BILaN DE PaRCouRS 1 - Editions Bréal
BILaN DE PaRCouRS 1 - Editions Bréal
BILaN DE PaRCouRS 1 - Editions Bréal
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
- le recours aux tournures exclamatives : « Ô Pangloss<br />
! » : cette tonalité expressive soulignée par la ponctuation<br />
connote l’émotion, la tristesse ressentie par Candide.<br />
- l’interjection « hélas », qui situe le discours du nègre<br />
et de Candide dans le registre de la lamentation.<br />
- les hyperboles : « mille fois moins malheureux » /<br />
« d’une manière plus horrible » : atrocité de la situation.<br />
- la mise en hypotypose : les larmes de Candide soulignent<br />
la situation « horrible » du nègre.<br />
Conclusion provisoire : la situation parfaitement artificielle<br />
est dramatisée pour émouvoir le lecteur. Candide<br />
occupe dans le texte la place du lecteur tandis que le nègre<br />
parle au nom des anti-esclavagistes qui ont commencé à<br />
s’exprimer, en Angleterre notamment.<br />
B. L’humour et ironie<br />
a. Humour<br />
Jeu sur l’onomastique : Vanderdendur, le nom est drôle<br />
et il évoque avec sa consonance néerlandaise la « dent<br />
dure », la cruauté, la méchanceté de l’exploitant.<br />
« Fétiches » : objet des cultes des primitifs. Les esclaves<br />
appellent les prêtres « les fétiches » : confusion entre objet<br />
et personne. Cela montre que les esclaves noirs ne sont pas<br />
complètement convertis : ils prennent les prêtres pour des<br />
objets et n’ont pas compris le sens du dogme inculqué.<br />
Références détournées : jeu culturel pour lecteur savant.<br />
Saint Luc (XIX, 41-44) ; jeu sur Surinam / Jérusalem :<br />
Christ entrant en larmes à Jérusalem.<br />
b. Ironie<br />
Antiphrase : « fameux négociant » / « s’ils disent vrai ».<br />
Le négociant est connu mais aussi fameux pour sa cruauté.<br />
C. Polémique<br />
Le registre polémique apparaît à la fin du texte (à partir<br />
de « Ô Pangloss »)<br />
- Adresse directe : « Pangloss, ton optimisme ». « ton » :<br />
dépréciatif en raison de sa valeur exclusive.<br />
- Termes dépréciatifs : « abomination, rage ».<br />
Candide emploie le registre polémique pour condamner<br />
l’optimisme.<br />
a Bilan de cette partie II : la critique implicite de<br />
l’esclavage ne passe pas par l’envolée polémique mais par<br />
un discours plus subtil qui joue sur différents registres : le<br />
pathétique, le comique et l’ironique.<br />
Texte 3. Manuel de l’élève p. 203.<br />
Paternalisme et racisme, exploitation et humiliation.<br />
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit,<br />
1942.<br />
Le passage dans l’économie générale de l’œuvre<br />
À sa publication, le Voyage au bout de la nuit fait scandale<br />
: la langue orale utilisée ainsi que la violente critique<br />
des mœurs et politiques occidentales donnent immédiatement<br />
le ton du roman. Voyage au bout de la nuit relate les<br />
pérégrinations de Bardamu, un « petit » de ce monde, qui<br />
a connu le traumatisme de la guerre 1914-18, et découvre<br />
notamment, en exerçant son métier de médecin, les horreurs<br />
de la pauvreté, l’injustice de l’inégalité sociale et le<br />
racisme qui sous-tend la politique coloniale. Après avoir<br />
quitté le champ de bataille de la Grande Guerre, Ferdinand<br />
Bardamu embarque pour l’Afrique et débarque à Fort-<br />
Gono, en Bangola-Bragamance et découvre l’humiliation<br />
permanente que les colons font subir aux indigènes. Le<br />
passage étudié se déroule à Fort-Gono, capitale du pays :<br />
Bardamu rend visite à un collègue de la Compagnie qui l’a<br />
embauché. Celui-ci tient un comptoir.<br />
Contexte esthétique et culturel<br />
Le Voyage au bout de la nuit est publié en 1932. Ces<br />
années de l’entre-deux-guerres sont charnières. Juste après<br />
la guerre, l’atmosphère était à l’euphorie : la paix revenue<br />
et le contexte économique favorable, les Français pouvaient<br />
dignement et joyeusement fêter la paix et le bonheur retrouvés.<br />
Mais, après 1931, la France et l’Europe plus généralement<br />
sont touchées à leur tour par la crise. L’année 1932<br />
est celle de la chute du commerce extérieur français, de<br />
la baisse de la production industrielle. Ainsi, quand paraît<br />
le roman de Céline, pessimiste et peignant un monde en<br />
décomposition, il fait écho aux interrogations récurrentes<br />
de la population sur le devenir de la société française. La<br />
crise économique se double d’une crise intellectuelle : la<br />
confiance dans l’idée de Progrès s’émousse tout comme la<br />
foi en la raison. L’ombre de la guerre se profile à nouveau<br />
et les systèmes politiques totalitaires éclosent. Ainsi, les<br />
années 1930 sont perçues comme des années-charnières,<br />
vécues par certains comme le moment de la mort de la civilisation<br />
occidentale, comme le souligne un texte fameux<br />
de Paul Valéry, daté de 1919, qui affirme : « Nous autres<br />
civilisations, nous savons maintenant que nous sommes<br />
mortelles » (La Crise de l’esprit, in Variétés 1). Les revendications<br />
intellectuelles sont diverses : les intellectuels de<br />
gauche aspirent au « grand soir » et à un renouveau total et<br />
absolu du monde occidental ; les intellectuels de droite au<br />
contraire appellent de leurs vœux une « révolution conservatrice<br />
» et un retour aux valeurs. Le Voyage paraît donc en<br />
pleine crise de la civilisation occidentale.<br />
Sur le plan littéraire, les années 1930 sont elles aussi<br />
un moment clé et rompent avec la production romanesque<br />
de l’après-guerre. Les années folles avaient vu la parution<br />
de textes centrés sur un « moi » confiant dans le monde<br />
qui l’entoure et apte à opérer un retour sur soi. C’est la<br />
grande époque du roman d’analyse et d’introspection.<br />
La crise des années 1930 engendre un retour à une littérature<br />
plus grave et politique, qui réfléchit sur la notion<br />
de « classe ». En réaction aux idéologies marxiste et plus<br />
généralement matérialiste, la littérature reflète des préoccupations<br />
spirituelles : des auteurs catholiques notamment<br />
veulent livrer des réflexions métaphysiques sur le destin du<br />
monde. Le Voyage est bien un tableau de la misère de la<br />
classe ouvrière, des « petits », mais aussi une réflexion sur<br />
l’avenir de l’homme et sa place dans le monde.<br />
Caractérisation du passage<br />
Le texte de Céline est une virulente dénonciation du<br />
colonialisme et donne à voir une image pitoyable et sordide<br />
de l’homme. En effet, le colon qui tient le comptoir s’avère<br />
un homme sans cœur, raciste et malhonnête, tandis que la<br />
78 • Chapitre 4 - La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du xvi e siècle à nos jours