BILaN DE PaRCouRS 1 - Editions Bréal
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des aspects qui dérogent à la loi que constitue le modèle<br />
héroïque : Rastignac est noble mais désargenté, Vautrin<br />
est affable et charismatique, mais sombre et inquiétant.<br />
L’absence d’héroïsme du personnage romanesque culmine<br />
avec Fabrice del Dongo (texte 5 : Fabrice del Dongo,<br />
personnage « fort peu héros »), qui rêve de renouer avec<br />
les idéaux chevaleresques épiques en s’engageant comme<br />
soldat, mais qui se révèle bien incapable de prendre part<br />
efficacement aux combats. Symboliquement, il est écarté<br />
du domaine épique, le champ de bataille : incapable de<br />
comprendre les enjeux stratégiques du combat, épouvanté<br />
par le sang qui coule, il ne retient de son expérience qu’une<br />
exaltation naïve devant le ballet des sons et lumières des<br />
échanges armés, comme un enfant émerveillé par un feu<br />
d’artifice sans pour autant être artificier. La voie est ainsi<br />
ouverte à la mise à mort du héros qui passe progressivement<br />
de l’activité burlesque et sentimentale (courtiser<br />
pour le berger amoureux, se jouer des contingences matérielles<br />
pour le picaro) à l’impuissance devant la réalisation<br />
de ses idéaux (Rastignac pauvre et Vautrin brigand ;<br />
Fabrice spectateur émerveillé mais hors de la vie) pour terminer<br />
par une mise à mort symbolique de toute action<br />
possible.<br />
Le roman du XX e siècle, chambre d’échos des guerres<br />
qui ont mis à mal les idéaux, est un roman du pessimisme,<br />
où des héros désenchantés se heurtent à l’absurde de l’existence<br />
: de Roquentin dans La Nausée aux personnages évanescents<br />
du Nouveau Roman, le personnage est réduit à<br />
une peau de chagrin victime de la « machine infernale » de<br />
l’existence qu’il ne comprend plus et qui ne le comprend<br />
plus (qui ne le contient plus : il en est exclu). En marge<br />
du monde, le personnage romanesque est symbolisé par le<br />
narrateur-personnage de L’Étranger (texte 6 : L’Étranger,<br />
le personnage absurde et la mort de l’héroïsme), à l’extérieur<br />
de lui-même, du monde et de toute sensibilité, qui<br />
ne fait qu’effleurer la mort de sa mère comme s’il était déjà<br />
mort lui-même. Incapable de déterminer le sens de l’action<br />
et de prendre en mains son destin, le personnage a définitivement<br />
abandonné ses prérogatives héroïques et devient<br />
spectateur impuissant de ce qui lui arrive (il décrit simplement<br />
ce qu’il voit), témoin en est l’endormissement symbolique<br />
du personnage – sans nom – à la fin de l’extrait,<br />
lui qui a perdu sa conscience, son identité et presque toute<br />
étincelle de vie.<br />
LES TEXTES DU PARCOURS<br />
Texte 1 (manuel de l’élève p. 22)<br />
La mise en question du héros courtois<br />
Miguel de Cervantès, Don Quichotte de la Manche<br />
(1605-1615)<br />
Le passage dans l’économie générale de l’œuvre<br />
L’extrait proposé constitue l’incipit du roman de Cervantès.<br />
Contexte historique, esthétique et culturel<br />
La crise de la puissance et de la conscience espagnoles<br />
: vers le crépuscule de l’Espagne<br />
La vie de Cervantès lui permit d’être au carrefour de<br />
l’histoire : il fut à cheval entre le XVI e et le XVII e siècles<br />
et connut donc la gloire mais aussi les premiers signes du<br />
déclin de l’empire espagnol. L’Espagne est à la fin du XVI e<br />
siècle une des grandes puissances européennes. Cervantès<br />
naît sous le règne de Charles Quint (1517-1556), qui marque<br />
l’apogée de la puissance espagnole. L’Espagne est la<br />
première nation européenne (politique de conquêtes donc<br />
empire, richesse économique et extension géographique),<br />
un « empire sur lequel le soleil ne se couchait pas ».<br />
Le déclin et la décadence commencent avec le règne<br />
du fils de Charles Quint, Philippe II (1556-1596) qu’on<br />
appelle pourtant le siècle d’or espagnol : son règne sera fait<br />
de défaites et de victoires. Philippe est contraint d’abandonner<br />
une partie de l’Autriche, fait triompher l’Espagne<br />
à Lépante (1571) mais l’invincible Armada est vaincue en<br />
1588 par l’Angleterre. Le déclin se fait plus franc avec Philippe<br />
III (1598-1621) : au tournant des XVI e et XVII e siècles,<br />
l’Espagne entre dans une période de crise.<br />
La crise des valeurs héroïques<br />
L’éthique féodale, héritée de l’Espagne, et qui a été un<br />
modèle incontesté en Europe jusqu’au début du XVII e siècle,<br />
entre en crise au moment de la parution de Don Quichotte.<br />
Les fondements de cette éthique féodale sont :<br />
- Exaltation de la force, de la vaillance militaire, physique<br />
: combattre comme activité héroïque par excellence.<br />
Héritage d’une littérature belliqueuse et épique qui exalte<br />
les vertus guerrières (Amadis de Gaule) et les mœurs du<br />
Moyen Âge.<br />
- Magnanimité : la magnanimité guerrière renvoie au<br />
courage dans les combats et à la défense de l’honneur.<br />
Mais au tournant des deux siècles, l’éthique féodale est<br />
en crise car :<br />
1. le pouvoir de la noblesse cède face à un roi qui s’affirme<br />
absolu. Les Nobles sont obligés de servir l’État.<br />
2. On assiste au triomphe de l’argent, du négoce, de<br />
l’investissement. La noblesse ne sait pas s’emparer de ce<br />
nouvel outil qu’est l’argent. En littérature, la caricature de<br />
l’hidalgo famélique renvoie à l’image d’un hobereau de<br />
village, confiné sur ses terres mais à qui son statut social<br />
interdit de cultiver lui-même ses terres et laboureur enrichi<br />
qui fait fortune. Les valeurs féodales sont sur le déclin au<br />
profit des valeurs mercantiles.<br />
Contexte esthétique et littéraire<br />
Alors que la société espagnole refuse la modernité, la<br />
littérature se fait novatrice. Le début du XVIIe siècle est<br />
marqué par le triomphe d’une nouvelle culture, différente<br />
de la culture de la Renaissance.<br />
Le triomphe d’une littérature baroque<br />
De nouvelles formes littéraires apparaissent.<br />
Le XVII e siècle espagnol est marqué par 3 grands<br />
moments :<br />
- invention du roman moderne, Guzmàn de Alfarache,<br />
de Mateo Aleman (1599-1604), roman picaresque et Don<br />
Quichotte (1605-1615).<br />
4 • Chapitre 1 - Le personnage de roman, du xvii e siècle à nos jours