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BILaN DE PaRCouRS 1 - Editions Bréal

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C. Les associations de sons<br />

a. Des harmonies imitatives. L’assonance en [è] aux<br />

vers 7 et 8 peut faire entendre le « rire » évoqué au vers 7.<br />

b. Les assonances et les allitérations comme principe<br />

d’engendrement. Les échos sonores créent une musique<br />

qui conduit le poète à composer des mots nouveaux, partant<br />

des images nouvelles. Au vers 9, récurrence des trois<br />

sons [vi] et [r] qui suggèrent le « cycle » et surtout conduisent<br />

à la création de l’adjectif « virides », mis en valeur à<br />

la rime.<br />

II. Les paysages de la voyance<br />

A. Correspondances<br />

a. Des synesthésies. À la manière de Baudelaire et de<br />

ses « correspondances », Rimbaud recourt aux synesthésies<br />

dans les images qu’il fait naître (cf. la Lettre du Voyant :<br />

« un long, immense et raisonné dérèglement de tous les<br />

sens ») Par exemple, sensations olfactives et sonores<br />

(« Qui bombinent autour des puanteurs cruelles »), tactiles<br />

et visuelles (« vibrements divins des mers »).<br />

b. L’alliance de sentiments et de sensations. Le caractère<br />

inouï des images vient aussi des personnifications qui<br />

permettent d’allier sensations et sentiments, de glisser du<br />

concret à l’abstrait (« puanteurs cruelles », « ivresses pénitentes<br />

»…).<br />

B. L’univers tout entier<br />

Le refus de la progression linéaire donne une impression<br />

de synthèse, comme si le poème embrassait tout l’univers.<br />

Rimbaud modifie l’ordre des voyelles, de manière à<br />

terminer par le « O » : son poème va ainsi de l’alpha à<br />

l’oméga, de l’origine à la fin. De même, il part de l’absence<br />

de couleurs (« noir ») à l’extrémité du spectre visible<br />

(« violet »).<br />

C. Vers un univers mystique et absolu<br />

a. Les trois premières strophes évoquent la décadence et<br />

la débauche (« puanteurs », « sang craché », « ivresses »).<br />

b. La dernière strophe a une dimension mystique. Trois<br />

derniers vers isolés, mise en évidence du dernier vers précédé<br />

d’un tiret, abondance de majuscules (« Clairon »,<br />

« Mondes », « Anges », « Oméga », « Ses ») : solennité<br />

particulière, d’autant que les images peuvent rappeler le<br />

Jugement dernier.<br />

On peut reconnaître le parcours du « voyant » : « le<br />

grand malade, le grand criminel, le grand maudit – et le<br />

suprême Savant ».<br />

Texte 3 (manuel de l’élève p. 144)<br />

Francis Ponge, « L’Huître »,<br />

Le Parti pris des choses, 1942<br />

Problématique<br />

À un premier niveau, ce poème renvoie, comme l’indique<br />

le titre du recueil, Le Parti pris des choses, aux « choses<br />

» : c’est leur matérialité même, leur réalité concrète<br />

que doit traduire le poème, et ce d’une manière extrêmement<br />

précise. Mais « l’huître » est aussi une métaphore<br />

du poème, monde clos sur lui-même, et le travail du poète<br />

est métaphorisé de façon très concrète et humoristique.<br />

Patiente et modeste, cette démarche poétique, fondée sur<br />

un travail ingrat, est évidemment très éloignée des théories<br />

romantiques sur la fureur poétique et rejette l’automatisme<br />

surréaliste. Mais cette quête du sens explore toutes les ressources<br />

du langage.<br />

Le passage dans l’économie générale de l’œuvre<br />

Le recueil a été publié en 1942, mais les poèmes ont tous<br />

été écrits entre 1924 et 1939. Cela explique pour une part<br />

l’indifférence du Parti pris des choses à l’Histoire, même<br />

si on peut aussi y voir le désir de formuler des définitions<br />

générales, libérées des aléas de l’actualité. Une des particularités<br />

de ce recueil tient au fait que, si Francis Ponge a bien<br />

écrit tous les poèmes, il n’a pas en revanche organisé le<br />

recueil. C’est son mentor, Jean Paulhan, qui s’en est chargé<br />

avec l’accord de l’auteur qui écrit : « Le choix et l’arrangement<br />

de J. Paulhan me semblent excellents et m’ont fait<br />

découvrir dans le recueil plus peut-être que ce que chaque<br />

poème comporte », jettre à Jean Tardieu, citée dans les<br />

Œuvres complètes de Ponge, Bibliothèque de la Pléiade, p.<br />

895). La construction du recueil, qui place « L’Escargot »<br />

au centre, est soigneusement réfléchie. Elle va de textes<br />

courts, clos sur eux-mêmes, parmi lesquels « L’Huître »,<br />

à des textes plus longs, qui annoncent la suite de l’œuvre<br />

de Ponge.<br />

Contexte esthétique et culturel<br />

Une écriture en marge des courants littéraires<br />

L’écriture de Francis Ponge semble se déployer en<br />

marge des courants littéraires. S’il partage l’admiration des<br />

surréalistes pour des poètes comme Rimbaud ou Lautréamont,<br />

s’il condamne, comme eux, le lyrisme romantique, il<br />

se détache pourtant très tôt de ce courant qui l’a tenté à ses<br />

débuts. Il ne souhaite pas en effet magnifier le réel par la<br />

beauté de l’image poétique mais en cerner la rude réalité.<br />

L’image surréaliste a l’ambition de rapprocher des réalités<br />

les plus distinctes possibles : Ponge prétend au contraire<br />

abattre ces ponts factices qui empêchent de saisir chaque<br />

réalité dans sa spécificité.<br />

Le « parti pris des choses »<br />

Après avoir écrit son premier recueil, qui ne rencontre<br />

aucun succès, Ponge connaît pendant un temps une crise de<br />

l’expression. Il se heurte à l’incapacité du langage à exprimer<br />

ses pensées, à la pauvreté d’une langue dénaturée par<br />

son usage quotidien. Il résout cette crise du langage en prenant<br />

le parti des choses (« Il s’agit pour moi de faire parler<br />

les choses, puisque je n’ai pas réussi à parler moi-même,<br />

c’est-à-dire à me justifier moi-même par définitions et par<br />

proverbes »). Il se fera donc le porte-parole d’un monde<br />

muet que l’homme a – faussement – le sentiment de dominer.<br />

Cela ne signifie pas pour autant que l’homme est totalement<br />

absent de son œuvre : le « gymnaste » par exemple<br />

est considéré comme une matière en mouvement, souple et<br />

malléable, et trouve sa place dans Le Parti pris des choses.<br />

Le « compte tenu des mots »<br />

Prendre le parti des choses, c’est essayer de les pénétrer.<br />

Les poèmes suivent un mouvement de l’extérieur, de la surface,<br />

vers l’intérieur. La clé pour aller s’enfoncer dans les<br />

50 • Chapitre 3 - Écriture poétique et quête du sens

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