BILaN DE PaRCouRS 1 - Editions Bréal
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- il existe des thèmes récurrents en poésie : le temps qui<br />
passe en est un. Il est présent dans des poèmes de dates et<br />
de formes variées.<br />
- la forme fixe n’est pas seulement contrainte, elle est<br />
contrainte productive. Elle peut aider à la composition du<br />
poème et surtout elle en nourrit le sens qu’elle rend plus<br />
perceptible. Il y a donc toujours un lien entre la forme et<br />
le fond.<br />
Problématique<br />
La contrainte formelle permet au poète d’explorer le<br />
langage et le monde. Pour répondre à la contrainte, le poète<br />
est amené à faire de nouvelles associations qui peuvent le<br />
surprendre lui-même. La contrainte et la forme fixe imposent<br />
au poète de donner aux mots une certaine place dans<br />
le vers et dans le poème, qui le font résonner de manière<br />
unique. Les contraintes sont souvent des contraintes de<br />
rythme et de structure. Or ce sont ces deux éléments qui<br />
donnent au discours poétique son intensité et par extension<br />
amplifient le sens dont l’écriture propre à chaque poète est<br />
porteuse.<br />
BILan <strong>DE</strong> paRCouRS 3<br />
Manuel de l’élève pp. 174-175<br />
1. Lexique<br />
a. Le lexique de la dissolution de l’être<br />
1 et 2 : Les modes de disparition évoqués sont alternativement<br />
liés :<br />
- à la blessure – violente, en forme de mutilation – en<br />
forme de dépouillement, de déchéance physique, de pétrification,<br />
de déformation, un corps souffrant et désarticulé,<br />
parfois volontairement.<br />
- à la désintégration par évanouissement de façon quasiment<br />
magique.<br />
- on notera la prévalence des mots comme « loques »<br />
ou « vermine » qui connotent la notion d’usure, de pourrissement<br />
voire d’avilissement, associée à l’image du<br />
« résidu ».<br />
Le mot « poussière » apparaît d’abord dans « Déchéance »<br />
à l’extrême fin du poème (p. 167, ligne 33) pour désigner la<br />
réduction en poussière des trésors du caveau, cette caverne<br />
d’Ali-Baba dont les « richesses » se diluent comme de la<br />
poussière qui glisse entre les doigts, il ne s’agit donc pas<br />
d’une allusion à la parole biblique « quia pulvis es et in pulverem<br />
reverteris », mais d’une sorte de disparition magique.<br />
Dans « Contre », le mot poussière apparaît (p. 170,<br />
v. 12) pour désigner la réduction du patrimoine culturel de<br />
l’humanité comme le Parthénon, en « poussière de sable ».<br />
l’opération peut apparaître comme magique mais elle naît<br />
ici de la parole révoltée du « je » qui « contre » tous les<br />
acquis d’un « ordre multimillénaire dans lequel il ne se<br />
retrouve pas ». Dans les deux cas, ces mots symbolisent le<br />
processus de dissolution de l’être.<br />
- par ailleurs, les termes qui évoquent le « je » de<br />
l’énoncé ou d’autres personnages comme des êtres de<br />
parole présentent leurs discours comme nuls, dérisoires,<br />
risibles (fadaise, galimatias). Le classement permettra de<br />
dégager les notions clés et leur fréquence de réemploi dans<br />
les textes du parcours<br />
b. Le sujet à l’épreuve<br />
Le lexique du corps blessé est omniprésent dans le<br />
texte 2, « L’Âge héroïque » (voir éléments pour une lecture<br />
analytique de ce texte, page 65). On y renverra les élèves<br />
pour leur montrer que le corps est toujours présenté comme<br />
douloureux, mais souvent sous un angle comique, incapable<br />
d’aisance et d’adresse, gênant comme un appendice<br />
inutile qu’on traîne comme une « carcasse […], gêneuse,<br />
pisseuse ». Dans le texte 1, il signale la perte du royaume<br />
qui par rétrécissement devient un « lopin de terre » que le<br />
poète utilise pour se gratter, son mal de vivre s’exprimant<br />
comme une démangeaison page 166, ligne 7. Le corps est<br />
lieu agressé et humilié : « j’avale l’affront » (ligne 20) et<br />
agressif comme dans « Contre » : la ville de « loques »<br />
semble naître de la rage d’un âne qui hennit faisant souffler<br />
ses naseaux avec une « évidence écumante » et qui vient<br />
« braire au nez » de la civilisation.<br />
À noter aussi que parmi tous les personnages qui peuplent<br />
La nuit remue, le poète n’établit pas de distinction<br />
bien nette entre le corps des animaux et celui des hommes.<br />
Et dans ce bestiaire qui le rapproche de Supervielle,<br />
l’homme est plutôt maltraité.<br />
Indéterminé (texte 1), assimilé à un géant grotesque<br />
(texte 2), à une voix rageuse (texte 3) à un « nous »<br />
conscient de ses refus et de ses échecs qui prend le vide<br />
entre ses mains (texte 4), enfin à une présence contemplative<br />
(texte 5), le sujet est condamné à aller jusqu’au bout<br />
de la déchéance et de la déréliction des mots, pour retrouver,<br />
peut-être par la poésie, une possibilité de conversion<br />
de cette déchéance en renaissance : accéder au vide pour<br />
Michaux, c’est peut-être accéder à un état supérieur – voir<br />
« Icebergs » – où la conscience de soi et la conscience du<br />
monde ne font qu’un. Le sujet a, malgré tout une chance,<br />
celle de vivre l’expérience du « rien » comme une purification<br />
et le lieu d’une renaissance.<br />
Vers la problématique<br />
C’est par le biais de la métamorphose – repérable dans<br />
le système d’énonciation qui démultiplie ce « je » – que se<br />
manifeste l’inquiétude existentielle d’un être miné par son<br />
angoisse, son animalité et le sentiment de ses limites et de<br />
ses ridicules.<br />
2. Lecture. Questionner et interpréter<br />
• Texte 1 : Il conviendra de faire relever les jeux d’antithèses<br />
dans les trois scénarios (voir les éléments pour une<br />
lecture méthodique, page 63). D’ « autrefois » à « maintenant<br />
», le poète corrige sa perception de la dépossession<br />
tandis que son angoisse existentielle s’exprime<br />
d’abord sous le régime de la nostalgie, puis de la rage,<br />
puis du fatalisme teinté de dérision : autant de déclinai-<br />
72 • Chapitre 3 - Écriture poétique et quête du sens