - 2 3 - 1 - D É C E M B K K X 8 S 3<br />

œ uvres; 2° d’empêcher l’encom brem ent <strong>de</strong> leur<br />

profession,, c’est-à-dire <strong>de</strong> rem plir <strong>de</strong> difficultés<br />

les commencements <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> l’artiste.<br />

Toujours la question d ’argent.<br />

Pour arriver à un bon résultat, notre auteur<br />

préconise « une fédération <strong>de</strong>s cercles ou associations<br />

artistiques du pays, combinée avec<br />

l’appui du gouvernem ent, dont le contröle <strong>de</strong>viendrait<br />

indispensable à leur adm inistration ».<br />

En outre, « comme les antiques gil<strong>de</strong>s, ces associations<br />

<strong>de</strong>vraient être chargées <strong>de</strong> tous les intérêts<br />

<strong>de</strong>s artistes » (p. 197).<br />

Ce système a du bon, très certainem ent, et, à<br />

la prem ière vue, séduit par une utilité apparente,<br />

mais qui n ’est que superficielle. C’est le cas <strong>de</strong><br />

dire : latet hic, latet anguis in lierba. Laissez<br />

les associations prendre pied au milieu <strong>de</strong> la<br />

société m o<strong>de</strong>rne, elles l’auront bientôt dénaturée;<br />

donnez leur une ombre d’autorité, elles en<br />

auront en peu <strong>de</strong> temps conquis la réalité, et<br />

alors vous pourrez dire adieu à l’esprit d’initia •<br />

tive. Chaque fois que vous voudrez introduire<br />

une idée nouvelle, il vous faudra lutter contre<br />

la routine, re<strong>de</strong>venue d’autant'plus forte, d ’autant<br />

plus redoutable, qu’elle craindra <strong>de</strong> rentrer<br />

dans une pério<strong>de</strong> semblable à la pério<strong>de</strong> actuelle,<br />

où elle a perdu tant <strong>de</strong> terrain. Comme dans le<br />

passé, l’association sortira chaque fois <strong>de</strong> ces<br />

luttes raffermie ou renforcée, car elle représente<br />

l’intérêt <strong>de</strong> tous coalisé contre l’initiative individuelle;<br />

elle peut toujours invoquer les intérêts<br />

acquis ; elle a, elle aura mille ressources à sa<br />

disposition; l’appui du gouvernem ent lui sera<br />

assuré, parcè qu’elle parviendra à lui persua<strong>de</strong>r<br />

que l’Etat serait perdu si on m ettait en<br />

question ses privilèges.<br />

Aux amis du progrès, <strong>de</strong>s réformes, <strong>de</strong>s idées<br />

larges et fécon<strong>de</strong>s, il ne faut pas cesser <strong>de</strong> crier :<br />

Défiez-vous, défiez-vous.<br />

On nous dit (p. 199) : « Il est certain que<br />

l’idéal en fait d’enseignem ent artistique serait le<br />

système <strong>de</strong>s grands maîtres <strong>de</strong> l’Italie et spécialem<br />

ent <strong>de</strong> Raphaël, qui travaillait au milieu <strong>de</strong><br />

ses élèves, enseignant par l’exemple et par la<br />

théorie; mais cette façon d ’agir n’est plus dans<br />

nos m œ urs, et, dans le Nord surtout, le travail<br />

sera toujours plus ou moins isolé. » Ici j’arrête<br />

la citation et je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : Pourquoi un <strong>de</strong><br />

nos grands artistes, assuré <strong>de</strong>s ressources inépuisables<br />

<strong>de</strong> son talent, confiant dans la fécondité<br />

<strong>de</strong> son pinceau, n’ouvrirait-il pas son atelier<br />

à la foule <strong>de</strong>s jeunes qui sollicitent en<br />

vain <strong>de</strong>s leçons contre la vulgarité <strong>de</strong>s compositions,<br />

l’incorrection du <strong>de</strong>ssin. l’ignorance <strong>de</strong>s<br />

gran<strong>de</strong>s applications <strong>de</strong> l’art, un enseignement<br />

d ’autant plus sérieux qu’il se prévaudrait <strong>de</strong><br />

l’excellence <strong>de</strong>s œ uvres du m aître? On nous<br />

dira que dans le Nord surtout le travail a toujours<br />

été plus ou moins isolé. Et Floris, qui<br />

avait réuni autour <strong>de</strong> lui jusque 120 élèves, et<br />

Van Oort, qui dut prendre <strong>de</strong>s m esures contro<br />

l’encombrement <strong>de</strong> son atelier, et Rubens, dont<br />

P R IX D’ABONNEM ENT :<br />

Belgique, 8 fr, par an; étranger (union postale), 1 0 fr<br />

le palais réunissait une foule empressée <strong>de</strong> disciples<br />

ém inents !<br />

Contrairement à ce que répète partoutM .Baes,<br />

l’art a progressé surtout parce que l’on a renversé<br />

ou violé les lois, les règles établies précé<strong>de</strong>mment.<br />

L’art pictural a commencé par être<br />

exercé dans les monastères ou pour les m onastères;<br />

puis un grand pas a été fait lorsque la<br />

peinture est sortie <strong>de</strong>s cloîtres pour entrer dans<br />

le mon<strong>de</strong> laïque. Il suffit, pour s’en convaincre,<br />

<strong>de</strong> comparer les composilions atrophiées <strong>de</strong><br />

l'école byzanline à celles <strong>de</strong>s plus anciens artistes<br />

<strong>de</strong> l’Italie et <strong>de</strong> la Flandre. Il ne faut pas<br />

dire avec une nuance <strong>de</strong> m épris, comme l’au ­<br />

teur (p. 15) : « Dans les prem iers tem ps et, sauf<br />

<strong>de</strong> rares exceptions, jusqu’au XVIe siècle, les<br />

peintres furent <strong>de</strong>s ouvriers faisant à l’occasion<br />

tout ce qui concernait leur m étier pourvu que<br />

ce ne fût pas prohibé par les statuts <strong>de</strong> leur corporation.<br />

» Sans doute les peintres confectionnaient<br />

jadis une foule d’objets dont aujourd’hui<br />

ils ne voudraient plus se charger, mais il est juste<br />

d’ajouter que ces objets : bannières, écussons<br />

arm oriés, peintures <strong>de</strong> m urs ou <strong>de</strong> m onum ents,<br />

cartons <strong>de</strong> vitraux ou <strong>de</strong> tapisseries, étaient<br />

par eux-mêmes <strong>de</strong>s objets d'art qui excitent<br />

notre adm iration et que nous serions bien contents<br />

d’im iter et d’égaler. L’artiste qui, pour<br />

vivre, exécute avec conscience et talent un travail<br />

d’un ordre inférieur, comme l’écrivain qui,<br />

faute <strong>de</strong> trouver un éditeur ou un public, gagne<br />

sa vie à faire <strong>de</strong>s copies ou à am éliorer, ce qui<br />

arrive souvent, les pâles élucubrations d ’un<br />

homme mieux en évi<strong>de</strong>nce, ne m érite aucun<br />

reproche. On no se dégra<strong>de</strong> dans ces carrières<br />

que par <strong>de</strong>s œ uvres médiocres ou par <strong>de</strong>s<br />

actions méprisables, les plagiats, par exemple.<br />

Si l’a rt s’est, relevé, si la condition d ’artiste<br />

s’est peu à peu distinguée <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> l’artisan,<br />

si, après la Renaissance, et m êm e, on peut le<br />

dire, dès le xv° siècle, à la suite <strong>de</strong> l’invenlion<br />

capitale réalisée par Jean Van Eyck, le peintre<br />

est <strong>de</strong>venu une espèce <strong>de</strong> citoyen , du mon<strong>de</strong>,<br />

accueilli dans les cours, acclamé par la foule,<br />

recherché par les gens instruits, n’est-ce pas<br />

encore en dépit <strong>de</strong>s obligations contractées au<br />

sein <strong>de</strong>s gil<strong>de</strong>s? A quelle corporation <strong>de</strong> ce<br />

genre ont pu appartenir les Van Eyck, qui ont<br />

vécu tour ù tour à Maeseyck, en Hollan<strong>de</strong>, à<br />

Gand et à Bruges? En quoi nos gil<strong>de</strong>s ont-elles<br />

contribué au développement <strong>de</strong> l’art? Où sont<br />

les monuments ou les écrits consacrés par elles<br />

à leurs illustrations, les fondations utiles et<br />

pratiques instituées par elles ?<br />

C’est, au contraire, à l’initiative individuelle<br />

qu’on doit tous les progrès. Mabuse rapporta <strong>de</strong><br />

l’Italie le goût <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s compositions et <strong>de</strong>s<br />

sujets mythologiques, Lam bert Lombard enseigna<br />

la théorie artistique, Charles Van Man<strong>de</strong>r,<br />

sans rencontrer d’im itateurs, écrivit l’histoire<br />

<strong>de</strong> nos peintres; enfin, ce fut un avocat, <strong>de</strong><br />

Formante!, qui ouvrit le prem ier à Anvers une

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