144145André S. Labarthe CinéasteCher Cinéma <strong>du</strong> réel,Vous pensez bien que je ne vais pas me pencher, m’épancher sur mesétats d’âme à propos d’un film entr’aperçu un jour de chance puis définitivementdisparu de mon horizon. Pendant un instant il aura été le plusbeau film <strong>du</strong> monde et cela me suffit. Invisible ? Non : à jamais surexposé.Mais j’imagine que je ne réponds pas à votre enquête. Alors voilà. Il y aquelques années, pour recenser les films invisibles, c’est-à-dire interditsà toute circulation, il fallait d’abord s’adresser à la Censure. Aujourd’hui,la censure a disparu ( enfin, elle s’est elle-même ren<strong>du</strong>e invisible) maisil y a d’autres lieux où l’invisibilité se fabrique. Le plus connu en France,s’appelle l’Institut National de l’Audiovisuel. Confiez un film à l’INA, et,en effet, vous aurez de grandes chances de ne plus le revoir. Les exemplesne manquent pas.Enfin pourquoi ne pas reconnaître – en hommage à Edgar Poe – queces films invisibles tellement recherchés sont là sous nos yeux, partoutet à chaque instant disponibles. Ils portent des noms célèbres : L’Age d’Or,La Règle <strong>du</strong> jeu, La Passion de Jeanne d’Arc… Alors montrer des filmsinvisibles, cela ne devrait-il pas consister à les montrer autrement ? Vousle savez bien : ces films qui hantent salles et histoires <strong>du</strong> cinéma, en véritéils ne sont pas vus.Amicalement.André S. LabartheAndrew Lampert Conservateur à l’AnthologyFilm ArchivesThe Sweet Smell of SexEn tant qu’archiviste, j’ai passé beaucoup de temps à fouiller dans desboîtes, à exhumer des bobines per<strong>du</strong>es dans les rayons de l’AnthologyFilm Archives. Il m’arrive souvent d’être contacté par des personnes ingénuesqui retrouvent des films et ne savent pas quoi en faire. Je suis sanscesse amené à me souvenir qu’un nombre incalculable de films essentielset de mystères restent à découvrir, que des boîtes croupissent dans desplacards, des hangars et des brocantes. Quelque part dans cet océan defilms per<strong>du</strong>s se trouve The Sweet Smell of Sex (1965, 72 min.), réalisé parRobert Downey Sr. – lequel, au passage, ne se sent pas particulièrementconcerné par le sort de cet étrange film d’exploitation réalisé à la va-vite.Il s’agissait d’une commande qu’il avaitacceptée pour payer les frais d’hôpitalde la naissance de son fils, Iron Man.Downey s’était déjà fait un nom sur lascène émergente <strong>du</strong> cinéma indépendantnew-yorkais grâce à un courtmétragede jeunesse, Balls Bluff, puis aumoyen-métrage Babo 73, dans lequelapparaissait la future superstar warholienneTaylor Mead.Ceci dit, cette notoriété dans le milieu<strong>du</strong> cinéma underground était loin desuffire à payer les factures et Downeyavait désespérément besoin d’uncontrat. Par chance (ou pas), le scénaristeet pro<strong>du</strong>cteur Barnard L. Sackett se manifesta avec un scénario racontantl’histoire de Bebe, « une fille prétentieuse <strong>du</strong> fin fond de l’Indiana »qui arrive dans un New York miteux et sordide, et subit les agressionssexuelles de toute une série de pervers locaux. Les supports publicitaireset communiqués de presse retrouvés dans le dossier de Downey à l’AnthologyFilm Archives affirment que le film « vous emmène un pas au-delà dela réalité » et « torture votre esprit ».D’autres documents et lettres attestent que le film fut projeté à la Filmmakers’Cinematheque dirigée par Jonas Mekas. Il y a quelques années, j’aieu le grand plaisir de travailler à la conservation de Babo 73 et des autrescomédies des années soixante de Downey, Chafed Elbows et No MoreExcuses ; mon désir de retrouver ce film en particulier est donc peut-êtreavant tout celui d’un collectionneur.Est-ce que je pense que ce film, renié par son auteur, est un bon film ?À ceci je réponds : est-ce qu’un film outrancier, réalisé sans argent et sansprétentions intellectuelles, parlant « de gens qui s’acharnent à toucher lefond », peut être décevant ?Si ce film demeurait introuvable, alors mon deuxième souhait seraitd’exhumer la seconde bobine de l’autre chef d’œuvre (potentiel) per<strong>du</strong> deDowney, Two Tons of Turquoise to Taos Tonight. Par la suite, ce film a étéremonté, rebaptisé, et plus ou moins vu sous le titre Moment to Moment,mais la folie hilarante et la merveilleuse incohérence de la première bobine,récemment redécouverte, nous engage à attendre beaucoup <strong>du</strong> montageinitial.Tra<strong>du</strong>it de l’anglais parOlivia Cooper Hadjian et Aurélia Georges¹
¹Eric Le Roy Chef <strong>du</strong> service Accès, valorisation et enrichissementdes collections, Vice-Président de la FIAF, Archives françaises<strong>du</strong> film-CNCLa Tartine de cacaoOn doit à Bernard Chardère, dans les premiers numéros de Positif en1953, d’avoir consacré une longue étude fondamentale signée Paul-LouisThirard sur Maurice Burnan, cinéaste inclassable, indépendant, originalet mystérieux. L’histoire de ses films et la perte de ses copies font de sonœuvre un vrai mythe et tout cinéphile sérieux rêve de découvrir sonchef d’œuvre, La Tartine de cacao, réalisé en 1926 avec la collaborationde Léonce-Henry Burel, Forster, interprété par Gaby Morlay, GeorgesCharensol et Duhamel.Dans les années soixante, Bernard Martinand, qui programmait entreautres au Mac Mahon, fréquente à la même époque la Cinémathèquefrançaise rue d’Ulm. C’est alors que Bertrand Tavernier découvre avecémotion au Studio Obligado une version raccourcie de La Tartine decacao de Maurice Burnan, présentée en complément de programme deL’Ile des péchés oubliés d’Edgar G. Ulmer dans une copie 16 mm devenueintrouvable. Plus tard, lorsque Dominique Païni devient, au début desannées 1990, le directeur de la Cinémathèque française, il nomme Martinanddirecteur des collections films en le chargeant tout particulièrementde retrouver les films de Maurice Burnan, auquel il avait lui-mêmeconsacré une plaquette éditée à compte d’auteur en mai 1968, intitulée Àla recherche d’un cinéaste d’avant-garde méconnu, Maurice Burnan en quiil voyait un précurseur des travaux de Jean-Marie Straub. Les recherchesde Bernard Martinand n’ont hélas pas abouti : rien de présentable dansles festivals comme Bologne, et même sur le plan de l’édition, le livreque venait de terminer Michel Mardore avant sa disparition brutale netrouve pas d’éditeur. Récemment encore, Edouard Waintrop a pu avoirune excellente discussion sur Maurice Burman, qu’Albert Bol<strong>du</strong>c lui afait connaître il y a des années.La Tartine de cacao (1926), invisible depuis 1960, retrouvera-t-elle unjour un écran ?Boris Lehman CinéasteDes films per<strong>du</strong>s, invisibles, oubliés, il y en a tant.Je rêve de voir un jour la version intégrale des Rapaces d’Eric von Stroheim,La Mouette - A Woman of the Sea de Joseph von Sternberg, La Vied’un acteur de Mizoguchi. Le dernier film réalisé par Albert Lamorisseen Iran (Le Vent des amoureux). Lamorisse est mort dans son hélicoptèrependant le tournage.J’ai per<strong>du</strong> personnellement une centaine de films, en une quarantainede déménagements notamment, mais aussi dans des studios, des laboratoires,des ministères et des cinémathèques qui les ont jetés ou abandonnés.On finit par penser qu’ils n’ont jamais existé.Mais on peut aussi penser que s’ils n’étaient pas assez bons pour résisterau temps, c’est que ça devait arriver et c’est très bien ainsi.Bien enten<strong>du</strong>, j’ai un petit battement de cœur quand je repense aux deuxfilms tournés avec John Cage (3 minutes de silence) à Liège et à Montréal,celui commencé avec Joseph Morder (Les Aventures de Joseph). Les Mangeursde Grotte, tourné dans les grottes de Han, était magnifique – je mesouviens d’un vieux type assis tenant un pain dans les mains, de chevauxendormis, mais surtout de la course <strong>du</strong> soleil couchant, que j’avais filméeimage par image avec ma Bolex, qui suivait très exactement la descente<strong>du</strong> guide dans la grotte, tenant un flambeau à la main. Les Pieds, tournéà la fin des années 50, très court métrage improvisé en noir et blanc,sur un type obsédé par les chaussures, qu’il vole aux passantes dans larue. A la fin, on le voyait tirer au bout d’une longue ficelle un nombreincroyable de chaussures.Dans Pourrir en Guyanne de Thierry Zeno, tourné en super 8 dans leLavandou, je jouais le rôle d’un chien. Dans Via Bruxelles, première version<strong>du</strong> film Bruxelles Transit, de Samy Szlingerbaum, je jouais le rôleprincipal auprès de mon amie de l’époque.Il y avait aussi un film inspiré d’un poème d’Aragon, Celui qui croyaitau ciel…Mon ami Daniel De Valck a fait au début des années 90, dans le quartierafricain de Bruxelles dénommé Matongué un film intitulé SangoNini. Devant tirer une copie pour la télévision française, ne la voyantpas venir, il s’inquiète auprès <strong>du</strong> laboratoire, qui lui dit qu’on ne peutplus tirer de copie parce que le négatif a été jeté – par erreur. Il a été misdans une mauvaise pile. C’est la faute de la femme de ménage portugaise,qui ne savait pas lire le français. Le laboratoire ne se sent aucunementresponsable. Ce fut alors une véritable course pour rattraper les camionspoubelles. Trop tard, les films étaient déjà tombés dans l’incinérateur.Le cinéma n’est jamais là où on l’attend.Les Invisibles
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