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BILaN DE PaRCouRS 1 - Editions Bréal

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famille noire venue vendre son caoutchouc apparaît totalement<br />

démunie et misérable. L’originalité de la page réside<br />

dans sa tonalité. En effet, par l’ironie et un humour noir,<br />

l’auteur nous fait entendre tout le dégoût que la politique<br />

colonialiste lui inspire.<br />

Plan de lecture analytique<br />

I. Le spectacle de l’humiliation<br />

A. Description physique et morale des indigènes<br />

a. Naïveté des indigènes. C’est la première fois que<br />

la famille se rend dans une boutique. La nudité souligne<br />

leur pureté et leur non-corruption pour les mœurs sociales<br />

cruelles.<br />

b. Méconnaissance des codes comportementaux.<br />

Récurrence de la modalité négative (« n’osait pas bouger »,<br />

« n’avait encore jamais vu »). Silence persistant.<br />

c. Timidité de la famille. Analyse de l’adjectif « timide » :<br />

sens étymologique qui renvoie à « celui qui craint ». Lexique<br />

de la peur, attitude de soumission (« n’osait toujours<br />

pas relever la tête »)<br />

B. Un échange déséquilibré<br />

a. Silence / parole. Absence de parole de la famille<br />

noire. À l’inverse, abondance du discours direct pour laisser<br />

entendre la voix des colons. La parole comme arme de<br />

domination.<br />

b. Une famille pétrifiée / un employeur mis en scène.<br />

Absence de gestes de la famille noire, abondance à l’inverse<br />

des verbes de perception (« regardait, contemplait »).<br />

La famille ressemble à une statue inanimée dans une paralysie<br />

qui exprime la position d’infériorité (renforcée par<br />

l’impuissance du groupe face à un seul colon). À l’inverse,<br />

le boutiquier organise la scène et utilise la ruse en véritable<br />

metteur en scène (verbes d’action).<br />

c. Le travail bafoué par la parole mensongère. Insistance<br />

sur la pénibilité du labeur de la famille (intervention du présent<br />

de vérité générale : discours sur la condition laborieuse<br />

des travailleurs). Grâce à la parole, le colon réussit à anéantir<br />

tous ces efforts en un échange honteux et malhonnête. La<br />

nudité de la famille noire dit son dépouillement total.<br />

II. La cruauté des Blancs<br />

A. Un être violent et insultant<br />

a. Violence et brutalité du comportement du boutiquier<br />

à l’égard de la famille (« reprit l’argent d’autorité » / « lui<br />

chiffonna dans le creux de la main un grand mouchoir très<br />

vert qu’il avait été cueillir finement dans une cachette du<br />

comptoir » ; « Agitant devant les yeux d’un des tout petits<br />

Noirs enfants », « il le lui noua autour du cou d’autorité,<br />

question de l’habiller ».<br />

b. Position de supériorité du colon. Usage de verbes<br />

d’action (« entraîna, reprit ») qui disent sa position dominante.<br />

Mène et compose la scène.<br />

B. La langue du mépris<br />

a. Les insultes plutôt que les mots. Usage de termes<br />

grossiers (« couillon, morpion ») et d’exclamations qui<br />

font entendre la véhémence du propos. Commentaire de<br />

« celui-là » : « iste » en latin, valeur dépréciative qui dit<br />

le mépris.<br />

b. Une illusion de politesse. Questions adressées à la<br />

famille (« Tu le trouves pas beau, toi dis morpion ? »). Ton<br />

faussement gentil. La question pourrait être une marque d’intérêt<br />

mais reste sans réponse. Simple fonction phatique pour<br />

vérifier que les indigènes comprennent bien ce qui est dit.<br />

c. Le déni de toute intelligence. Analyse de la structure<br />

syntaxique des questions : absence d’une inversion sujet<br />

/ verbe et « tag » final. La simplicité syntaxique marque<br />

que le colon pense que les capacités de compréhension de<br />

l’interlocuteur sont limitées. Il n’emploie pas un langage<br />

courant, pour signifier qu’il considère l’indigène comme<br />

un sous-homme.<br />

C. Des Noirs complices<br />

Cruauté encore plus grande des Noirs qui travaillent<br />

au comptoir. Racisme et mépris encore plus grand pour se<br />

faire bien voir du patron.<br />

III. Une dénonciation indirecte mais efficace<br />

A. Un narrateur à la fois complice et distant<br />

a. Le groupe des Blancs. Bardamu appartient au groupe<br />

des colons comme le suggère l’expression de la première<br />

phrase : « nous trinquâmes »). Il en a assimilé les clichés<br />

racistes « moins dessalés », « L’instinct »).<br />

b. Complicité du narrateur. Bardamu n’intervient pas et<br />

ne fait rien pour mettre un terme à la cruauté de la scène.<br />

Il demeure un spectateur muet et passif. Qui est Bardamu ?<br />

un double du lecteur ? une image de l’homme qui cautionne<br />

par son silence et sa passivité les agissements des colons ?<br />

c. Une légère prise de distance ? Peut-être Bardamu<br />

est-il néanmoins une forme – certes embryonnaire – de<br />

conscience critique. Il insiste sur la pénibilité du travail<br />

accompli par les indigènes (« c’est long à suinter… ») et<br />

leur accorde un regard, ce qui suggère qu’il leur accorde<br />

une existence et un intérêt (dernier paragraphe du texte).<br />

B. Une scène pathétique plus que comique<br />

a. Un humour grinçant. Les seuls qui rient sont les<br />

employés noirs qui travaillent au comptoir et les colons.<br />

L’effet comique de la scène ne se fait pas au détriment de<br />

la famille malmenée et ridiculisée. Insultes méprisantes et<br />

faux paternalisme du colon donnent une image déplorable<br />

du colonialisme.<br />

b. Une scène pathétique. La sympathie du lecteur va à<br />

cette famille humiliée. Peinture des plus faibles. La famille<br />

est présentée comme une image de l’innocence absolue<br />

(nudité, absence de parole) : renvoi à une forme de pureté et<br />

de simplicité naïve qui s’oppose radicalement à la cruauté<br />

et au cynisme des colons.<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

Ouvrages critiques sur Candide de Voltaire<br />

• Duchêne, Candide, Paris, Bréal, coll. « Connaissance d’une<br />

œuvre », 1998.<br />

• (sous la direction de) R. Pomeau, Voltaire en son temps,<br />

Oxford, Voltaire Foundation, 1985-1997.<br />

• R. Pomeau, Voltaire par lui-même, Paris, Le Seuil, 1955.<br />

• J. Starobinski, « Le Fusil à deux coups de Voltaire », Le<br />

Remède dans le mal, Paris, Gallimard, 1989.<br />

Chapitre 4 - La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du xvi e siècle à nos jours • 79

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