136137Serge ChauvinMaître de conférences en littérature et cinéma américains àl’université de Nanterre, tra<strong>du</strong>cteur et critiqueSimoneDans la torpeur de l’été 1985, l’INA programmait, à la télévisionpublique, des films singuliers. L’un d’eux s’imposa comme un météore –tant par son éclat que par sa trajectoire fugitive. En effet, quoique plusieursfois primé au festival de Belfort, Simone ne sortit jamais en salles,et ne fut suivi, à ma connaissance, d’aucun autre long métrage. Reste lesouvenir, fragmentaire, d’un éblouissement.Simone, c’était la rencontre, la collision plutôt, de deux femmes d’âgedifférent, interprétées par deux Pascale (Audret et Bardet). L’amour s’yéprouvait sur le mode de la scène – interminable, infiniment répétée,comme l’a décrite Barthes dans Fragments d’un discours amoureux – etsurtout de la possession : l’autre ne se laisse pas posséder, mais vouspossède tel un succube. La mémoire imparfaite convoque un climatmorbide, des intérieurs étouffants : appartement, chambre d’hôpital…Je n’ai su que plus tard que le film jouait d’une mutation progressivedes couleurs, dévorant espace et objets sur un mode délibérémentirréaliste. Mais le noir et blanc <strong>du</strong> vieux téléviseur se prêtait bien aupoudroiement spectral, quasi dreyerien, de ce conte vampirique. Parson fantastique tapi dans la texture même de l’image, le film s’inscritdans une généalogie secrète <strong>du</strong> cinéma français, qui va de Vampyr etCocteau à Rivette et Garrel. Et comme il se doit, il est lui-même devenufantôme. Mais s’il hante encore les pensées, on aimerait, rien qu’unefois, le revoir s’incarner.Bob Connolly CinéasteFirst ContactMon histoire de film per<strong>du</strong> commence il y a quatre-vingt ans dans lesrégions montagneuses inexplorées <strong>du</strong> centre de la Nouvelle Guinée.Parti chercher de l’or dans les années 1930, l’Australien Michael Leahytombe nez à nez avec un million de personnes dont l’existence étaitauparavant inconnue <strong>du</strong> reste <strong>du</strong> monde. Avec un sens instinctif dela narration, et armé d’une caméra, Leahy filme la dernière confrontationsignificative dans l’histoire de l’humanité entre deux cultures.Mais personne ne prend la mesure de la véritable importance <strong>du</strong> filmà l’époque. Leahy devient aigri, et ces incroyables archives prennent lapoussière dans un grenier pendant cinquante ans.1980. Sur la piste de ces images légendaires de « premier contact », macollègue Robin Anderson se rend en Nouvelle-Guinée, chez RichardLeahy, le fils de feu Michael, et lui pose la question. Richard descend<strong>du</strong> grenier une valise cabossée et l’ouvre. Onze boîtes de pellicule 16mm,chacune contenant sa liste de plans jaunie. À leur lecture, Robin réprimeune sérieuse envie de s’enfuir aussitôt en emportant le tout.La pellicule racornie et friable est improjetable. Promettant de restaureret conserver les images, Robin s’en va avec les rushes et la bénédictionde Richard ; pendant deux semaines elle ne quitte jamais les bobines.Enfin de retour à Sidney, elle hèle un taxi, entasse ses bagages et pousseun soupir de soulagement. À mi-chemin entre l’aéroport et sa maison,elle cherche la valise cabossée. Disparue ! Oubliée dans une boutiquede l’aéroport ! Arrêt cardiaque !La valise est retrouvée, les bobines déposées à la National Film Archivepour être restaurées. Après six semaines d’attente, nous lançons lacopie restaurée sur la table de montage et restons là, « Silencieux, l’œilrivé sur un pic <strong>du</strong> Darien » 1 , tandis que les scènes merveilleuses deMichael Leahy se rejouent devant nos yeux pour la première fois depuiscinquante ans.First Contact est né. Espérons que le vieux chercheur d’or bourru nousregarde depuis là-haut, un sourire aux lèvres.Tra<strong>du</strong>it de l’anglais par Olivia Cooper Hadjian et Aurélia Georges1 “Silent, upon a peak in Darien” : vers de John Keats (Ndt).
¹Vincent Dieutre CinéasteLe film manquantUn film (me) manque et tout le cinéma est dépeuplé. Un film qu’onm’a décrit comme important, crucial, bien avant que je ne fasse, moi,des films. Puis ce même film qu’on m’a dit proche des miens dès lorsque je me suis mis à en faire. Et ce même film encore qui s’est avéréintrouvable alors qu’on m’offrait une carte blanche dans un festival àl’occasion d’une rétrospective. Un film manque, que je suis contraint àrêver. Il doit être très beau puisque vous avez pu l’inventer, comme disentles personnages de Demy.1990 : Je sors de désintoxication. Je suis aux côtés de Georg. Je l’ai suivià Berlin. Nous marchons, nous parlons, je lui dis que je veux finir lefilm commencé à Rome. Il dit que je dois d’abord prendre mon temps,retrouver le goût de vivre, d’aimer. Mais la porte est là, devant nous etpour la première fois de sa vie, de la mienne aussi, nous allons traverser,tout simplement, à pied. Ça y est, passée la Porte de Brandebourg, noussommes à l’Est et nous voilà tous deux pleurant comme des madeleinessous les yeux des touristes qui grappillent encore des bouts <strong>du</strong> Mur.Nous rions aussi, car nous sommes ridicules. Georg me dit que c’estça le film que je devrais faire, un film tout simple un peu comme celuide Ronny von Prosa, ce film qui l’avait bouleversé dans les années 70.J’essaie de noter, de ne pas oublier, mais je sais aussi que Georg, terriblementdyslexique depuis l’enfance et les bombardements de Berlin, aurarétabli son orthographe si personnelle. Mais Georg a l’œil de l’art et cefilm doit être bien important pour que là, maintenant, au cœur encoresanglant de l’Allemagne année 9/0, il lui revienne en mémoire. Le titrereste improbable, mon Georg tente de le reformuler en français, touten reniflant, encore tout baigné de sanglots réunifiés : C’est pas l’homoqu’est sale, c’est le monde autour lui. De Ronheim von Prausi1998 : Georg a gagné le Sud loin de moi, je fais des films. J’ai pu aussi,lors de ma première Berlinale, voir des films de Rosa von Pronheim ;pas de chance ! Du fait de l’emploi <strong>du</strong> temps serré, je n’ai pu voir celuiqui m’importait au-dessus de tout, et qui était pourtant annoncé sousle titre Nicht der Homosexuelle (mais on avance, on avance !).Donc, je suis au Fresnoy qui vient d’ouvrir ses portes, pour donner unemasterclass et montrer Leçons de Ténèbres. Straub est là. Il m’a déjà ditcombien Rome désolée lui avait plu et je sais que les Leçons vont unpeu le brusquer, plus lyriques, moins minimales. Mais il ne semblepas si déçu et, toujours bougon, me dit que je devrais voir un filmallemand, un très beau film de Rosa von Pronheim, un film de 1970,<strong>du</strong> temps où Pronheim était encore un radical surdoué de la galaxieFassbinder. Dans son allemand rauque et parigot, Jean-Marie m’énoncele titre entier : Nicht der Homosexuelle ist pervers, sondern die Situation,in der er lebt. En gros : « ce n’est pas l’homosexuel qui est pervers, maisla situation dans laquelle il vit ». Indispensable Jean-Marie ! Me resteà guetter les programmes des cinémathèques et des salles spécialisées.2003 : La cinémathèque de Lausanne m’offre une carte blanche. Je peuxchoisir tout ce qu’il me plaira de projeter au public, tout ce que j’aitoujours rêvé de voir. Et bien sûr, je vois là l’occasion d’en finir et desavoir enfin ce qui me lie à ce film incertain, fugitif, Nicht der Homosexuelle…de Rosa von Pronheim. Oui mais… Non : on est terriblementdésolé, n’existent qu’une copie 16mm et une VHS <strong>du</strong> film, quelque parten Allemagne. Elles restent indétectables pour l’instant. Le film existe,certes, mais il est « rare ».Voilà, l’être aimé, le cinéaste admiré, d’autres encore, m’auront donnéle goût d’un film que je ne saurais voir. Un film qui me concerneraitau premier chef. Peut-être qu’il n’existe pas et que c’est tant mieux, qu’ilm’incombe de le re-faire ? Wikipédia mon amour, dis-moi ta véritéfroide.« Ce n’est pas l’homosexuel qui est pervers, mais la situation dans laquelleil vit (Nicht der Homosexuelle ist pervers, sondern die Situation, in derer lebt) est un film <strong>du</strong> réalisateur Rosa von Praunheim. Il parle de lasous-culture et de la vie de nombre d’homosexuels au début des années70. Le film ne s’adresse pas à la société, mais aux homosexuels eux-Les Invisibles
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