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BILaN DE PaRCouRS 1 - Editions Bréal

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citer, de livre en livre, de véritables dominantes » 1 . Ainsi,<br />

les deux parties du recueil adoptent-elles un mouvement<br />

semblable, commençant chacun par une série de textes en<br />

prose, elle-même suivie de poèmes, puis d’un retour discret<br />

à une présentation en prose, comme dans un désir farouche<br />

de ne pas laisser sa parole s’enfermer dans une contrainte<br />

étouffante, lui qui avait écrit dans Qui je fus : « Les genres<br />

littéraires sont des ennemis qui ne vous ratent pas, si vous<br />

les avez ratés au premier coup. »<br />

Il sera particulièrement pertinent de faire précéder<br />

l’étude des textes de la lecture commentée du texte proposé<br />

en pages « Éclairages » (page 137) dans lequel Michaux<br />

met en question la notion de « travail du poète » qui oriente<br />

notre premier parcours.<br />

Problématique d’ensemble<br />

C’est une de ces dominantes secrètes que tente de dégager<br />

l’étude des cinq poèmes proposés : elle « parcourt » les<br />

différents modes d’intervention du moi sur le monde et sur<br />

lui-même que le poète évoque dans un jeu sur les systèmes<br />

d’énonciation : dans le texte 1 « Déchéance », c’est la perte<br />

de soi à travers trois états successifs qui apparaît, démultipliée<br />

à travers plusieurs récits à la première personne. Le texte<br />

2 recouvre, comme le suggère son titre ironique, « L’Âge<br />

héroïque », une parodie de la forme épique et du mythe<br />

héroïque : il utilise des instances énonciatives différentes<br />

du premier poème et utilise la 3 e personne du singulier pour<br />

exprimer un combat intérieur qui se solde par un échec très<br />

violent avant de le mettre à distance par l’humour. Le texte<br />

3, « Contre », avec son titre en suspens, se présente comme<br />

un anathème lancé contre les autres, l’extérieur. Dans ce<br />

but, le poète brandit la 2 e personne du pluriel dans une apostrophe<br />

« contre » tout ce qu’il ne nomme pas. Il semble alors<br />

trouver temporairement son identité en opposant son « moi »<br />

au destinataire collectif que constitue ce « vous » et qui s’apparente<br />

à ce qu’il appelle ailleurs « l’espace du dehors », le<br />

monde des apparences, la société, la culture héritée, tandis<br />

que l’imprécation aboutit, dans la chute du poème, à une<br />

fragmentation puis à un éclatement du moi. Dans le texte<br />

4 : « Nous autres », la radicalité du refus adopte cette fois-ci,<br />

la 1 re personne du pluriel pour exprimer la plainte d’un moi<br />

divisé, d’un sujet double et contradictoire ; ce « nous » n’est<br />

pas celui des exclus en référence à la société, mais un « je »<br />

multiple. Au terme – tout à fait provisoire du parcours –, le<br />

texte 5, « Icebergs », traduit par l’effacement presque total<br />

du système d’énonciation au début du poème, au bénéfice<br />

de versets composés de phrases nominales, l’identification<br />

du poète à la pétrification des icebergs, images du silence,<br />

de l’éternité. Mais la discrète invocation qui suit débouche<br />

sur une certaine sérénité et, à l’intérieur même du vide, sur la<br />

promesse d’un « ailleurs » lumineux.<br />

La place des poèmes retenus dans la première section<br />

du recueil<br />

La réunion de ces cinq poèmes qui se trouvent assez<br />

1 Henri Michaux, Œuvres complètes, tome I, Gallimard, Bibliothèque<br />

de la Pléiade, « Notice » de Raymond Bellour, p. 1169.<br />

proches dans la première section du recueil (respectivement<br />

en position 18, 24, 26, 27, et 31) n’exclut évidemment<br />

d’autres regroupements possibles. On peut noter par exemple<br />

que « Déchéance » forme un diptyque avec le premier<br />

poème intitulé « Vers la sérénité » en évoquant de possibles<br />

« royaumes », que « l’Âge héroïque » et « Contre » encadrent<br />

un des poèmes-clefs du recueil, en prose, « L’éther »,<br />

un récit construit autour d’une des premières expériences<br />

des drogues hallucinogènes que connut le poète, et que<br />

« Icebergs » à la toute fin de cette section précède le dernier<br />

poème (qui est aussi le second à porter le titre « Vers<br />

la sérénité »).<br />

Dans une série d’apparitions-disparitions dont la théâtralisation<br />

a été souvent soulignée, les différents textes mettent<br />

en scène une série de figures dans laquelle le « je » prévaut<br />

: on le trouve dans seize textes sur les trente-deux que<br />

compte la section qui nous intéresse. Mais ce choix énonciatif<br />

qui fait du recueil « un livre du Moi » s’accompagne<br />

de la présence d’un nombre important de « ils » plus ou<br />

moins bien déterminés : ce référent renvoie à des personnages,<br />

des héros, des animaux, des populations. Par deux fois,<br />

le poète fait intervenir un « nous » (dans notre sélection le<br />

texte 4) ou un « vous » sous la forme d’une adresse parfois<br />

couplée avec le je (dans notre sélection le texte 3), ou à<br />

travers une très discrète invocation (dans notre sélection,<br />

texte 5). Le parcours proposé donne donc une représentation<br />

de tous les modes d’intervention du poète dans cette<br />

confrontation du moi avec lui-même et avec le monde.<br />

Texte 1 (manuel de l’élève p. 166)<br />

La dépossession de soi : une aventure<br />

« Déchéance »<br />

Ce poème a été publié pour la première fois dans la<br />

revue Les Cahiers du Sud en 1931. Il est alors précédé par<br />

une phrase en exergue qui sera supprimée au moment du<br />

passage en recueil et semble s’appliquer à toute cette section<br />

: « le cadavre bouge toujours, c’est encore moi et re<br />

moi et re et re. »<br />

Proposition de lecture analytique<br />

I. Un motif récurrent : le « royaume »<br />

La lecture cursive du poème « Vers la sérénité », qui<br />

précède immédiatement « Déchéance », constitue la<br />

meilleure entrée possible dans l’univers de Michaux. Le<br />

poète y présente, au présent de l’indicatif, les deux « étages<br />

» d’un royaume montré dans les vers initiaux comme<br />

un lieu idéal, très proche de l’éther baudelairien décrit<br />

dans « Élévation » (voir manuel de l’élève seconde, chapitre<br />

3, page 190). Mais là s’arrête la ressemblance puisque<br />

ce « royaume » est constitué de « cendre » et apparaît<br />

comme le lieu d’une quête inaboutie qui débouche « sur<br />

l’éternel regret ». C’est au-dessus de ce « royaume élevé »<br />

que se situe le « royaume élu, le royaume du fin pelage »,<br />

une sorte de lieu heureux mais impalpable à cause de sa<br />

mobilité.<br />

Chapitre 3 - Écriture poétique et quête du sens • 63

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