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Cinéma du réel 2011

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136137Serge ChauvinMaître de conférences en littérature et cinéma américains àl’université de Nanterre, tra<strong>du</strong>cteur et critiqueSimoneDans la torpeur de l’été 1985, l’INA programmait, à la télévisionpublique, des films singuliers. L’un d’eux s’imposa comme un météore –tant par son éclat que par sa trajectoire fugitive. En effet, quoique plusieursfois primé au festival de Belfort, Simone ne sortit jamais en salles,et ne fut suivi, à ma connaissance, d’aucun autre long métrage. Reste lesouvenir, fragmentaire, d’un éblouissement.Simone, c’était la rencontre, la collision plutôt, de deux femmes d’âgedifférent, interprétées par deux Pascale (Audret et Bardet). L’amour s’yéprouvait sur le mode de la scène – interminable, infiniment répétée,comme l’a décrite Barthes dans Fragments d’un discours amoureux – etsurtout de la possession : l’autre ne se laisse pas posséder, mais vouspossède tel un succube. La mémoire imparfaite convoque un climatmorbide, des intérieurs étouffants : appartement, chambre d’hôpital…Je n’ai su que plus tard que le film jouait d’une mutation progressivedes couleurs, dévorant espace et objets sur un mode délibérémentirréaliste. Mais le noir et blanc <strong>du</strong> vieux téléviseur se prêtait bien aupoudroiement spectral, quasi dreyerien, de ce conte vampirique. Parson fantastique tapi dans la texture même de l’image, le film s’inscritdans une généalogie secrète <strong>du</strong> cinéma français, qui va de Vampyr etCocteau à Rivette et Garrel. Et comme il se doit, il est lui-même devenufantôme. Mais s’il hante encore les pensées, on aimerait, rien qu’unefois, le revoir s’incarner.Bob Connolly CinéasteFirst ContactMon histoire de film per<strong>du</strong> commence il y a quatre-vingt ans dans lesrégions montagneuses inexplorées <strong>du</strong> centre de la Nouvelle Guinée.Parti chercher de l’or dans les années 1930, l’Australien Michael Leahytombe nez à nez avec un million de personnes dont l’existence étaitauparavant inconnue <strong>du</strong> reste <strong>du</strong> monde. Avec un sens instinctif dela narration, et armé d’une caméra, Leahy filme la dernière confrontationsignificative dans l’histoire de l’humanité entre deux cultures.Mais personne ne prend la mesure de la véritable importance <strong>du</strong> filmà l’époque. Leahy devient aigri, et ces incroyables archives prennent lapoussière dans un grenier pendant cinquante ans.1980. Sur la piste de ces images légendaires de « premier contact », macollègue Robin Anderson se rend en Nouvelle-Guinée, chez RichardLeahy, le fils de feu Michael, et lui pose la question. Richard descend<strong>du</strong> grenier une valise cabossée et l’ouvre. Onze boîtes de pellicule 16mm,chacune contenant sa liste de plans jaunie. À leur lecture, Robin réprimeune sérieuse envie de s’enfuir aussitôt en emportant le tout.La pellicule racornie et friable est improjetable. Promettant de restaureret conserver les images, Robin s’en va avec les rushes et la bénédictionde Richard ; pendant deux semaines elle ne quitte jamais les bobines.Enfin de retour à Sidney, elle hèle un taxi, entasse ses bagages et pousseun soupir de soulagement. À mi-chemin entre l’aéroport et sa maison,elle cherche la valise cabossée. Disparue ! Oubliée dans une boutiquede l’aéroport ! Arrêt cardiaque !La valise est retrouvée, les bobines déposées à la National Film Archivepour être restaurées. Après six semaines d’attente, nous lançons lacopie restaurée sur la table de montage et restons là, « Silencieux, l’œilrivé sur un pic <strong>du</strong> Darien » 1 , tandis que les scènes merveilleuses deMichael Leahy se rejouent devant nos yeux pour la première fois depuiscinquante ans.First Contact est né. Espérons que le vieux chercheur d’or bourru nousregarde depuis là-haut, un sourire aux lèvres.Tra<strong>du</strong>it de l’anglais par Olivia Cooper Hadjian et Aurélia Georges1 “Silent, upon a peak in Darien” : vers de John Keats (Ndt).

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