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Cinéma du réel 2011

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Le poème documentaireLe 28 octobre 1953 à New York, Amos Vogel, programmateur deCinema 16, accueille une table ronde consacrée à “Poésie et Cinéma”composée de Maya Deren (écrivain et cinéaste), Parker Tyler (écrivain,critique de cinéma), Dylan Thomas (poète et scénariste), ArthurMiller (dramaturge) et Willard Maas (écrivain, cinéaste). De façonintro<strong>du</strong>ctive, Parker Tyler commence par repérer les formes poétiquesmises en œuvre par le cinéma, qu’il partage en deux secteurs : lapoésie visuelle d’une part, la poésie visuelle et verbale de l’autre. Auregistre de la poésie visuelle, Tyler mentionne le surréalisme et lepost-surréalisme américain, Un Chien andalou de Luis Buñuel, Lot inSodom de Melville Webber et James Sibley Watson, les films de MayaDeren, James Broughton, Kenneth Anger… ; puis les ciné-poèmes, ouimpressions visuelles ; les films abstraits ; la poésie naturaliste (RobertFlaherty) ; les séquences d’hallucinations. Au registre de la poésievisuelle et verbale, Tyler mentionne les “fantaisies” de Jean Vigo ; laprose poétique (Sidney Peterson, Ian Hugo) ; le “formalisme sévère”(S. M. Eisenstein) ; les films mythologiques (Jean Cocteau) ; les documentairesnaturalistes (George Franju).Pour aborder l’histoire de la poésie filmique, on peut donc, en effet,en sérier les formes ; on peut, ainsi que Maya Deren s’y emploie, encaractériser la nature, qui pour elle consiste à “explorer une situation,témoigner des ramifications <strong>du</strong> moment, en travailler la profondeuret les qualités” ; on peut aussi observer les analogies entre formespoétiques littéraires et musicales et formes poétiques visuelles, caril est aisé de déceler le lyrisme, ou la nature élégiaque, ou des structuresmétriques dans les œuvres par exemple de José Val del Omar,Artavazd Pelechian, Bruce Baillie, Agnès Varda ou Ange Leccia. Lesopérateurs Lumière et Kahn, Dimitri Kirsanov, Germaine Dulac,Vladimir Maïakovski, Vsevolov Poudovkine, Emlen Etting, VittorioDe Seta, Margaret Tait, les lettristes, Jean-Daniel Pollet, JonouchiMotoharu, Peter Emanuel Goldman, l’Antonioni des îles, EtantDonnés, F. J. Ossang, Jayce Salloum, Patrice Kirchhofer… autant depastorales, de chants, de stances, de psaumes, d’épopées, de zaoum,autant d’initiatives en matière de structuration et de déstructuration<strong>du</strong> ren<strong>du</strong> visuel, autant de propositions en matière d’intensificationdescriptive, autant de luttes aussi sur le terrain de la « poésie civile »,ainsi qu’Alberto Moravia nommait celle de Pier Paolo Pasolini.Tout en conservant l’ensemble de ces instruments d’observation, nousleur adjoignons une quatrième approche. La poésie littéraire, dansses formes fixes comme dans ses libertés modernes, c’est Pindare etGongora, François Villon et Ezra Pound, Schiller et Claude Pélieu,Guillaume <strong>du</strong> Bartas et Jacques Lacan : une conception expérimentale<strong>du</strong> langage, qu’il s’agisse de le régler ou de le dérégler. De la mêmefaçon, l’histoire <strong>du</strong> poème documentaire permet de déceler certainesdes formes visuelles récurrentes ou uniques issues de l’expérimentationdescriptive : études, analyses, méditations, littéralités, boucles,déflagrations lentes ou soudaines, irradiations, flashes, gloria (termeemployé par Maurice Merleau-Ponty pour désigner une qualitéd’apparition)… De telles iniatives texturelles et temporelles agissent“de façon que l’apparence d’une rue exposée à la lumière <strong>du</strong> soleilpuisse dans son rugissement atteindre son propre cœur signifiant,comme dans une symphonie, peut-être comme aucune symphonie nele peut. Et l’état de conscience virera de l’imaginé et <strong>du</strong> révisé à l’effortde simplement percevoir la radiation cruelle de ce qui est », commel’écrivait James Agee (Louons maintenant les grands hommes, 1940).Ce sont les “illuminations” filmiques, qui refusent les approximationsfiguratives, reconfigurent la mimésis et déploient voire métamorphosentles phénomènes à partir d’eux-mêmes, à l’instar des bombes,bouquets, embrasements, cascades ou soleils propres à la pyrotechnie.« Qu’est-ce que la poésie, la parole d’un poète ? Le réel. L’ écriture <strong>du</strong>réel. L’ inscription (le « graphein », avant même toute détermination<strong>du</strong> gramme en écriture hiéroglyphique, ou alphabétique, ou cinématographique)de la réalité elle-même. L’ écriture inscrit l’être même<strong>du</strong> réel. Certes, depuis Hölderlin, tous les poètes nous l’ont dit. Encorefaut-il qu’un jour chacun de nous à son tour entende ce dire : le voir.Entendre la parole de la poésie à son tour est un voir. » RaymondeCarasco, Après Artaud (1984).Nicole Brenez91ExploringDocumentary

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