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Cinéma du réel 2011

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10Un homme face au vide, mains en l’air. Que regarde-t-il ? Se rend-il ? Letient-on en joue ? Fait-il signe à quelqu’un dans la vallée ? Qu’annoncedonc cette brume qui monte de la vallée comme une rumeur <strong>du</strong>monde ?« Cinéma <strong>du</strong> réel ». Beaucoup de monde nous envie ce titre. Parfois onnous l’emprunte même sans prévenir. Le réel n’a heureusement pasencore de copyright, mais avec le temps, cette appellation est un peudevenue la marque de fabrique <strong>du</strong> festival. Parfois ce nom résonne demanière trouble tant il peut être lu (ou transformé) en dogme, en label,en appellation d’origine contrôlée, en identité… Donner tout son sensà ce nom – comme ce fut le cas pendant les 32 premières années – c’estaussi le féconder, festival après festival, et l’ouvrir à l’imaginaire particulierdes cinéastes. Ce mot a tant besoin de l’imaginaire de ceux qui,au-delà d’une image ou de l’illusion d’un monde, nous offrent un vrairegard sur le monde. « Que peut encore le cinéma ? » se demande-t-onparfois. Que peut encore le documentaire quand on a l’impression quetout est dit, que tout a été montré, que chaque film correspond à unpoint coincé entre les axes des abscisses et des ordonnées d’une grillequi aurait la prétention de raconter le monde… Comme entreprise desimple monstration (tiens, il y a le mot “monstre” dans “monstration”),le documentaire s’épuise. Mais là où il continue à être un acte de création,non. Là où il s’aventure sur des terrains préservés de la parole deflux, non. Alors il reste vif, riche, porteur d’utopie, de densité et nousaide à appréhender la complexité fertile <strong>du</strong> monde qui nous héberge. Uncinéma empêcheur de tourner en rond, un socle qui traverse les modeset les soi-disant révolutions – de ces révolutions qui se ré<strong>du</strong>isent à faireun tour sur soi-même.« Le documentaire, c’est la vraie vie ». Expression imbécile que l’on a puentendre cette année encore, en intro<strong>du</strong>ction de la remise <strong>du</strong> César <strong>du</strong>documentaire. Dans ces mots, la preuve est encore faite que la spécificité<strong>du</strong> documentaire que nous défendons n’est souvent ni compriseni reconnue, dans la famille même <strong>du</strong> cinéma. L’écart entre l’in<strong>du</strong>strieet la création documentaire est grand, un abysse au fond d’un océan.Ne pas céder à la tentation <strong>du</strong> refuge qu’offre parfois le langage.Questionner ces mêmes mots que nous utilisons, les évoquer avecprécaution, en affiner l’usage… Et puisque nous sommes contraintsà en partager l’usage avec ceux qui les maltraitent, augmenter lajustesse de leur portée quand nous les utilisons. « Éthique », « Geste »,« Documentaire », « Altérité », « Cinéma », « Rapport au monde », « Pointde vue », « Juste distance »… sont des mots précieux. Nul n’est à l’abride les utiliser à tort, mais on ne peut s’empêcher de se sentir souventdépossédé d’un outil précieux, notre vocabulaire commun.Réfléchir au sens de toute cette entreprise. Pourquoi faire des documentaires? Pourquoi les regarder ? Pourquoi les montrer ? Pour qui ?Comment ? Affiner nos pratiques, jusque dans l’acte de transmettre.Accepter les limites des festivals, ces lieux qui accueillent aujourd’huides désirs tellement variés. Éviter qu’ils ne deviennent des tuyaux qu’ilfaut remplir, des recettes qu’il faut appliquer. Je pense que la spécificitéde « Cinéma <strong>du</strong> réel » est salutaire dans le paysage actuel des festivals.Axer son choix loin de la stratégie ou de l’opportunisme de circonstancequ’offre parfois le diktat de la première mondiale que certainsfestivals de notre taille se bornent à appliquer. Loin de toute positiondémissionnaire, offrir un programme dense, ouvert, généreux dans sonapproche, sans prétention, avec un projet éditorial fort dirigé vers lespublics <strong>du</strong> festival.Parler d’éthique documentaire. Et tant pis si certains confondent moraleet éthique. Réagir aux images de flux – même documentaires – autourde nous… Dans cette société médiatique où la critique sociale s’incarnedans les figures <strong>du</strong> “chroniqueur”, de “l’expert” et de “l’humoriste”, oùles images deviennent des espaces d’exhibition et de conflit, des grandessurfaces de réparations et de discours, il est urgent d’affirmer autrechose par le cinéma. Il faut reparler des implications éthiques et politiquesà l’œuvre dans des choix de cadrages, de prise de son, de montagedans les films. Reparler des fondamentaux.Le programme est riche, une fois de plus. La maille est fine, dense, maisle tissage laisse apparaître les résonances entre les sections, entre lesfilms récents et le patrimoine, entre des films qu’a priori rien ne marie.Car un festival c’est un formidable lieu de cohabitation de public, decinéastes, mais aussi un formidable lieu de cohabitation de films trèsdifférents.Bon festival. Et beaucoup de plaisir à tous.Javier Packer-Comyn

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