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Cinéma du réel 2011

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144145André S. Labarthe CinéasteCher Cinéma <strong>du</strong> réel,Vous pensez bien que je ne vais pas me pencher, m’épancher sur mesétats d’âme à propos d’un film entr’aperçu un jour de chance puis définitivementdisparu de mon horizon. Pendant un instant il aura été le plusbeau film <strong>du</strong> monde et cela me suffit. Invisible ? Non : à jamais surexposé.Mais j’imagine que je ne réponds pas à votre enquête. Alors voilà. Il y aquelques années, pour recenser les films invisibles, c’est-à-dire interditsà toute circulation, il fallait d’abord s’adresser à la Censure. Aujourd’hui,la censure a disparu ( enfin, elle s’est elle-même ren<strong>du</strong>e invisible) maisil y a d’autres lieux où l’invisibilité se fabrique. Le plus connu en France,s’appelle l’Institut National de l’Audiovisuel. Confiez un film à l’INA, et,en effet, vous aurez de grandes chances de ne plus le revoir. Les exemplesne manquent pas.Enfin pourquoi ne pas reconnaître – en hommage à Edgar Poe – queces films invisibles tellement recherchés sont là sous nos yeux, partoutet à chaque instant disponibles. Ils portent des noms célèbres : L’Age d’Or,La Règle <strong>du</strong> jeu, La Passion de Jeanne d’Arc… Alors montrer des filmsinvisibles, cela ne devrait-il pas consister à les montrer autrement ? Vousle savez bien : ces films qui hantent salles et histoires <strong>du</strong> cinéma, en véritéils ne sont pas vus.Amicalement.André S. LabartheAndrew Lampert Conservateur à l’AnthologyFilm ArchivesThe Sweet Smell of SexEn tant qu’archiviste, j’ai passé beaucoup de temps à fouiller dans desboîtes, à exhumer des bobines per<strong>du</strong>es dans les rayons de l’AnthologyFilm Archives. Il m’arrive souvent d’être contacté par des personnes ingénuesqui retrouvent des films et ne savent pas quoi en faire. Je suis sanscesse amené à me souvenir qu’un nombre incalculable de films essentielset de mystères restent à découvrir, que des boîtes croupissent dans desplacards, des hangars et des brocantes. Quelque part dans cet océan defilms per<strong>du</strong>s se trouve The Sweet Smell of Sex (1965, 72 min.), réalisé parRobert Downey Sr. – lequel, au passage, ne se sent pas particulièrementconcerné par le sort de cet étrange film d’exploitation réalisé à la va-vite.Il s’agissait d’une commande qu’il avaitacceptée pour payer les frais d’hôpitalde la naissance de son fils, Iron Man.Downey s’était déjà fait un nom sur lascène émergente <strong>du</strong> cinéma indépendantnew-yorkais grâce à un courtmétragede jeunesse, Balls Bluff, puis aumoyen-métrage Babo 73, dans lequelapparaissait la future superstar warholienneTaylor Mead.Ceci dit, cette notoriété dans le milieu<strong>du</strong> cinéma underground était loin desuffire à payer les factures et Downeyavait désespérément besoin d’uncontrat. Par chance (ou pas), le scénaristeet pro<strong>du</strong>cteur Barnard L. Sackett se manifesta avec un scénario racontantl’histoire de Bebe, « une fille prétentieuse <strong>du</strong> fin fond de l’Indiana »qui arrive dans un New York miteux et sordide, et subit les agressionssexuelles de toute une série de pervers locaux. Les supports publicitaireset communiqués de presse retrouvés dans le dossier de Downey à l’AnthologyFilm Archives affirment que le film « vous emmène un pas au-delà dela réalité » et « torture votre esprit ».D’autres documents et lettres attestent que le film fut projeté à la Filmmakers’Cinematheque dirigée par Jonas Mekas. Il y a quelques années, j’aieu le grand plaisir de travailler à la conservation de Babo 73 et des autrescomédies des années soixante de Downey, Chafed Elbows et No MoreExcuses ; mon désir de retrouver ce film en particulier est donc peut-êtreavant tout celui d’un collectionneur.Est-ce que je pense que ce film, renié par son auteur, est un bon film ?À ceci je réponds : est-ce qu’un film outrancier, réalisé sans argent et sansprétentions intellectuelles, parlant « de gens qui s’acharnent à toucher lefond », peut être décevant ?Si ce film demeurait introuvable, alors mon deuxième souhait seraitd’exhumer la seconde bobine de l’autre chef d’œuvre (potentiel) per<strong>du</strong> deDowney, Two Tons of Turquoise to Taos Tonight. Par la suite, ce film a étéremonté, rebaptisé, et plus ou moins vu sous le titre Moment to Moment,mais la folie hilarante et la merveilleuse incohérence de la première bobine,récemment redécouverte, nous engage à attendre beaucoup <strong>du</strong> montageinitial.Tra<strong>du</strong>it de l’anglais parOlivia Cooper Hadjian et Aurélia Georges¹

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